A peine en service, les drones Reaper armés de l’Armée de l’Air ont déjà fait feu

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Le 19 décembre dernier, le Ministère des Armées a annoncé que les drones MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance) MQ-9 Reaper de l’Armée de l’Air opérant depuis la base de Niamey au Niger allaient être dotés de bombes à guidage laser GBU-12. Si la mission principale des Reaper reste le renseignement, la surveillance et la reconnaissance (ISR), ils sont désormais en mesure de délivrer rapidement un armement de précision sur une cible d’opportunité, sans avoir à attendre le renfort des chasseurs déployés dans la région. La validation au combat de cette nouvelle capacité n’a d’ailleurs pas tardé, puisque la première bombe aurait été larguée sur une position ennemie à peine deux jours plus tard.

Les drones Reaper, fabriqué par l’industriel américain General Atomics, sont en service dans l’Armée de l’Air depuis 2014, en remplacement des drones Harfang. Ils sont déployés en permanence au Sahel depuis 2016, un appareil ayant été perdu il y a un an alors qu’il rentrait de mission. Au total, la France a commandé quatre systèmes Reaper, composé chacun de trois drones MQ-9, mais la décision de les armer n’est intervenue qu’en 2017.

Pourtant, le MQ-9 Reaper a été conçu dès l’origine pour pouvoir embarquer une quantité d’armes conséquentes, chacun de ses quatre points d’emport pouvant emporter une bombe de 250kg ou deux missiles légers Hellfire. Toutefois, à l’exception du Royaume-Uni, les clients export du Reaper ont tous initialement choisi d’affecter leurs drones aux seules missions ISR[efn_note]Depuis lors, outre la France, l’Italie a également entrepris de modifier ses Reaper pour leur permettre de délivrer des armements.[/efn_note].

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reaper arme GBU Hellfire Actualités Défense | Bombes guidées | Drones de combat
Le MQ-9 Reaper peut emporter des bombes à guidage laser et des missiles air-sol Hellfire sous ses 4 points d’emport.

En France, ce choix a été motivé par plusieurs raisons :

  • D’une part, il permettait d’obtenir plus rapidement les nouveaux drones, à un coût plus bas, et avec un temps d’entrainement réduit pour les équipages. Un argument de poids étant donné le besoin urgent dans la bande sahélo-saharienne pour des outils de renseignement persistants.
  • D’autre part, il s’agissait également d’une question politique et diplomatique. Les drones MALE souffrent en effet d’une mauvaise représentation dans les médias de divertissement et d’information grand public, qui leur confèrent souvent une image –erronée– de « robots tueurs ». En se dotant de Reaper non-armés, la France (et les autres nations européennes clientes du Reaper) se dissocie ainsi des modes opératoires américains, des assassinats ciblés et des dommages collatéraux associés.
  • Enfin, il ne faut pas négliger non plus certaines dissensions internes à l’Armée de l’Air. Certains cadres voient en effet l’arrivée des drones armées comme une menace potentielle pour le format des chasseurs de l’Armée de l’Air, dont l’objectif affiché dans la dernière loi de programmation militaire est de 185 appareils. Une crainte qui est d’ailleurs loin d’être infondée au regard de la situation britannique, qui va de facto remplacer ses Tornado par un mélange de F-35 et de MQ-9 armés.

Quoi qu’il en soit, l’armement des plateformes ISR est dans l’air du temps. Cela permet une plus grande réactivité et un soutien immédiat aux forces alliés, tout en libérant les chasseurs-bombardiers pour d’autres missions de frappe au sol. La France dispose d’ailleurs d’une réelle expérience dans le domaine, à travers l’usage des appareils de patrouille maritime Atlantique 2, régulièrement employés au Sahel pour des missions ISR et capables de tirer des bombes à guidage laser. Sur le plan opérationnel, la capacité d’armement des MQ-9 Reaper s’établit donc dans le prolongement de l’usage, bien maîtrisé, des Atlantique 2. Sur le plan politique et diplomatique, il s’agit toutefois d’un bouleversement bien plus profond.

En effet, alors même que la France a fait usage de drones non-armés pendant plusieurs années au Sahel, elle a été accusée à de multiples reprises de pratiquer des assassinats politiques par des frappes de drones, notamment sur les réseaux sociaux. Des campagnes de désinformation qui trouvent souvent leur origine en France mais qui animent parfois un réel ressentiment vis-à-vis de la force Barkhane.

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Atlantique 2 de patrouille maritime de la Marine Nationale Actualités Défense | Bombes guidées | Drones de combat
L’avion de patrouille maritime Atlantique 2 mis en oeuvre par la Marine Nationale a longtemps assuré des missions ISR et de frappes de précision sur le théâtre sud-saharien.

Pour l’Armée de l’Air, qui joue pourtant déjà le jeu de la transparence, l’enjeu de la communication autour des drones Reaper va donc être essentiel, d’autant plus qu’elle ne manque pas d’arguments solides. Ainsi, contrairement à ce qui se fait aux États-Unis, les pilotes de Reaper français n’opèrent pas depuis leur base métropolitaine. Ils sont déployés à Niamey, sur le terrain, et connaissent le même rythme des opérations que les pilotes de chasseurs ou d’avions de transport. Ils sont confrontés aux réalités du terrain, interagissent directement avec les forces qu’ils soutiennent et s’impliquent de la même manière dans la vie locale. De plus, l’Armée de l’Air a fait le choix d’avoir un équipage de quatre personnes par drone Reaper, contre deux pour l’USAF. En plus du pilote et de l’opérateur-capteur en charge des équipements optroniques, un officier de renseignement et un analyste image sont présents pour interpréter les données ISR. Quant à la validation des ordres de tir, elle s’effectue sur les drones Reaper avec les mêmes règles d’engagement que pour les avions d’arme, la centralisation des moyens de détection et de tir sur la même plateforme réduisant simplement le délai entre l’identification de la cible et sa destruction.

Si les rumeurs d’un prochain retrait américain du Sahel se confirment, la pression sur l’Armée de l’Air va considérablement augmenter, aussi bien sur les opérations de transport logistique que pour les missions ISR. La fermeture de la toute récente base américaine d’Agadez au Niger, d’où l’USAF opère ses propres Reaper, augmenterait d’autant le besoin en drones MALE français.

Eurodrone 1 Actualités Défense | Bombes guidées | Drones de combat
L’avenir incertain du drone Euromale fait peser une menace sensible sur les capacités de renseignement et de frappe des forces françaises déployées en zone sud-saharienne

Quoi qu’il en soit, retrait américain ou pas, les opportunités de tir des GBU-12 par les MQ-9 français ne devraient pas manquer dans les mois à venir. D’ici la fin de l’année 2020, les Reaper devraient également être dotés de missiles Hellfire, déjà employés sur les hélicoptères Tigre. Plus souples d’emplois, et disposant d’une charge plus légère, les Hellfire devraient permettre d’étendre le domaine d’emploi des Reaper armés. En attendant un Euro-MALE qui se fait de plus en plus désiré, le MQ-9 Reaper en configuration armée va constituer durablement le haut du spectre des capacités de renseignement et de frappe non-piloté des armées françaises, qui devraient être complétées dans les années à venir par le Patroller de Safran, opéré par l’Armée de Terre.

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