Ukraine, Taïwan, Moyen-Orient : Le scénario du pire pour le Pentagone prend corps

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Il n’y a de cela que 5 ans, la suprématie militaire américaine était telle que personne n’imaginait qu’un quelconque acteur international puisse venir contester la victoire militaire aux Etats-Unis sur le plan conventionnel. Depuis, les choses ont beaucoup évolué. Il y a 3 ans commencèrent à apparaitre des simulations montrant que les Etats-Unis et leurs alliés n’étaient plus en mesure d’intervenir avec les forces nécessaires et suffisantes sur deux fronts majeurs, par exemple en Europe face à la Russie, et au Moyen-Orient face à l’Iran. Il y a deux ans, avec l’entrée en service de certains nouveaux systèmes d’arme, comme le missile hypersonique Kinzhal russe, ou le missile balistique anti-navire DF26, l’hypothèse même d’une victoire sur un unique front devenait moins certaine.

Aujourd’hui, les derniers wargames menés par les Etats-Majors montrent que défendre Taiwan face à une offensive majeure conventionnelle chinoise serait presque impossible, tout comme il serait difficile d’endiguer un assaut frontal russe en Europe de l’Est, contre la Pologne ou les pays baltes, par exemple. Surtout, l’hypothèse d’un double front simultané, en Europe contre la Russie, et en Asie et dans le Pacifique contre la Chine, mobiliserait à ce point les armées US qu’elles seraient incapables de soutenir l’effort dans la durée, et seraient contraintes de diviser leurs puissances militaires sous les seuils laissant espérer une possibilité de victoire sur chacun des Théâtres. On comprend dès lors pourquoi les crises qui se déroulent aujourd’hui en Ukraine face à la Russie, autour de Taïwan face à la Chine, et au Moyen-Orient entre l’Iran et une alliance de circonstance formée d’Israël et des monarchies sunnites, s’avèrent des plus inquiétantes pour la Maison Blanche et le Pentagone.

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Les forces américaines n’ont plus capacité à intervenir massivement sur deux théâtres majeurs de manière simultanée, afin de faire face conjointement aux forces russes et chinoises.

Les trés importants déplacements de forces russes observés depuis 3 semaines en Crimée et le long des frontières entre le Donbass et la fédération de Russie se sont maintenus ces derniers jours, avec l’arrivée de nouvelles unités à proximité des frontières russo-ukrainiennes. Selon l’OSCE, un tel déploiement de forces russes n’avait été observé depuis l’intervention en Crimée et les tensions autour du Donbass en 2014. Des systèmes lourds destinés à être utilisés sur des théâtres majeurs, comme les systèmes anti-aériens à longue portée S400, ou les missiles balistiques à courte portée Iskander, ont même été observés se dirigeants vers la frontière ukrainienne, faisant craindre de l’imminence d’une intervention russe dans le pays. Par la voix du président Biden, les Etats-Unis ont donné au président ukrainien Volodymyr Zelensky, l’assurance de préserver l’intégrité territoriale du pays, sans toutefois déployer de forces américaines pour l’heure, afin de ne pas fournir à Moscou un Casus Belli justifiant une intervention.

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Dans le même temps, Pékin a considérablement augmenté la pression qu’applique les forces navales et aériennes de l’APL sur l’ile indépendante de Taiwan. Les missions aériennes chinoises rassemblant chasseurs, avions de veille et de lutte anti-sous-marine, et parfois des bombardiers à long rayon d’action, effectuant des trajectoires de contournement par le nord ou le sud de l’ile à la limite de la zone de defense aérienne taiwanaise, se déroulent désormais à un rythme quotidien, alors que les exercices navals, à proximité de l’ile ou le long de sa façade Pacifique, et incluant des flottilles de l’APL de mieux en mieux garnies, ont également vu leur fréquence s’accroitre de manière très sensible. L’agressivité des militaires chinois a également augmenté, comme le démontre la réponse d’un pilote de J16 aux appels de La Défense aérienne taïwanaise lorsque celui-ci eut franchi la ligne médiane séparant le détroit de Taïwan, appelant les taïwanais à s’habituer à la présence des avions chinois car, selon lui, le détroit de Taiwan comme l’ile appartiennent à la Chine.

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Les chasseurs et bombardiers chinois multiplient les actes de provocation dans la passe de Taïwan et autour de l’ile Indépendante, afin de montrer leur capacité à isoler l’ile d’une quelconque aide militaire étrangère le cas échéant.

Lors d’une interview donnée à CNN, le Secrétaire d’Etat Américain, Antony Blinken, a réitéré le plein soutien des Etats-Unis à la Défense de Taïwan, ainsi que l’engagement de l’administration Biden à appliquer le Taiwan Relations Act, afin de fournir à Taipei les moyens nécessaires pour assurer sa défense. Dans le même temps, le Pentagone multiplie les simulations pour tenter de trouver une stratégie qui permettrait, en l’état actuel des choses, de contrer une force d’invasion chinoise envoyée contre l’ile indépendante, sans grand succès il faut le reconnaitre. Mais comme dans le cas de l’Ukraine, il n’est pas question, pour l’heure tout au moins, de déployer des forces US sur le sol taïwanais, ce qui ne ferait que précipiter le déclenchement de ce conflit en gestation.

Le cas de la crise majeure qui couve au Moyen-Orient est sensiblement différent, puisque ce sont les alliés des Etats-Unis, à savoir Israël, le Emirats Arabes Unis, l’Arabie saoudite et Bahrein qui semblent à la manoeuvre face à Téhéran. Dernières actions en date, le sabotage d’un cargo iranien utilisé par les Gardiens de la Revolution en Mer d’Arabie revendiqué par Israël en réponse à des attaques menées par Téhéran contre des navires battant pavillon israélien, et surtout ce qui semble être un cyber-sabotage des centrifugeuses iraniennes de la centrale de Natanz, revendiqué à mot couvert par Jerusalem, qui sans faire de victime, a sensiblement amoindri les capacités d’enrichissement d’uranium de l’Iran. Ces actions semblent être menées de manière unilatérale par les alliés des Etats-Unis, alors que Joe Biden et les Européens tentent de remettre sur les rails les accords de Vienne, aprés que Donald Trump les aient fait dérailler en 2017.

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L’Iran dispose d’un très important stock de missiles balistiques, missiles de croisière et drones suicides qui pourraient être employés pour frapper les installations industriels et les villes saoudiennes, émirats et même israéliennes en cas de conflit.

Le fait est, on peut désormais craindre une riposte armée de Téhéran contre les instigateurs de ces attaques, en l’occurence Israël, ce qui ne manquerait pas de provoquer un embrasement global dans cette région ô combien stratégique et instable. Téhéran dispose en effet de nombreux moyens pour riposter, soit en utilisant les milices Chiites en Irak et en Syrie, ou le Hezbollah au Liban, dans un stratégie hybride, soit en usant de ses nombreux missiles balistiques, de croisière et drones, pour frapper israël et ses alliés, et fermer les détroits ce qui ne manquerait pas de créer une nouvelle crise énergétique, alors que l’économie mondiale est encore durement frappée par la crise Covid. Dans ce dossier, les Etats-Unis et Joe Biden tentent de prôner la modération, mais en cas d’embrasement, Washington n’aurait d’autres choix que de soutenir ses alliés traditionnels face à Téhéran.

Si la crise moyen-orientale relève d’une dynamique à part, les regains de tension simultanées en Ukraine et autour de Taïwan peuvent, eux, apparaitre comme une stratégie coordonnée entre Pékin et Moscou, de sorte à empêcher Washington de peser de tout son poids militaire sur un unique théâtre, et ce d’autant que les forces armées américaines sont encore largement dispersées sur la planète. Il est vrais qu’au sujet de l’Ukraine, les armées Européennes pourraient, si elles agissaient de concert, neutraliser la menace face à Moscou. Mais hormis Londres qui a annoncé l’envoi d’Eurofighter Typhoon en Roumanie pour faire face au renforcement militaire russe aux frontières ukrainiennes et en Mer Noire, les autres grandes armées européennes, comme l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, et comme la France, restent d’une remarquable passivité, se bornant à la seule voie diplomatique que l’on sait bien peu efficace sur Vladimir Poutine. Il en va de même dans le Pacifique, ou ni la Corée du Sud, ni les Philippines, ni l’Inde n’ont signifié leur soutien à Taiwan. Seul le Japon a fait un pas récemment en autorisant les Etats-Unis à utiliser ses bases pour défendre Taiwan si besoin.

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La Royal Air Force a annoncé l’envoi de chasseur Eurofighter Typhoon en Roumanie pour faire face à la concentration de forces russes en Mer noire et aux frontières ukrainiennes.

On peut d’ailleurs s’interroger sur la responsabilité même des Etats-Unis dans la présente situation. A trop vouloir garder la main mise sur les décisions défense de ses alliés souvent réduits au rang de supplétifs, Washington a considérablement altéré l’implication stratégique de ces mêmes alliés, incapables dès lors de s’emparer d’un sujet aussi grave que l’annexion d’un pays par un autre à leurs propres frontières, pour y répondre par un renforcement sensible et potentiellement dissuasif de la posture de leurs forces armées. Comme l’assurance, toute relative, d’être protégé par l’outil militaire et dissuasif américain, a fait perdre une grande partie de l’intérêt des politiques occidentaux comme des opinions publiques en faveur d’une capacité défensive puissante et autonome.

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Quoiqu’il en soit, la présente situation devrait inciter les dirigeants européens, mais également leurs homologues alliés de la zone pacifique, à revoir rapidement leurs dogmes en matière de Défense. On ne peut exclure que la concomitance des crises dans le Donbass et autour de Taiwan, ne soit pas fortuite, et qu’elle vise à neutraliser en partie les capacités de réponse des Etats-Unis, tout du moins du point de vue militaire. L’époque durant laquelle la Paix était garantie par la seule puissance militaire américaine est révolue, et il semble temps de revenir à des postures comparables à celles appliquées au temps de la guerre froide, lorsque les membres européens de l’Alliance Atlantique, pourtant beaucoup moins nombreux qu’aujourd’hui, représentaient à eux seuls plus de 65% des moyens militaires conventionnels de celle-ci, contre à peine plus de 45% aujourd’hui. Il semble clair, désormais, que l’on ne peut plus exclure le risque de conflit majeur, y compris en Europe, et ce à moyen et même à court terme, comme on ne peut plus bâtir de politique de sécurité sur la seule protection venant des Etats-Unis, qui ne peuvent être partout à la fois. Reste à voir si les dirigeants européens auront le courage de prendre les mesures nécessaires dans les délais requis, au risque de choquer encore davantage une opinion publique sans résilience, pour qui le port du masque, la vaccination et le report des vacances liés à la crise Covid constituent déjà des traumatismes majeurs …

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