Avec le budget Défense 2020, le Congrès US acte la fin d’une époque et le début d’une nouvelle

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Le Congrès américain a rendu ses arbitrages concernant le budget 2020 alloué aux forces armées du pays. Si le montant de 738 Md$ reste dans la lignée des derniers budgets votés, la ventilation et les points clés identifiés par les parlementaires américains montrent que l’époque connue comme « Post Guerre Froide » est belle et bien révolue, et qu’une nouvelle ère de tensions majeures entre états se dessine.

Dans les années 2000 et 2010, le budget de La Défense américain s’articulait autour de deux grands axes, les interventions militaires en Afghanistan et au Moyen-orient d’une part, et les grands programmes de Défense, qui se caractérisaient par des dépenses à la hauteur de leurs ambitions technologiques, démesurées. Ce fonctionnement résultait de la perception d’un hégémonisme avéré de la puissance militaire américaine dans le monde, et de l’absence, si pas de tensions, de challenger crédible pour remettre en cause cette suprématie. Outre le fait que la Russie et la Chine ont désormais un potentiel militaire, stratégique et technologique pour menacer la toute puissance américaine, cette politique menée pendant presque 20 ans a généré des conséquences néfastes dans de nombreux domaines, comme d’importantes difficultés de recrutement et de prolongation des militaires, le vieillissement d’une part importante des équipements, et même un déclassement technologique désormais sensible dans certains domaines.

USS Zumwalt is on the final leg of its three month journey to its new homeport in San Diego. 31620613005 0 Alliances militaires | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
Le destroyer lourd Zumwalt et une LCS, deux exemples de programmes qui s’avérèrent des gouffres financiers pour le budget américain

Le budget 2020 se veut être une réponse exhaustive à l’ensemble de ces aspects. En premier lieu, un effort très important est consenti pour améliorer l’attractivité des forces armées, pour reconstituer les effectifs ainsi que la pyramide des grades et des âges. Ainsi, les soldes et primes seront augmentées, en moyenne sur 2020, de prés de 3,5%, soit la plus forte hausse depuis plus de 10 ans. Dans le même temps, des efforts importants seront faits pour améliorer la qualité de vie des militaires et de leurs familles, avec un important programme d’infrastructures et de logements, et des mesures pour accompagner les militaires dans leur vie de famille (emplois des époux/ses, acquisition de logement etc..).

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Le second effort porte sur la modernisation des équipements. Ainsi, la majorité des demandes concernant les programmes d »équipements du Pentagone ont été acceptées intégralement, et même parfois étendues par le Congrès. Ainsi, l’US Air Force recevra en 2020 non pas 78, comme demandé, mais 90 F35A, bénéficiant pour cela d’une rallonge budgétaire de 1 Md$. Parmi ces nouveaux appareils figureront les 6 F35A qui devaient être livrés aux forces turques en 2020, de sorte à maintenir le plan de charge industriel. Le Corps des Marines recevra pour sa part 10 F35B et l’US Navy 20 F35C sur l’année. L’US Air Force recevra, par ailleurs, 8 chasseurs F15EX et 12 avions ravitailleurs KC-46, alors que le programme B-21 Raiders sera pourvu de 3 Md$ et le programme d’étude pour le chasseur de supériorité aérienne de nouvelle génération sera doté de 955 m$. L’US Navy pourra maintenir la construction de ses nouveaux porte-avions de la classe Ford et des 8 nouveaux SNA de la classe Virginia, alors que la construction de 3 nouveaux destroyers Arleigh Burke Flight III , une frégate FFG/X et de deux nouveaux navires d’assaut porte-hélicoptères de la classe América est également approuvé. Comme prévu, les investissements autour des sous-marins nucléaires stratégiques lanceurs d’engins de la classe Columbia sont également approuvés, comme le financement de 24 F/A 18 E/F Super-Hornet, de 3 avions de patrouille maritime P8 Poseidon, et d’un avions de détection aérienne avancée E-2D Hawkeye. L’US Army, quand à elle, pourra financer son super-programme « Big 6 », ainsi que l’acquittions de 152 nouveaux blindés Stryker, de 165 nouveaux chars Abrams, et d’un parc d’hélicoptères (73 UH-60M Blackhawks, 48 AH-64 Apaches, 9 MH-47G Chinooks) pour ne citer que les principaux équipements.

F15XE du constructeur Boeing Alliances militaires | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
La commande de 8 F15EX est actée dans le nouveau budget 2020

Au delà de l’acquisition, la modernisation des équipements et leur maintenance ont également fait l’objet d’une attention particulière. Le Congrès semble désormais vouloir obtenir une visibilité en profondeur de l’efficacité des investissements consentis de sorte à contrôler la performance budgétaire aux vues de la réalité opérationnelle. Une des mesures phares pour améliorer la maintenance et la disponibilité des équipements repose sur une importante marche arrière, avec le retour à la constitution de stocks de pièces détachées dans les armées, notamment autour du programme F35. Au cours des années précédentes, le Graal industriel reposait sur la promesse d’une efficacité équivalente en sous-traitant une part importante de la maintenance aux entreprises plutons qu’aux ateliers militaires, et notamment pour ce qui concerne les pièces détachées, avec une gestion en flux tendu. La réalité fut toute autre, aux Etats-Unis comme en Europe, avec l’effondrement de la disponibilité des équipements, associé à l’explosion des couts de maintenance. Mais au delà des aspects purement financiers, le retour à des stocks militaires permet surtout de donner de l’épaisseur stratégique aux forces armées dans l’engagement, avec une resilience bien supérieure à l’effort opérationnel.

Factory F35 Alliances militaires | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
Le F35 fait toujours l’objet d’une attention particulière du Congrès. Il s’agit du programme le plus cité dans le budget 2020

Enfin, ce nouveau budget remet au coeur de l’investissement de Défense l’effort stratégique, notamment pour ce qui concerne la dissuasion nucléaire, et les relations inter-alliées. Ainsi, d’importants efforts sont consentis pour le financement des programmes de missiles à portée intermédiaires et/ou hypersoniques, ainsi que pour les systèmes anti-missiles. Face à la versalité et l’imprévisibilité du président américain en exercice, le Congrès a également posé des garde-fous, de sorte à se prémunir contre des actions unilatérales à la portée excessives, que ce soit concernant les traités internationaux comme le traité de régulation des armes stratégiques New Start, et le traité Open Sky, tous deux subissant les foudres du président Trump. Les relations avec les alliés, notamment européens, sont également sanctuarisées, avec une rôle plus important accordé au Congrès, là encore pour assurer la fonction de modérateur. A ce titre, le Congrès entend désormais assurer un fonctionnement normal du financement des armées, et ne plus leurs imposer un fonctionnement dégradés du fait des tensions autours des négociations concernant le budget.

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Ces bouleversements ont une origine désignée, ou plutôt deux : La Russie et la Chine. Désormais considérés comme les deux adversaires désignés, sans pour autant être qualifiés d’ennemis, Pékin et Moscou sont au coeur de l’action budgétaire du Congrès américain, bien conscient désormais de leurs capacités à remettre en cause la suprématie militaire américaine. Outre ces deux adversaires clés, seule la Corée du Nord est nommément citée dans le rapport comme devant faire l’objet d’une attention particulière.

Chine russie exercice Alliances militaires | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
La Chine et la Russie sont désormais identifiées comme des adversaires des Etats-Unis, mais pas des ennemis.

Si les premiers budgets du mandat Trump avaient pour eux des montants très élevés, c’est bel et bien le budget 2020 qui marque le véritable passage d’époques entre la période ayant suivit la fin de la Guerre Froide, et cette nouvelle période qui s’annonce, avec le retour de nations capables de contester la suprématie américaine à l’échelle d’un continent, voir davantage. Comme Européen, on ne peut que constater l’écart très marqué qui existe entre les idées directrices qui sous-tendent la programmation militaire américaine, et celles qui encadrent leurs homologues européennes, notamment en France et en Allemagne. Il sera difficile, pour ne pas dire impossible, aux français et/ou aux allemands, de promouvoir une vision plus européenne de La Défense du continent, alors que l’Allemagne construit des frégates lourdes équipées pour les missions de basse intensité, et que les armées françaises restent dans un format jugé très insuffisant à la vue de la pression opérationnelle actuelle, qui pourtant sera appelée à s’amplifier. La crédibilité vis-à-vis des autres pays européens ne passera que par un effort marqué, rapide et ambitieux, pour reconstituer une capacité militaire cohérente vis-à-vis des menaces effectives, sans faire reposer, par choix ou nécessité, La Défense du pays et du continent sur un soutien américain massif, plus qu’improbable en cas de double-front Pacifique-Europe.

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