Remplacement des sous-marins néerlandais Walrus : décision reportée à 2021

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La nouvelle a claqué dans l’air comme un coup de revolver dans l’édition du 6 décembre 2019 du Telegraaf (Niels Rigter, « Kabinet : uitstel onderzeeërs ») : le remplacement des sous-marins de la classe Walrus, qui était dans l’attente depuis 2018 de la « lettre B » devant être remise au ou aux soumissionnaires retenus pour la phase de définition, ne sera pas envoyée avant 2021, abattant les derniers espoirs d’une prise de décision en cette fin d’année 2019. Mais une décision a tout de même été prise : Navantia est éliminé.

Les sous-marins hollandais de la classe Walrus (Zr. Ms. Walrus (1992), Zr. Ms. Zeeleeuw (1990), Zr. Ms. Dolfijn (1993) et Zr. Ms. Bruinvis (1994) devront quitter le service entre 2027 et 2031 grâce à refonte à mi-vi menée en 2013 et 2019. Dès 2014, le principe du remplacement des Walrus est acté. Le White Paper 2018 dans la deuxième annexe (p. 24) explique ce choix. L’annexe 4 présente le calendrier de renouvellement des Walrus (2,5 milliards d’euros ou plus). Une demande d’informations a été envoyée à l’endroit des principaux constructeurs de sous-marins en 2018. Le choix du soumissionnaire avec lequel seront conduites les négociations exclusives pourrait être annoncé en cette fin d’année 2019.

Le White Paper 2018 précisait le calendrier de la programmation militaire du pays pour chacune des capacités à moderniser ou à renouveler. Le « remplacement de la capacité sous-marine » est considéré dans ce document comme nécessitant un budget supérieur à 2500 millions d’euros mais la presse hollandaise évoque plutôt une enveloppe budgétaire de l’ordre des 3500 millions d’euros.

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À l’instar des autres programmes, le « remplacement de la capacité sous-marine » se devait de suivre trois phases bien distinctes.

La première consiste dans l’émission d’une demande d’information par le ministère de la défense hollandais à destination des principaux constructeurs de sous-marins. Les candidats s’étant déclarés intéressés sont les chantiers navals hollandais Damen alliés au suédois SAAB grâce à sa filiale Kockums ; l’entreprise française Naval group ; l’entreprise navale espagnole Navantia et la filiale sous-marine allemande de TKMS (ThyssenKrupp Marine Systems).

La seconde phase devait débuter par l’envoi d’une lettre B aux soumissionnaires retenus. Cette lettre aurait précisé toutes les caractéristiques militaires attendues pour ces sous-marins et aurait permis l’ouverture du dialogue entre les finalistes et la marine hollandaise afin que les constructeurs puissent montrer comment les besoins exprimés sont pris en compte dans leur proposition.

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Programme A26 Air Independant Propulsion AIP | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
Le programme A26 bénéficiait d’une commande en 2015 : les futurs HMS Blekinge (2024 ?) et HMS Skåne (2025 ?). SAAB, après avoir racheté Kockums (2014) à TKMS qui laissait mourir sa filiale suédoise, s’emploie à remporter une commande étrangère. Après l’Australie (Modèle 612, 4000 t), SAAB, alliée avec Damen, propose une variante de l’A26 (Modèle 712, ~ 3000 t) aux Pays-Bas.

Selon le calendrier du White Paper 2018, la lettre aurait dû être envoyée dès 2018. Le budget 2020 reportait le choix des finalistes et donc l’envoi de la lettre B au début 2020. Mais une volonté politique de faire aboutir ce dossier en cette fin d’année 2019 était perceptible. Ultime revirement : le cabinet renvoie l’affaire à 2021. La secrétaire d’État à la Défense, Mme Barbara Visser, doit présenter la décision gouvernementale à la chambre basse du Parlement batave la semaine prochaine.

Le gouvernement craint que les ambitions portées par le programme d’acquisition de quatre nouveaux sous-marins soient trop lourdes et sources de risques financiers. Le programme Walrus lui-même avait vu son devis financier initial dérapé de 65%. Tous les soumissionnaires ont accepté un transfert de la propriété intellectuelle de leur proposition et d’assurer l’assemblage, voire la construction des bateaux en Hollande. Une partie des décideurs hollandais souhaite une remonté en puissance et en capacités en matière de construction sous-marine dans le pays.

Le premier perdant est sans le moindre doute Navantia dont l’offensive commerciale au salon NEDS à Rotterdam n’aura pas suffit à convaincre les ministères hollandais concernés par le programme. La société de construction navale espagnole n’a rejoint que tardivement la compétition, forte du soutien du gouvernement espagnol, avec le S-80 Plus (3400 tonnes). Nombreux étaient ceux à prédire un abandon ou une élimination. Dont acte.

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Reste en course Damen/SAAB, Naval group et TKMS. La candidature de l’industriel allemand est jugé la plus faible car les deux autres propositions font la course en tête. Par ailleurs, l’offre allemande a été jugée non-conforme aux exigences norvégiennes et allemandes dans le cadre du programme de remplacement des six sous-marins de la classe Ula par quatre sous-marins Type 212 CD (Common Development). La publicité est forcément mauvaise et le déplacement en plongée du Type 212 CD (~ 2000 tonnes) ne peut que difficilement satisfaire la marine hollandaise dont les Walrus possèdent un déplacement unitaire en plongée de 2650 tonnes.

SMX Pays Bas Air Independant Propulsion AIP | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
Naval group propose en Hollande un bateau de plus de 3000 tonnes de déplacement en plongée. Il s’agit d’une nouvelle version de ce qu’il convient d’appeler la « famille » Barracuda qui comptait déjà les classes Attack (Australie) et Suffren (France). Ce sous-marin se distingue par ses barres de plongée positionnées sur le massif et par une coque revêtue intégralement de tuiles anéchoïques.

Il s’agit donc, dans les faits, d’un duel entre Damen/SAAB et Naval group.

Le consortium formé par Damen et SAAB est le grand favori de la compétition, tout du moins celui qui reçoit la faveur de l’opinion publique, de la Chambre des représentants et du ministère de la Défense et qui est considéré comme la proposition la plus hollandaise.

La proposition industrielle dénommée Modèle 712 (3000 à 3500 tonnes en plongée ?) est dérivé du programme A26 (HMS Blekinge (2024 ?) et HMS Skåne (2025 ?) en cours de construction). Par un accord conclu le 2 octobre 2019 par Damen et SAAB avec Thales UK, le « sonar » 2076 est intégré à la proposition. Plus qu’un sonar, il s’agit de la suite des sous-marins nucléaires britanniques (SNLE et SNA) comprenant un sonar d’étrave, des sonars de flanc, un intercepteur d’ondes sonar, un téléphone sous-marin, un sonar actif pour la détection de mines et une antenne linéaire remorquée. L’une des meilleures solutions en matière de sonars au monde dans l’attente des sonars ultra-basse fréquence (années 2030). Un système de lancement vertical est proposé. Il est composé d’un tube lance-missiles disposé à l’arrière du massif. Ce tube contient six alvéoles, chacune chargée d’un missile de croisière.

Et se répète la situation où certains (dont le ministère de la Défense et la chambre basse du Parlement) aux Pays-Bas regrettent que la procédure par appel d’offres soit maintenue, au risque de voir le favori la perdre. Lors de la sélection de l’offre de Naval group et ECA group pour le remplacement des chasseurs de mines belges et hollandais, la déception exprimée par une partie de l’opinion publique batave s’était focalisée sur la procédure par appel d’offres jugée responsable de la défaite de Damen.

La proposition de Naval group fut dévoilée publiquement au début du mois de février 2019. Ce n’est ni un Scorpène, ni un Scorpène Evolution (3000 tonnes). Il s’agit d’une version supplémentaire du Barracuda dotée de barres de plongée avant sur le massif et non pas sur l’avant de la coque comme pour les bateaux australiens et français. Naval group propose comme argument décisif, en réponse au sonar 2076 du modèle 712, un revêtement en tuiles anéchoïques sur l’intégralité de la coque : depuis le sommet du massif jusqu’à la quille, depuis l’étrave jusqu’à l’appareil à gouverner. La société française a noué un partenariat industriel avec la société hollandaise Royal IHC dont les activités dans l’offshore semblent être à même de lui garantir de posséder les compétences nécessaires pour l’assemblage de sous-marins.

Le report de la décision de fin 2019 à 2021 est manifestement une source d’inquiétude pour Damen. L’entreprise n’a pas remporté le marché de remplacement des chasseurs de mines belgo-hollandais. Le programme de remplacement des quatre frégates de défense aérienne de la classe De Zeven Provinciënn est reporté de pas moins de cinq années. L’ambitieux plan naval hollandais allant de pair avec une remontée en puissance des capacités industrielles semblent souffrir, une nouvelle fois après le cas des frégates de la classe De Zeven Provinciënn, de l’alourdissement du coût d’acquisition des 46 F-35A.

SAAB Kockums serait dans une situation critique. La proposition suédoise faites à la Pologne de rejoindre le chantier de modernisation des classes Archer et Södermanland en acquérant les deux bateaux de cette dernière classe témoigne d’un plan de charge industriel ayant désespérement besoin d’être abondé. En cas d’un nouvel échec sur un marché étranger, le gouvernement suédois pourrait avoir à actionner la commande publique pour ce faire.

Naval group serait le candidat le plus à même de profiter de ce report. L’entreprise française n’a pas de plan de charge en souffrance. Elle bénéficiera d’une année supplémentaire pour faire monter en puissance ses propositions industrielles tout en menant une campagne de communication publique dans un pays où elle est perçue comme profitant des aides publiques françaises et donc comme une candidature étrangère subventionnée.

Il se dessine le cadre dans lequel les ministères hollandais (Défense, Affaires étrangères, Finances et Économie) auront à convaincre le cabinet de décider en faveur de l’un des candidats. La proposition dégageant le meilleur équilibre entre les capacités opérationnelles proposées, le plan de charge assuré aux industriels hollandais, les compétences engrangées par l’industrie nationale et l’enveloppe budgétaire la mieux maîtrisée remportera très certainement les faveurs. Il est craint qu’une nouvelle « affaire Walrus » puisse être créée alors que l’acquisition des 46 F-35A déséquilibres d’ores et déjà la programmation militaire des Pays-Bas. D’où le choix de la proposition la moins risquée.

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