在 une interview donnée au journal interne du ministère de La Défense Krasnaya Zvezda (étoile rouge), le commandant de la flotte du nord, le vice-amiral Alexander Moiseyev, a annoncé le déploiement d’une batterie anti-aérienne longue portée S400 sur l’ile arctique de Novaya Zemlya, faisant la séparation entre la mer de Barents et la mer de Kara, au dessus du cercle arctique. Selon lui, l’ensemble des sites majeurs de la flotte du nord recevront, dans les mois et années à venir, des systèmes S400 pour assurer leur protection contre les aéronefs, missiles de croisière et missiles balistiques.
Avec les effets du changement climatique en cours, l’Arctique est devenu un enjeu stratégique pour Moscou. La diminution probable de la banquise devrait permettre, à plus ou moins moyen terme, d’ouvrir une voie navigable nord ouverte la majeure partie de l’année, offrant une route alternative et économique à la route passant par le Pacifique et l’océan indien pour rejoindre l’Europe. En outre, la disparition de l’épaisse banquise et du permafrost ouvre d’importantes opportunités minières et de forage aux entreprises russes, la Russie revendiquant le plateau continental arctique.
Outre la protection contre d’éventuels frappes venant des Etats-Unis et du Canada et passant par le pôle nord, le déploiement de ces systèmes anti-aériens à longue portée, qui se fait parallèlement au déploiement de batteries côtières armées de missiles anti-navires Bastion, ainsi que la réouverture de bases arctiques permanentes annoncées récemment, permettent à Moscou de prendre le contrôle de cette zone et d’y déployer une bulle de protection en déni d’accès. Ainsi, à l’instar de Pékin en mer de Chine, le Kremlin s’assure d’un fait accompli inamovible sur cette zone, indépendamment de tout arbitrage international qui, de toute façon, ne sera pas reconnu.
Reste que si ces déploiements entravent les ambitions américaines, canadiennes ou danoises sur les routes et le plateau continental arctique, c’est également un message envoyé à l’allié chinois, qui a également fait montre d’importantes ambitions dans cette zone. En effet, Pékin y voit une alternative néfaste à son projet stratégique des nouvelles routes de la soie. Dès lors, les autorités chinoises n’ont eu de cesse que de maintenir le statu quo dans la zone arctique, construisant à ce titre des patrouilleurs et brise-glaces pour assurer sa présence sur la zone. Le fait que ce premier déploiement intervienne en mer de Barents, et non en mer de Behring ou de Sibérie Orientale, soit au plus prêt des Etats-Unis et du Canada, est certainement lié à une volonté de préserver les bonnes relations actuelles sino-russes. Mais l’annonce de sa généralisation à l’ensemble de la zone arctique n’en reste pas moins un message clair : Moscou assurera seule le contrôle de la route nord.
Après la frontière ouest avec l’OTAN, l’arctique est aujourd’hui le second théâtre majeur pour les forces russes. Ainsi, une part significative des chars T80BVM y ont été transférés, étant particulièrement bien adaptés aux rudes conditions arctiques grâce à leur turbine propulsive. De même, une version spécifique du système anti-aérien TOR M2 a été développée et déployée pour assurer la protection rapprochée des forces contre les aéronefs et missiles de croisière. Plusieurs bases militaires, fermées depuis l’effondrement du bloc soviétique, ont également été modernisées pour recevoir des forces permanentes.