mardi, mars 19, 2024

Finlande : 10 critères pour déterminer quel serait le meilleur remplaçant pour les F18 ?

Alors que Saab vient d’avancer ses pions dans la compétition l’opposant en Finlande aux autres avionneurs occidentaux, il apparait qu’une analyse sur le modèle de celle faite concernant la Suisse, apporterait des éclaircissements sur les choix qui se posent aux dirigeants finlandais. Il n’est pas possible, en effet, de placarder l’analyse helvétique aux besoins finlandais, les conditions géographiques, politiques et opérationnelles divergeant grandement. Ces différences engendrent non seulement une appréciation différente des critères évoqués, mais également la réorganisation de certains critères.

Comme précédemment, une note allant de 1 à 5 sera attribuée à chaque appareil pour chacun des critères, 5 représentant la meilleure réponse, proportionnellement aux autres appareils et aux besoins finlandais, et 1 représentant une réponse très insuffisante à ces mêmes besoins. De même, les appareils en lice sont le JAS39 E/F de Saab, qui sera considéré accompagné de 2 avions d’alerte aérienne avancée GlobalEye conformément à l’offre faite par la Suède, le Rafale au standard F4, le Typhoon d’Eurofighter dans le standard polyvalent qui sera celui des Typhoon allemands remplaçant les Tornados, le F/A 18 E/F Super Hornet accompagné là aussi de 2 E2-D Hawkeye pour respecter les critères définis par la Suède, et le F35A de Lockheed-Martin. Les critères retenus sont les suivants :


1- Manoeuvrabilité

Même en l’absence de relief comme en Suisse, la manoeuvrabilité reste un critère déterminant pour l’évaluation des performances de l’appareil finlandais. En effet, l’aviation finlandaise sera amenée, dans le futur, à régulièrement faire face aux aéronefs russes, lors de manoeuvres, de provocations, ou, s’il le faut, de combats. Les avions russes, comme le Su35 ou le Su30, sont réputés extrêmement agiles, et une mauvaise agilité priverait l’appareil d’un avantage en combat rapproché. Dans ce domaine, le Rafale et le Gripen sortent du lot, les deux avions étant très agiles, même lorsqu’ils emportent une charge importante. Ils obtiennent la note de 5. Le Typhoon est également très manoeuvrant, mais est moins performant en moyenne et basse altitude que les deux avions précédant, il obtient la note de 4. Le Super Hornet est, de par sa conception, moins manoeuvrant que les « Eurocanards », il obtient le note de 3, alors que le F35 clos ce classement avec la note de 2, l’avion étant, dans ce domaine, très inférieur aux autres appareils du panel, ainsi qu’aux appareils russes auxquels il pourrait être confronté, car étant conçu avant tout pour le combat BVR[efn_note]Beyond Visual Range[/efn_note]

Gripen snow Analyses Défense | Aviation de chasse | Construction aéronautique militaire
Deux Gripen des forces aériennes suédoises

2- Vélocité

Avec une superficie de presque 340.000 km2, 8 fois plus importante que celle de la Suisse, les avions finlandais doivent être en mesure d’atteindre des vitesses élevées, et de maintenir cette vitesse pour arriver rapidement sur la zone d’engagement. Dans cette configuration, la capacité de « super croisière » est un avantage marqué, car permettant aux appareils de maintenir une vitesse supersonique sans avoir recours à la poste-combustion très consommatrice de carburant, de sorte à disposer d’une plus grande autonomie une fois arrivé. Dans ce domaine, le Rafale et le Typhoon sont les plus performants, alliant la super-croisière à une grande autonomie et une importante capacité d’emport, et obtiennent la note de 5. Le Gripen dispose également de la capacité Super Croisière, mais son autonomie et sa capacité d’emport plus limitée lui confère la note de 4. Le F18 Super Hornet comme le F35 n’ont pas accès à la super croisière, et ont une autonomie par ailleurs plus limitée que les avions européens. Ils obtiennent la note de 2.

3- Disponibilité

En cas de conflit en Europe, la Finlande, malgré sa neutralité, risque fort d’être en première ligne, et de devoir supporter une offensive militaire importante dans des délais pouvant être très courts. Dans ces conditions, la disponibilité des appareils est un critère déterminant, agissant comme un coefficient multiplicateur de forces ou, dans le cas contraire, comme un diviseur de puissance, selon qu’elle soit importante ou pas. De part son ADN embarquée, et au regard des disponibilités constatées en opérations exterieures, le Rafale obtient le meilleur score de 5 pour ce critère. Comme lui, le Gripen a des procédures de maintenance simplifiées permettant d’en améliorer la disponibilité. Mais certains utilisateurs du Gripen ayant rencontré quelques problèmes dans ce domaine, il reçoit la note de 4. Le Typhoon comme le F18 ont une disponibilité relativement standard pour ce type d’appareil, et tout deux font face à des difficultés de maintenance de la part de leurs opérateurs respectifs, justifiant la note de 3. Le F35 a un délais d’apparition de panne (Average Time Between Failure) de seulement 7,5 heures, très inférieur à ceux des autres appareils, pour lequel ce chiffre est supérieur à 30 heures. Il n’obtient que la note de 2, sachant que cette note prend en compte la marge de progression de la maintenance de l’aéronef, qui nécessitera toujours 3 fois plus de personnels de maintenance qu’un Rafale entre deux vols.

Super Hornet Marines Analyses Défense | Aviation de chasse | Construction aéronautique militaire
F/A 18 Super Hornet du Marines Corps en attaque au sol

4- Rusticité

La rusticité reste un critère majeur dans l’évaluation finlandaise, les appareils pouvant être appelés à opérer sur des terrains de dispersions faiblement équipés, avec une équipe de maintenance réduite. Dans ce domaine, le Rafale et le F/A 18 Super Hornet obtiennent la meilleure note, de 5, ayant été conçus pour répondre à ce critère particulier du fait de leur utilisation sur porte-avions. Le Gripen étant exploité par la Suède dans un environnement similaire à la Finlande, mais l’appareil étant moins résistant que les aéronefs embarqués, obtient la note de 4. Le Typhoon, avec la note de 3, répond aux exigences finlandaises sans toutefois atteindre le niveau de performances des 3 appareils qui le précède, notamment du fait d’une maintenance plus lourde. Enfin, le F35, comme dans le cas de la Suisse, n’obtient que la note de 2, du fait de ses importants besoins de maintenance entre 2 vols, et de la connexion indispensable au système ALIS.


5- Détection et contre-détection

Ce critère fait la synthèse entre les capacités de détection de l’appareil, ou du couple appareil/EAW proposé par le constructeur, et les capacités à rester invisible aux yeux de l’adversaire. Dans ce domaine, le F35 obtient la note de 5, ayant été conçu pour répondre à ce critère, et disposant à la fois d’un excellent système de détection radar et ESM, d’une furtivité électromagnétique et infrarouge très supérieure à celle des autres concurrents, et de capacités de communication et d’échange de données très avancées. Les Gripen et F18, accompagnés respectivement d’appareils d’alerte GlobalEye et Hawkeye, obtiennent la note de 4, même si les 2 GlobalEye proposés par Saab ne permettraient pas d’assurer une permanence de surveillance en cas de crise. Les capacités renforcées du radar RBE2, du système Spectra, de l’Optique en Secteur Frontal et des systèmes de communication numérique caractérisant le standard F4 du Rafale, justifient sa note de 3, de même que pour le Typhoon, dont les évolutions futures atteindront un standard comparable au Rafale F4 dans ce domaine..

F35 norge Analyses Défense | Aviation de chasse | Construction aéronautique militaire
F35A des forces aériennes norvégiennes

6- Interopérabilité technologique

Ce critère caractérise les capacités de l’appareil à communiquer et échanger des données avec des appareils ou des forces au sol, en mer, ou appartenant aux pays pouvant éventuellement agir en tant qu’alliés de la Finlande. Dans ce domaine, le Gripen, de par son origine suédoise, pays frontalier de la Finlande, et partageant le même destin ainsi que la même neutralité en cas de conflit, obtient la note maximum de 5. Tout comme le F35A qui, lui, a la plus grande solution d’interopérabilité et de communication avec les forces des pays de l’OTAN, comme notamment la Norvège et le Danemark, qui utilisent cet appareil. Rafale, Typhoon et F18 répondent aux standards de l’OTAN dans ce domaine, et obtiennent tous 3 la note de 3.


7- Capacités Air-Air

Entrons désormais dans l’évaluation des performances opérationnelles des appareils, avec les capacités Air-Air, faisant la synthèse des capacités de détection, de manoeuvre, et d’engagement des appareils proposés. Dans ce domaine, le Typhoon obtient la note de 5, même handicapé par l’absence d’avion d’Alerte Aérienne Avancée. L’avion, conçu pour cette mission, est capable d’emporter une vaste panoplie d’armement air-air, et dispose d’équipements de détection actifs (radar) et passifs (IRST/ESM) très performants. Le Rafale talonne le Typhoon, avec des caractéristiques très similaires, et emportant le très efficace missile Mica et son successeur, le Mica NG, en complément du Meteor Européen. Il obtient la note de 4, comme le Gripen, qui dispose de performances d’emport et d’autonomie moins élevées, mais qui bénéficie de la présence des GlobalEye. Le F18, avec l’appui des E2-D, obtient la note de 3. Si le Haweye est un excellent système d’alerte aérienne avancée, le F18 a des performances plus limitées que ses homologues européens, tant en matière de détection, que d’emport et de performances d’engagement. Il reste cependant à niveau face aux appareils russes actuels. Le F35 est très performant en engagement BVR[efn_note]Beyond Visual Range[/efn_note], mais sa mauvaise manoeuvrabilité, sa vitesse plus faible, ses capacités d’emport et son autonomie limite sa note à 3.

Rafale super lourd Analyses Défense | Aviation de chasse | Construction aéronautique militaire
Rafale en configuration super-lourde

8- Capacités Air-Sol et Air-Surface

Dans un environnement probablement très exposé aux systèmes sol-air russes, la furtivité du F35A apportera une plus value importante, même en dépit des limites de l’appareil. Il obtient la note de 5. Le Rafale obtient la note de 4, du fait de son importante capacité d’emport, sa manœuvrabilité, son autonomie, et sa capacité à mener des opérations de pénétration à grande vitesse à très basse altitude, limitant les délais de réponse des forces anti-aeriennes. En outre l’appareil, parfaitement multi-mission, est capable d’assumer seul sa protection air air, sans détériorer ses performances. Le Gripen et le F18 obtiennent la note de 3, les appareils étant moins performants que les deux précédents, que ce soit en matière de contre-détection, comme en matière de capacité d’emport et d’autonomie. Le Typhoon est handicapé dans ce domaine, n’ayant pas été conçu pour ces missions, il obtient la note de 2.


9- Contexte politique de l’offre

Les éléments politiques et industriels des offres de chaque participant n’étant pas, pour l’heure, connus du public, nous évaluerons ici les implications potentielles du choix finlandais en faveur de chaque appareil, dans le domaine de la politique de Défense du pays. Dans ce domaine, la proximité géographique et politique de la Suède avec la Finlande, confère naturellement à l’offre suédoise la note maximale de 5. Une agression contre la Finlande engageant naturellement la Suède, la capacité à joindre l’effort de Défense des deux pays est évidemment un point crucial, même si l’armée suédoise à des capacités limitées. En outre, les deux pays partagent une position de neutralité bienveillante vis-à-vis de l’OTAN, et sont tous deux membres de l’UE. Le F35 obtient la note de 4, étant utilisé par deux autres pays scandinaves (la Norvège et le Danemark), et intégrant le pays dans le club F35, agissant de plus en plus comme une alliance militaire à part entière. Les 3 autres appareils obtiennent la note de 3, l’implication politique des pays constructeurs étant limitée au seul matériels livrés, et, éventuellement, à quelques accords de formation et de coopération militaire.

Typhoon lourd Analyses Défense | Aviation de chasse | Construction aéronautique militaire
Typhoon de la Royal Air Force en version Enhanced équipés de 6 bombes guidées laser

10- Prix

Dernier critère à évaluer, le prix, qui reste un critère majeur car déterminant le format potentiel de la flotte mise en oeuvre, la soutenabilité de la modernisation de cette même flotte, et les effets d’éviction qui seraient engendrés vis-à-vis d’autres programmes de Défense, lorsque le prix est très élevé. Le Gripen étant le moins cher à l’achat comme à l’usage, il obtient la note de 5. Comme en Suisse, le Rafale et le F18 obtiennent la note de 4, et le Typhoon, plus onéreux, la note de 3. Le F35A est le plus cher, coutant sur sa durée de vie plus de deux fois le prix du Rafale, par exemple. Surtout, la faible disponibilité de l’appareil, cumulé au prix très élevé de celui, affectent conjointement le rapport des performances opérationnelles effectives sur le prix du F35A, dans un rapport plus de 6 fois inférieur à celui du Gripen. La note de 1 est donc justifiée, même en tenant compte de l’objectif de l’US Air force de faire baisser le prix de maintenance à l’heure de vol à 30.000 $ annoncé par l’US Air Force (sans qu’aucune solution cohérente n’ai été présentée)

Synthèse

Le tableau ci dessous présente la synthèse des notes attribuées aux 5 appareils

JAS39
Gripen E/F
Rafale F4Typhoon deF/A 18 E/F
Super Hornet
F35A
Lighting II
EAWGlobalEyeE2-D Hawkeye
Manœuvrabilité55432
Vélocité45532
Disponibilité45332
Rusticité45352
Détection et contre-détection43345
Interopérabilité53335
Capacités Air-Air34533
Capacités Air-Sol34335
Contexte Politique53334
Prix54341
Total4241353431

Conclusion

Le classement qui résulte de cette analyse diffère sensiblement de celui appliqué au cas Suisse. Le Gripen, associé à l’avion d’alerte aérienne avancée GlobalEye, arrive en première position, du fait de la polyvalence de l’offre Suédoise, ainsi que de l’évidente proximité politique entre les deux pays.

Le Rafale se classe second, à un seul point du Gripen. Le haut niveau de performances de l’appareil de Dassault dans tous les domaines critiques, particulièrement adapté à la géographie du pays, et aux besoins très étendus auxquels l’armée de l’air finlandaise devra faire face, font du Rafale un excellent candidat au remplacement des F18 .

Le Typhoon se classe troisième, l’appareil étant de manière évidente plus à l’aise dans les grands espaces finlandais que dans les montagnes exiguës suisses. Ses capacités Air-Air ne parviennent cependant pas à compenser ses faiblesses en air-sol et air-surface.

Le F18 Super Hornet est l’appareil ayant enregistré le plus important déclassement dans ce classement face à la Suisse. L’absence de super croisière et l’autonomie plus limitée de l’aéronef sont très handicapantes pour un pays de la taille de la Finlande lorsqu’il s’agira de faire face aux aéronefs russes modernes, même si le F18 Hornet a parfaitement rempli sa mission pendant 3 décennies.

Comme en Suisse, le F35A termine ce classement, une fois encore très handicapé par ses qualités aéronautiques inférieures, et de son prix de possession très élevé. Comme pour la Suisse, la Finlande n’étant pas destinée à lancer d’attaques préventives, ni de missions dans la profondeur du dispositif adverse, les atouts du F35A, jugés indispensables par de nombreux alliés des Etats-Unis, ne parviennent pas à compenser ses défauts dans cette analyse, d’autant que rien ne garantit à la Finlande un soutien américain en cas de tensions. N’oublions pas que l’écart de prix de revient sur la durée de vie des appareils entre 60 F35A et 60 Rafale F4 permettrait de financer et entretenir sur 30 ans une flotte de 5 corvettes ASM type Gowind2500 et 3 sous-marins Scorpène, ou de 400 chars de combat E-MBT accompagnés de 400 Véhicules de Combat d’Infanterie VBCI 2 et 80 Canons autotractés CAESAR…

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