vendredi, mars 29, 2024

La France peut-elle ouvrir la porte ร  la Belgique pour monter ร  bord du programme SCAF ?

Il y a quelques jours, alors qu’il รฉtait interrogรฉ par la Commission du Sรฉnat sur la Dรฉfense et les Affaires Etrangรจres dans le cadre de l’examen de la Loi de Programmation Militaire 2024-2030, le PdG de Dassault Aviation, Eric Trappier, avait fermement exprimรฉ son opposition ร  ce que d’autres partenaires europรฉens ne rejoignent le programme SCAF. Selon lui, le partage industriel autour de ce programme est dรฉjร  suffisamment complexe et difficile ร  รฉquilibrer avec l’Allemagne et l’Espagne, alors que de nouveaux partenaires ne feraient que rendre l’ensemble encore plus instable, avec le risque de provoquer son effondrement.

Surtout, prenant l’exemple de la Belgique, Eric Trappier a mis en avant que ce pays, que l’on sait enclin ร  rejoindre le programme, avait fait le choix de s’รฉquiper du F-35A, et que du F-35A, pour remplacer ses F-16, et qu’en tant que tel, il n’avait pas montrรฉ un attachement particulier ร  l’รฉmergence d’une autonomie stratรฉgique europรฉenne en matiรจre de dรฉfense, ainsi qu’ร  la prรฉservation des compรฉtences de l’industrie aรฉronautique de dรฉfense europรฉenne.

Bien รฉvidemment, cette dรฉclaration, au demeurant fort peu diplomatique dans la bouche d’un des industriels les plus influents en Europe, n’a guรจre plu outre-Quiรฉvrain, et de nombreuses voix, y compris au sein des armรฉes, se sont offusquรฉes de la position exprimรฉe par le PDG franรงais.

IMG 3537 2 Coopรฉration internationale technologique Dรฉfense | Analyses Dรฉfense | Aviation de chasse
En 2018, Bruxelles a prรฉfรฉrรฉ le F-35A aux offres europรฉennes pour remplacer ses F-16

Il est vrai que si Bruxelles a arbitrรฉ en faveur du F-35A de Lockheed-Martin en 2018, au dรฉtriment du Typhoon, Gripen ou Rafale europรฉens, les autoritรฉs belges ont mis en oeuvre un important effort, en particulier dans le domaine de la Dรฉfense, pour apaiser l’ire de Paris.

Ainsi, quelques jours ร  peine aprรจs l’annonce de l’acquisition du chasseur amรฉricain, Bruxelles et Paris annonรงait le lancement du programme CaMo, par lequel les forces armรฉes terrestres des deux pays deviendraient parfaitement inter-opรฉrables, notamment par l’acquisition pour l’Armรฉe de terre belge de 382 vรฉhicules Griffon et 60 Jaguar, tous info-valorisรฉs, livrรฉs ร  partir de 2025.

Quelques mois plus tard, les Marines Belges et Nรฉerlandaises confiaient au consortium formรฉ par le Belge ECA et le franรงais Naval Group, mandat pour concevoir et construire 12 grands navires de guerre des mines, 6 par pays, un contrat de 2 Mdโ‚ฌ. Plus rรฉcemment, Bruxelles a une nouvelle fois renouvelรฉ son attachement ร  l’interopรฉrabilitรฉ franco-belge, en commandant 9 canons CAESAR NG, commande qui sera portรฉe par la suite ร  28 canons motorisรฉs en juillet 2022.

Du point de vue Belge, de fait, si effectivement prรฉfรฉrence fut donnรฉe au F-35 en 2018, une dรฉcision en grande partie conditionnรฉe par l’engagement d’interopรฉrabilitรฉ avec les forces aรฉriennes nรฉerlandaises dรฉjร  รฉquipรฉes de l’appareil, le pays a montrรฉ, depuis, toute sa determination ร  renforcer l’รฉmergence d’une autonomie stratรฉgique europรฉenne, et notamment en se rapprochant de l’industrie de dรฉfense franรงaise.

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Entre le programme CaMo et la conception des navires de guerre des mines belge-nรฉerlandais, l’industrie franรงaise a obtenu, ces derniรจres annรฉes, un montant global de commandes identique ร  celui du programme F-35A belge.

En outre, et c’est loin d’รชtre nรฉgligeable, les autoritรฉs belges affirment n’avoir jamais reรงu d’offre formelle de la part de la France pour le remplacement de ses F-16, la seule proposition franรงaise dans ce domaine ayant รฉtรฉ faite par Florence Parly alors ministre des armรฉes, lors d’une renoncer avec son homologue belge en Mai 2018.

Qu’elle ait รฉtรฉ formalisรฉe ou non, il est peut probable que l’offre franรงaise ait รฉtรฉ effectivement considรฉrรฉe par le gouvernement Belge, et surtout par le ministre de la dรฉfense de l’รฉpoque, Steven Vandeput, fervent dรฉfenseur de l’appareil amรฉricain. C’est d’ailleurs pour cela que Dassault justifie de n’avoir pas donnรฉ suite.

Pour autant, en mettant bout ร  bout l’ensemble des รฉvรฉnements et dรฉcisions qui se sont succรฉdรฉes depuis 2018 au sujet de la coopรฉration dรฉfense franco-belge, il apparait que la situation est probablement plus nuancรฉe que prรฉsentรฉe par Eric Trappier, mรชme si ce dernier a des raisons objectives pour contenir la participation industrielle autour du programme SCAF aux 3 pays initiaux.

l'extension du programme SCAF ร  d'autres partenaires europรฉens complexifiera le partage industriel dรฉjร  tendu autour de ce programme
l’extension du programme SCAF ร  d’autres partenaires europรฉens complexifiera le partage industriel dรฉjร  tendu autour de ce programme

Par ailleurs, il est probable que l’opposition ferme de Dassault aux requรชtes appuyรฉes de Bruxelles, encore rรฉitรฉrรฉes il y a quelques jours par la Ministre de la dรฉfense belge Ludivine Dedonder, pour rejoindre le programme SCAF, pourrait venir dรฉtรฉriorer la dynamique en cours dans les domaines terrestres et navals. Dans ce cas, peut-on sortir de ce cercle vicieux auto-entretenu par des acteurs sรปrs de leur bon droit ?


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