Les tensions entre les Etats-Unis et l’Iran menacent tout le Moyen-orient, et bien plus.

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Depuis l’attaque par drone menée par les Etats-Unis contre le général iranien Qasem Soleimani le 3 janvier, les deux camps ne cessent de multiplier les déclarations et les invectives. Alors que les Etats-Unis menacent désormais de mener des raids contre « 52 cibles identifiées » en Iran si celle-ci venait à riposter à l’attaque fatale contre le chef des gardiens de la Revolution, Téhéran menace de frapper Tel-Aviv et Haiffa avec ses missiles balistiques, ce qui ne manquerait pas de déclencher une suite d’événements menant à l’embrasement généralisé de la région, avec les conséquences que l’on imagine sur la production de pétrole et de gaz dans le monde.

Washington a annoncé ces derniers jours le renforcement de ses forces présentes dans la région, en envoyant notamment de nouvelles unités de Ranger et de Marines, ainsi que des batteries de missiles anti-aériens et anti-missiles Patriot, pour sécuriser les sites sensibles, notamment en Arabie saoudite. Mais le président Trump semble isolé sur la scène internationale, car ni les européens, ni ses alliés de la zone pacifique n’ont exprimé leur soutien dans cette crise. Même les alliés Moyen-Orientaux, à Ryad comme à Dubaï, font preuve d’une extraordinaire discrétion, tout au moins sur la scène publique. En réalité, à l’exception notable de Jerusalem par l’intermédiaire de son premier Ministre Benjamin Netanyahu, aucune capitale n’a apporté son soutien au président américain. Il est utile de rappeler, à ce stade, que les forces aériennes israéliennes s’entrainent depuis plusieurs mois à mener des raids à longue distance pour pouvoir, le cas échéant, frapper sur le sol Iranien, notamment les infrastructures liées à son programme nucléaire.

F35A Israelien Analyses Défense | Armes stratégiques | Conflit Irak
Les forces aériennes israéliennes s’entrainent depuis plusieurs mois pour mener des raids longue distance afin d’être capable de frapper des cibles en Iran.

Téhéran pour sa part exploite cette attaque pour rassembler sa population autour des fondamentaux étatiques, le général Soleimani jouissait en effet d’une excellente image publique, tout en battant le rappel de l’ensemble des milices présentes en Irak, en Syrie ou au Liban, en vue de préparer une riposte que se devra d’être spectaculaire, pour laver l’affront américain. En effet, les autorités iraniennes, contestées par une partie de l’opinion publique du pays, entendent bien remobiliser le pays autour de cette crise, et de l’agression perçue de la part des Etats-Unis. En outre, si la puissance militaire iranienne est effectivement affaiblie par les dizaines d’années de sanctions, elle n’en dispose pas moins de réels moyens d’action. Ainsi, le pays bénéficie d’un intense programme de developpement de missiles balistiques, et d’un nombre important de ces missiles de courte et moyenne portée déjà en service :

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  • Le missile balistique à courte portée Fateh-110, entré en service à partir de 2002, a une portée maximale de 300 km avec une précision de 3 mètres (plus de 100 lanceurs)
  • Le missile Qiam-1 à courte portée, portant à 750 km avec une précision de 10 mètres, est entré en service en 2010 (nombre inconnu)
  • Le missile balistique anti-navire Kalij Fars, dérivé du Fateh-110, portant lui aussi à 300 km et disposant d’un autodirecteur pour frapper les grandes unités navales (sans être hypersonique)
  • Le missile balistique à moyenne portée Shahab-3, portant à 2000 km avec une précision de 150 m, et mettant en oeuvre des ogives à sous-munitions, capable d’atteindre la majorité des capitales du moyen-orient, et produit à plus de 20 exemplaires par an depuis 2003.
  • Le missile balistique à moyenne portée Gadr-110, portant à 1500 km à une vitesse atteignant Mach9, et capable d’être lancé avec des préavis beaucoup plus courts que le Shabab-3, avec une précision de 110m.
  • Le missile balistique à moyenne portée Sejil, donné pour atteindre les 2500 km avec une précision de 20 m et des délais de mise en oeuvre courts, en service depuis 2015.

Au total, Téhéran doit ainsi disposer de prés de 400 missiles balistiques de tous types et mobiles, une puissance de feu suffisante pour saturer toutes les défenses antimissiles existantes au Moyen-Orient. En outre, La Défense anti-aérienne du pays, déjà traitée ici-même, si elle est composée de nombreux systèmes datés, n’en présente pas moins une importante densité, rendant toute opération de suppression difficile et risquée. Rappelons également que les forces armées terrestres iraniennes disposent de 350.000 hommes dont 130.000 d’active, alignant plus de 1500 chars de combat, 2000 véhicules de combat d’infanterie et de transport de troupe blindé, de 400 systèmes d’artillerie auto-tractée et de 250 lance-roquettes multiples. Associée aux gardiens de la Révolution, elle représente une puissance militaire très capable, même si technologiquement dépassée.

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Le missile balistique à moyenne portée Shahab-3 constitue le fer de lance de la force balistique iranienne

On comprend, dès lors, les déclarations émanant de Bagdad exigeant le départ de toutes les forces étrangères présentes sur son territoire, le Pays voyant chaque jour davantage se rapprocher le spectre d’une guerre par procuration entre Etats-Unis et Iran sur son sol, à l’instar de la guerre que se livrent les puissances sunnites et l’Iran au Yemen. Annonces qui furent immédiatement suivies de menaces de sanctions de la part de Washington à l’encontre de l’Irak.

Les Européens, comme cela semble devenir la norme avec le président Trump, sont une fois de plus relégués au rang de spectateurs, et ne peuvent qu’appeler à la désescalades, sans toutefois que leur voix n’ait une quelconque portée. Téhéran s’étant retiré des accords de Viennes, le dernier bras de levier dont disposaient encore les européens pour tenter d’infléchir l’engrenage mortifère actuel, les chancelleries européennes n’ont guère, aujourd’hui, pour option qu’une position de réserve et, probablement, l’évacuation des forces présentes en Irak, en Syrie et dans une grande partie du Moyen-Orient, pour ne pas être entrainées dans ce conflit en gestation. Surtout, l’Europe étant toujours très dépendante de ses importations de produits énergétiques, contrairement aux Etats-Unis, si un tel conflit devait intervenir, les conséquences économiques sur tout le continent seraient critiques, menaçant la croissance fébrile et la baisse du chômage, avec les conséquences que l’on connait sur la construction européenne.

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Karrar MBT Analyses Défense | Armes stratégiques | Conflit Irak
Le nouveau char de combat Karrar Iranien, dont plus de 400 unités seraient en service, serait dérivé du T-90 russe, bien que Moscou et Téhéran démentent toute coopération

Enfin, la Russie et la Chine restent, quand à elles, particulièrement discrètes sur cette crise. Pour Moscou, l’hypothèse d’un conflit entre les Etats-Unis et ses alliés sunnites, et l’Iran, constituerait une aubaine inespérée, entrainant inévitablement l’augmentation des cours du pétrole et du gaz exportés notamment vers l’Europe et la Chine, et retirant le focus de la crise syrienne. Pour Pékin, si les conséquences sur les prix de l’énergie seraient, à coup sur, dommageables à son économie, l’enlisement possible des américains au moyen-orient et l’altération profonde de l’image de Washington en Afrique et en Asie constitueraient des conséquences compensant largement les aspects négatifs, alors que le pays est désormais engagé dans la construction d’une vaste alliance mondiale alternative.

Dans tous les cas, les jours et semaines à venir vont être déterminants quand à l’avenir du Moyen-Orient, mais les conséquences de l’attaque menée par le drone américain le 3 janvier risquent fort de sortir de ce cadre régional. Alors que les portes de sortie semblent être une à une violemment claquées par chacun des protagonistes, il est difficile d’imaginer une entame d’année, et de décennie, plus anxiogène qu’aujourd’hui.

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