La tension monte dans la confรฉdรฉration Helvรฉtique alors que l’annonce du choix du modรจle d’appareil de combat pour le remplacement des F/A 18 Hornet et F-5 Tiger, prรฉvue pour la fin de ce mois, se rapproche. Et selon le site d’information lematin.ch, qui est l’un des titres phares du premier groupe de presse du pays, le Rafale apparaitrait comme le favori de Berne dans cette compรฉtition hautement stratรฉgique pour l’ensemble des constructeurs engagรฉs. En effet, selon l’article publiรฉ aujourd’hui, les autoritรฉs helvรฉtiques privilรฉgieraient une solution europรฉenne ร un appareil amรฉricain, tant pour des raisons politiques qu’opรฉrationnelles, les deux avionneurs europรฉens engagรฉs, Airbus Defense&Space et le consortium Eurofighter prรฉsentรฉ par Berlin pour le Typhoon, et Dassault Aviation prรฉsentรฉ par Paris pour le Rafale, s’accompagnant d’un package de coopรฉration industriel et sรฉcuritaire plus abouti et plus respectueux des spรฉcificitรฉs suisses.
Pour lematin.ch, plusieurs informations laissent ร penser que l’offre franรงaise serait privilรฉgiรฉe par Berne, notamment de part une exposition supรฉrieure du Rafale dans les prรฉsentations du ministรจre de La Dรฉfense, mais รฉgalement par le choix annoncรฉ il y a quelques mois de la solution Skyview de Thales pour piloter La Dรฉfense anti-aรฉrienne du pays. Objectivement, ces donnรฉes ne constituent pas des indications formelles de choix, mais il semble que le journaliste ait eu accรจs ร des confidences non officielles sur le sujet. Cependant, d’autres informations laissent ร penser que Paris estime aujourd’hui son offre en bonne position dans cette compรฉtition.
En effet, en premier lieu, Dassault et la Team Rafale restent trรจs mobilisรฉs autour de cette compรฉtition, alors mรชme que plusieurs autres sujets brulants les accaparent. Ainsi, lors d’une interview donnรฉe ร la Chaine BFM Business, Eric Trappier, le PdG de Dassault Aviation, a indiquรฉ qu’il entendait cette annรฉe enregistrer au moins deux nouvelles commandes, l’une d’elle venant d’Inde, l’autre d’un second pays non prรฉcisรฉ. En outre, l’on sait que les discussions sont trรจs avancรฉes avec l’Indonรฉsie, et que des discussions sont engagรฉes avec d’autres pays, comme les Emirats Arabes Unis ou l’Irak. Or, ces derniรจres annรฉes, Dassault a montrรฉ qu’il savait concentrer ses efforts sur les compรฉtitions et marchรฉs ร potentiel, et se retirer des compรฉtitions non ouvertes, comme au Canada ou en Belgique. Dรจs lors, le fait que l’avionneur franรงais poursuive ses efforts et son implication en Suisse, ainsi qu’en Finlande, dรฉmontre qu’il croit fermement en ses chances.
En second lieu, et de maniรจre plus subtile, on remarque que le Ministรจre des Armรฉes n’a pour l’heure pas annoncรฉ de commande de rรฉgularisation de flotte concernant les 12 Rafales qui seront acquis d’occasion ร la France par la Croatie. Certes, le contrat n’est pas encore officiellement signรฉ, mais l’absence d’annonce dans ce domaine semble montrer que Dassault et le Ministรจre des armรฉes anticipent de nouvelles commandes ร court terme, pouvant potentiellement dimensionner la chaine de production Rafale dans les annรฉes ร venir. Pour l’industriel, il est en effet nรฉcessaire de lisser au mieux ses capacitรฉs de production, qui peuvent aller de 11 ร 36 appareils par an pour la chaine d’assemblage de Merignac, dans la durรฉe, tout en respectant les calendriers de livraisons des clients ร l’exportation. Dans ces conditions, il peut รชtre prรฉfรฉrable de reporter le remplacement des 12 avions croates au delร de 2023/2024, date ร laquelle ils seront effectivement prรฉlevรฉs des inventaires de l’Armรฉe de l’Air, de sorte ร maintenir une production stable et optimisรฉe le plus longtemps possible, si possible mรชme jusqu’ร l’entame de la production du NGF.
Rappelons que les armรฉes franรงaises attendent la livraison de 28 Rafale F3R entre 2022 et 2024, dont 27 pour l’Armรฉe de l’Air et de l’Espace et un exemplaire pour l’Aeronautique navale, auxquels d’ajoutent les 12 Rafale compensรฉs de la commande grecque, ainsi que 30 avions au standard F4 ร livrer entre 2027 et 2029. Outre ces 70 appareils, Dassault doit รฉgalement produire 30 nouveaux Rafale pour l’Egypte et 6 pour la Grรจce, avec une probable extension rapide de 6 autres appareils. Dรจs lors, les commandes probables indiennes (36 appareils), indonรฉsiennes (36 appareils) et potentiellement Suisse (Env 40 appareils) et finlandaises (56 appareils), portent en chacune d’elle un effet dimensionnant trรจs important, qu’il convient d’intรฉgrer avant d’ajouter de la charge pour le remplacement des 12 Rafale Croates. Il est donc probable que ces appareils, qui seront naturellement remplacรฉs pour respecter le format du livre blanc de 2013 et de la revue stratรฉgique de 2017, ne seront pas commandรฉs avant que Dassault et l’Etat franรงais aient une vision claire du plan de charge ร venir, soit au delร de 2022 et donc de la magistrature actuelle, pour une livraison qui, de toute รฉvidence, n’interviendra pas avant la prochaine Loi de Programmation, et se fera directement au standard F4.2.
Le choix dรฉfinitif de Berne pourrait รชtre rendu le 23 juin selon lematin.ch, et nul doute que les 4 constructeurs encore en lice sont tous mobilisรฉs tant cette dรฉcision sera dรฉterminante. Ainsi, pour Boeing et son F/A 18 E/F Super Hornet, une commande suisse (ou finlandaise) signifierait le maintien de la ligne de production de l’appareil pour encore 2 ans, alors que l’US Navy a dรฉcidรฉ de ne plus commander de nouveau Super Hornet dรฉsormais. Il en va de mรชme concernant le Typhoon europรฉen, puisque l’appareil ne sera plus commandรฉ par Londres, et probablement plus par Berlin au delร du remplacement des Tornado annoncรฉ l’annรฉe derniรจre. Quant au F35A, il s’agirait d’un argument commercial majeur dans un pays rรฉputรฉ pour la rigueur de ses processus de sรฉlection, et ce d’autant que l’US Air Force poursuit sa fronde pour rรฉduire le volume d’appareil qu’elle est censรฉe acquรฉrir.
Pour le Rafale, une dรฉcision en sa faveur de la part de Berne serait รฉgalement plus que stratรฉgique. Il s’agirait en effet d’une premiรจre victoire de l’avion franรงais sur le F35A amรฉricain dans une compรฉtition ouverte et non influencรฉe par les considรฉrations venant de l’OTAN. Cela permettrait รฉgalement ร Dassault Aviation et la BITD franรงaise d’accroitre ses collaborations avec l’industrie de dรฉfense helvรฉtique, et ce d’autant que l’offre de compensation industrielle franรงaise a รฉtรฉ minutieuse รฉlaborรฉe pour รชtre pรฉrenne et soutenable dans la durรฉe. Enfin, cela confirmerait l’attractivitรฉ du Rafale F4 aujourd’hui, comme une alternative รฉconomique et efficace au F35A, tout en รฉtendant le parc installรฉ, et donc en faisant diminuer les couts de maintenance et d’รฉvolution dans la durรฉe. En outre, et de maniรจre indirecte, le choix en faveur de l’avion franรงais pourrait influencer la dรฉcision concernant le systรจme de dรฉfense anti-aรฉrienne suisse pour lequel le SAMP/T Mamba franco-italien est confrontรฉ au Patriot amรฉricain. Reste dรฉsormais ร patienter dans l’attente de la dรฉsignation officielle du vainqueur d’ici 2 ou 3 semaines. Il est cependant important de rester prudent quant aux rumeurs et informations sur-interprรฉtรฉes, et de ne surtout pas crier victoire trop tรดt.
