mardi, mars 19, 2024

Royal Navy : le programme Power Improvement Project pour les destroyers Type 45 repoussé à mars 2020

Le programme trilatéral (France – Italie – Royaume-Uni) Principal Anti Air Missile System (PAAMS) servait à armer les frégates franco-italiennes du programme Horizon. Les Britanniques s’étaient retirés de ce programme (Common New Generation Frigate (CNGF) subséquent afin de concevoir en national des bâtiments répondant à toutes leurs spécifications : les six destroyers Type 45. Il est reconnu officiellement depuis 2014 que ceux-ci souffrent d’une usine électrique incapable d’approvisionner convenablement les installations du bord dans les eaux tropicales. Le programme devant y remédier est repoussé à mars 2020.

Les destroyers du Type 45 – HMS Daring (2009), HMS Dauntless (2010), HMS Diamond (2011), HMS Dragon (2012), HMS Defender (2013), HMS Duncan (2013) – devaient être 12 dans la planification originelle de la Royal Navy avant que la cible du programme chute progressivement à 8 puis seulement 6 bâtiments. Elle demeure toutefois la première flottille de frégates – ou destroyers, en l’espèce – de défense aérienne en Europe.

Ces six bâtiments se distinguent des frégates franco-italiennes du programme Horizon par trois choix architecturaux foncièrement différents : un radar tournant multi-rôles de veille tridimensionnelle à antenne à balayage électronique actif en bande S SAMPSON de BAE Systems Maritime, juché en haût du mât principal, en lieu et place du radar tournant multi-rôles de veille tridimensionnelle à antenne à balayage électronique passive en bande C EMPAR de Selex ES ; une propulsion électrique intégrée et une réserve d’espace pour deux lanceurs octuples Mk 41 strike lengh ou SYLVER A70 sur la plage avant.

En outre, les Type 45 ont un déplacement supérieur de 7350 tonnes contre 7050 tonnes pour les classes Forbin et Andrea Doria du programme Horizon. Mais le déplacement à pleine charge des Type 45 atteindraient jusqu’à 8500, voire 8700 tonnes. Ils peuvent marcher jusqu’à 32 nœuds contre 29 pour les frégates du programme Horizon.

La propulsion électrique intégrée des Type 45 repose sur deux turbines à gaz WR-21 (2 x 21,5 MW) de Rolls-Royce et deux diesel-générateurs Wärtsilä 12V200 (2 x 2 MW). La puissance produite par les turbines à gaz (jusqu’à 43 MW) et les diesel-générateurs (jusqu’à 4 MW) est transmise par l’entremise d’un Propulsion Management System (PMS) qui transforme l’énergie mécanique produite (jusqu’à 47 MW au maximum) en énergie électrique distribuée GE Power Conversion (2 x 20 MW) et aux installations via le courant bord (7 MW).

Type 45 radar SAMPSON Analyses Défense | Chaine de sous-traitance industrielle défense | Coopération internationale technologique Défense
Les Type 45 se distinguent, notamment, par le choix du radar SAMPSON (BAE Systems Maritime) en lieu et place de l’EMPAR (Selex ES). Ce radar AESA obligera à moins de travaux que l’EMPAR lors des futurs chantiers de rénovation à mi-vie pour adapter les la suite radar des Type 45 à l’emploi de l’Aster Block 1 NT.

La problématique opérationnelle qui s’est posée aux destroyers de la classe Daring s’est rencontrée dans les eaux tropicales et par là il s’agit de comprendre que ce sont les eaux du Golfe Persique où la température de l’air peut dépasser les 45 à 55 degrés tandis que la température de l’eau de mer peut monter à plus de 35 degrés. L’environnement opérationnel oblige la Royal Navy, mais aussi la Marine nationale, à déployer presque en permanence un bâtiment de défense aérienne dans ces eaux.

La propulsion du navire, turbines à gaz comme diesel-générateurs, a montré des signes de faiblesse, et pas uniquement dans les eaux tropicales, car le HMS Daring subit une avarie de propulsion dans l’océan Atlantique en 2010. D’autres avaries touchant la propulsion survinrent en 2012 dans les eaux du Golfe Persique. Il a pu être rapporté qu’une avarie électrique totale guettait les bâtiments en difficultés et que les problèmes rencontrés ne se limitaient par à une « simple » perte de puissance » dégradant les capacités des bâtiments, mais bien à des pertes de capacités touchant notamment les systèmes critiques.

Cette faiblesse est liée au refroidisseur intermédiaire fourni par Northrop Grumman, co-concepteur de la turbine avec Rolls-Royce. Cet organe récupère la chaleur des gaz d’échappement de la turbine pour les recycler en les réinjectant dans son cycle afin de réduire sa consommation. Un défaut de conception du refroidisseur intermédiaire provoque parfois une avarie. Rapidement, la charge demandée aux diesel-générateur Wärtsilä 12V200 devient trop forte au point d’en rendre l’un des deux, voire les deux, indisponibles. La situation provoquée est très éprouvante pour le diesel-générateur « survivant » qui doit alors fonctionner à sa puissance maximale, l’usant d’autant plus vite.

Rolls-Royce déclara que les eaux du Golfe Persique sont plus exigeantes que les spécifications des installations de propulsion tandis que la Royal Navy assura que le cahier des charges du programme exigeait que les bâtiments puissent naviguer dans cette même région du monde.

Type 45 Sea Viper Analyses Défense | Chaine de sous-traitance industrielle défense | Coopération internationale technologique Défense
Le système de lancement vertical des destroyers Type 45 est constitué de six lanceurs octuples SYLVER A 50. Une réserve située entre la pièce d’artillerie navale 4.5-inch Mark 8 (BAE Systems) et le roof abritant les six lanceurs pré-cités permettrait si demandé d’intégrer à coque trois lanceurs Mk 41 strike lengh pouvant recevoir des SM-3, SM-6 ou BGM-109C Tomahawk Land Attack Missile.

Cette faiblesse du système de propulsion fut révélé par le ministère de la défense britannique dès 2014. La crise inhérente atteignait son paroxysme en 2016 quand les six destroyers Type 45 furent aperçus simultanément au port. Les frégates du programme Horizon n’emploient pas de propulsion électrique intégrée et leur propulsion repose, notamment, sur une usine électrique forte de quatre diesel-générateurs, en plus des deux turbines à gaz et des deux moteurs diesels. La puissance disponible est plus importante, tout comme les redondances. En revanche, il est impossible dans cette architecture de basculer la puissance produite par les turbines vers autre chose que la propulsion, et vice-versa pour l’usine électrique.

Les révélations du problème affectant la propulsion des Type 45 s’accompagnaient intelligemment de la présentation d’une solution devant y remédier : le programme Napier. Cette solution à court terme repose sur l’Equipment Improvement Plan (EIP). Il s’agit de continuer à travailler sur les Wärtsilä 12V200 afin de fiabiliser autant que faire ce peut ces diesel-générateurs dans les eaux tropicales tout en augmentant leur puissance disponible. Mais il ne semble pas que le ou les systèmes de réfrigération soit explicitement visés par ces mesures. Difficulté supplémentaire : les Wärtsilä 12V200 ne sont plus commercialisées, leur soutien par l’industriel va donc en déclinant.

La solution à long terme qui doit permettre aux bâtiments de se reposer sur un système de propulsion répondant aux spécifications initiales du programme Type 45, est le Power Improvement Plan (PIP). Il s’agit d’un important chantier de remplacement des deux diesel-générateurs Wärtsilä 12V200 (2 x 2 MW) par trois MTU Series 4000 (3 x 1,8 MW) sur chacun des destroyers, ce qui assurera un supplément de puissance de 2,4 MW. Rolls-Royce assurera la fourniture de 18 de ces diesel-générateurs. Ces chantiers seront menés au rythme d’ores et déjà planifié des arrêts techniques majeurs des navires.

Type 45 destroyer propulsion arrangement Analyses Défense | Chaine de sous-traitance industrielle défense | Coopération internationale technologique Défense
La découpe de la coque de chacun des destroyers Type 45 permettra le débarquement des deux diesel-générateurs Wärtsilä 12V200 (dans l’axe du bâtiment, au pied des échappements des turbines dans l’illustration) au profit de trois MTU Series 4000. Cette réserve d’énergie supplémentaire, outre la redondance, prépare probablement la future rénovation à mi-vie.

Les futurs chantiers s’annoncent compliqués car les Wärtsilä 12V200 sont suspendus dans leur compartiment afin de répondre aux spécifications du programme quant à la signature acoustique. Il ne faudra donc pratiquer des découpes dans la coque de chacun des Daring afin d’en extraire les diesel-générateurs au travers des compartiments et d’y installer à leur place les nouveaux venus. Le point d’orgue des difficultés sera atteint quand il s’agira d’installer le troisième diesel-générateur. Cela implique de dégager un volume dans des compartiments de la propulsion réputés déjà très exigus, ainsi que d’étendre les réseaux existants pour abonder le diesel-générateur et des échappements. De manière surprenante, et ô combien salvatrice, il semblerait que les grandes dimensions des Type 45 permettent d’y mener ces opérations, et que l’ajout d’un troisième diesel-générateur avait été prévu.

Le premier chantier du programme PIP devait débuter dès octobre 2019 au profit du HMS Daring. Il fut repoussé au mois de décembre 2019 avant d’être reporté une nouvelle fois à la fin du mois de mars 2020 nous apprend Jane’s. La raison principale serait l’incapacité de la base navale de Portsmouth à entreprendre en temps et en heure les travaux requis. Par ailleurs, la durée de chaque chantier n’a pas encore été communiquée et dépendra très probablement du retour d’expérience tiré du premier d’entre eux au bénéfice des autres. Le coût annoncé du programme PIP est de 310,57 millions d’euros (2018), soit 51,76 millions pour chaque bateau. À titre indicatif, c’est le double du coût du chantier de rénovation à mi-vie des frégates Type 23 (programme LIFEX).

Les problèmes affectant la propulsion des destroyers Type 45 n’ont nullement empêché officiellement la Royal Navy à en déployer un tous les neuf mois dans le Golfe Persique. Néanmoins, les bruits de coursives au sujet des avaries rencontrées invitent à conclure que ces bâtiments sont régulièrement soumis à un fonctionnement en mode dégradé, avec par moment des pertes totales de fonction, dont la propulsion, et un risque d’avarie électrique totale. Du point de vue architectural, il est surprenant que le ministère de la défense britannique n’ait opté que pour deux diesel-générateurs, et non trois, en plus des deux turbines. Le programme PIP apporte là une redondance bienvenue qui existait déjà sur les frégates du programme Horizon.

Les conséquences lointaines de cette mésaventure sont à rechercher au niveau du futur programme de rénovation à mi-vie des Type 45 qui devront, eux-aussi, s’adapter pour accueillir des ASTER 30 Block 1 NT. Il se posera alors la question des choix politiques britanniques vis-à-vis d’une contribution navale aux capacités de défense anti-missiles balistiques de l’OTAN, ou d’une augmentation du nombre de plateformes navales porteuses de missiles de croisière. Le programme PIP risque de consommer les crédits qui auraient pu servir à ces futures capacités. Cela obligera-t-il Londres à rejoindre Paris et Rome sur le programme de rénovation à mi-vie des Horizon et pour faire évoluer le PAAMS afin de partager les frais d’études ?

- Publicité -

Pour Aller plus loin

RESEAUX SOCIAUX

Derniers Articles

Meta-Défense

GRATUIT
VOIR