L’Eurodrone est-il vraiment plus cher que le MQ-9B Skyguardian de General Atomics ?

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Nous risquons bel et bien de nous diriger vers une absurdité économique dont seuls les européens ont le secret. En effet, selon l’article du journaliste Vincent Lamigeon, très au fait des questions de défense, publié par le site économique Challenge.fr, il semble que les représentants des 4 pays engagés dans le developpement de l’Eurodrone, la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, se retrouveraient dans une impasse concernant les négociations autour du prix du système de drone MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance) européen, connu pour le nom Eurodrone.

En effet, la facture présenté par le consortium industriel européen emmené par Airbus DS serait 30% plus élevée que le prévisionnel présenté en 2017, atteignant, les 9,8 Md€ là ou le montant initial était de 6 Md€, et ou le montant maximal prêt à être financé ne dépassait pas les 7 Md€. De manière très opportune, le constructeur américain General Atomics a entamé une campagne de Lobbying pour vanter les qualités de son Skyguardian MQ-9B, dérivé du Reaper, jugé plus économique par de nombreux observateurs et politiques européens.

Et en effet, il est probable que le SkyGardian présentera un prix inférieur de 35 à 50% à celui du système européen. Mais sera-t-il pour autant moins cher ?

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GA MQ9B Skygadian Allemagne | Analyses Défense | Drones de combat
Le Drone MALE MQ-9B Skygardian de GA a des caractéristiques et des performances aux antipodes du drone européen

Rien n’est moins sur ! En effet, comme nous l’avons à plusieurs reprise abordé sur Meta-Défense, un équipement conçu et fabriqué par l’industrie de Défense française produit un retour budgétaire sensiblement supérieur à son prix d’acquisition, du fait des effets sur l’emploi et les économies budgétaires générées. De manière évidente, lorsque l’on importe un matériel, le retour budgétaire est nul. La France a certes un contexte économique privilégiée pour obtenir un retour budgétaire optimum en matière d’investissement de Défense, mais l’Italie et l’Espagne affichent un retour de plus de 80%, et l’Allemagne un retour de plus 70%, sans tenir compte des exportations potentielles. Sur la seule base de ces éléments, même deux fois plus cher que le Skyguardian, l’Eurodrone reviendrait moins cher aux finances publiques de chacun des pays européens engagés dans sa construction que la solution américaine.

Mais là n’est pas le seul aspect à considérer. En effet, il n’aura échappé à personne que l’Eurodrone est un appareil bimoteur, ceci expliquant en parti son prix plus élevé. Le sujet à longuement été débattu, et bien souvent injustement critiqué par le seul biais de l’effet sur le prix d’achat. Car une étude plus approfondie montre que les drones monomoteurs, et en particuliers les Reapers, manquent cruellement de fiabilité à long terme. Or, quand on perd le moteur sur un tel appareil, le crash est presque inévitable. Avec deux moteurs, l’Eurodrone pourra lui regagner sa base, ou tout du moins un terrain dégagement. Une veille maxime des pilotes de multi moteurs (dont je fais parti) dit ainsi que l’avantage des bimoteurs, c’est que lorsque l’on perd un moteur, il en reste un pour voler !
Or, si l’on intègre l’attrition constatée des Reapers en service, on constate que celle-ci dépasse les 10% en moins de 5 ans. Sur 20 ans, il y a donc une attrition de 40%, qui obligera soit à commander des systèmes supplémentaires, soit à dégrader ses capacités opérationnelles.

Drone TB001 Scoprion chinois Allemagne | Analyses Défense | Drones de combat
La Chine développe elle aussi un drone bi-moteur, le TB001 Scorpion

Enfin, l’Eurodrone a été conçu sur un cahier des charges exigeant, permettant notamment l’intégration dans le trafic aérien civil, le survol d’agglomérations très peuplées à des altitudes moindres, et le franchissement de frontière sans basculement en vol militaire. En outre, le drone européen sera beaucoup plus rapide que ses homologues européens, et pourra emporter une charge utile supérieure. En d’autres termes, à l’instar d’un Rafale qui peut emporter plus de munition à plus longue distance qu’un mirage 2000, l’Eurodrone doit être comparé à potentiel opérationnel équivalent avec ses homologues américains.

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De manière individuelle, ces éléments suffisent à justifier l’investissement européen face à une acquisition sur étagère américaine. Mais surtout, ils se combinent ! Ce qui rendrait toute décision en faveur du Skygardian absurde à bien des égards, sans même prendre en compte que cela entamerait encore davantage l’objectif d’autonomie stratégique visé par l’Europe de La Défense et le président Macron.

Reste que les idées, et les paradigmes, ont la vie dure, et qu’il sera très difficile de faire accepter aux décideurs politiques de lever les oeillères qui restreint la perception du sujet dans son ensemble. Cela ne pourra venir que d’un effort concerté entre les industriels, s’appuyant sur des éléments plus que concrets, et probablement des engagements forts pour garantir la pertinence du modèle. Mais s’agissant d’un marché de 10 Md€, il est probable que le jeu en vaille la chandelle !

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