Force maritime d’autodéfense japonaise : proposition industrielle d’un LHD de 19 000 tonnes

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La société de construction navale Japan Marine United Corporation (Yokohama) présentait au salon Defence and Security Equipment International (DSEI) Japan 2019 la maquette d’un avant projet de porte-hélicoptères d’assaut amphibie (ou Landing Helicopter Dock (LHD) alors que le ministère de la défense (防衛省, Bōei-shō) n’avait sollicité aucune proposition puisque lancé aucun programme. Cette société japonaise d’ingénierie navale ambitionne de remporter le remplacement des trois bâtiments de débarquement de chars (Landing Ship Tank (LST) de la classe Ōsumi. Une proposition à replacer dans le cadre de la reconstruction des capacités aéronavales et amphibies japonaises vis-à-vis des tabous et oppositions politiques, diplomatiques hérités de la Deuxième Guerre mondiale.

Au titre du Mutual Defense Assistance Agreement (MDA) ou Accord d’assistance à la défense mutuelle entre le Japon et les États-Unis (8 mars 1954), la Force maritime d’autodéfense japonaise (海上自衛隊, Kaijō Jieitai) bénéficiait du transfert de plusieurs bâtiments des types LST 1 et 2 au cours des années 1960. Ils sont peu à peu remplacés par des bâtiments du même type des classes Miura, aussi appelé 45 LST (Miura (1975 – 2000), Ojika (1976 – 2001), Satsuma (1977 – 2002) de 3200 tonnes à pleine charge et Satsuma, aussi dénommé 47 LST (1977 – 2002) et Atsumi (Atsumi (1972 – 1998), Motobu (1973 – 1999) et Nemuro (1977 – 2005) de 2400 tonnes à pleine charge.

Dans la continuité des lignes directrices du programme de défense nationale formulées le 29 octobre 1976, le programme quinquennal de défense (1986 – 1990) énoncé le 18 septembre 1985 portait les réflexions quant au remplacement de ces six bâtiments de 1500 tonnes (3) et 2000 tonnes (3) lège débutent dès les années 1980 avec deux avant-projets de 1500 tonnes et 3500 tonnes lège. Le point commun à tous ces avant-projets est de tendre vers des bâtiments amphibies aptes à débarquer hommes, blindés, véhicules et matériels directement sur la plage.

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Une rupture matérielle intervenait par l’avant-projet d’un bâtiment de 5500 tonnes (1987 – 1989) devant détenir des installations aéronautiques pour la mise en œuvre de voilures tournantes. Une rupture conceptuelle s’opérait quand était substitué à la capacité à plager la faculté à opérer deux chalands à effet de surface ou LCAC (Landing craft air cushioned) de 25 tonnes.

Un accroissement de la vitesse de 16 à 22 nœuds plus l’objectif d’accommoder les installations amphibies avec un LCAC de 50 tonnes porte le déplacement de l’avant-projet à 5700 tonnes (1992). Il n’a pas été jugé possible de se contenter d’un seul LCAC en raison de la flexibilité opérationnelle très réduite mais les deux de 25 tonnes ne pouvaient porter le futur char de bataille Type 90 Kyū-maru (90式戦車 Kyū-maru-shiki-sensha) conçu entre 1976 et 1982. C’est pourquoi apparaissait l’avant-projet de 8900 tonnes lège (1993) pouvant accueillir deux LCAC de 50 tonnes : la future classe Ōsumi dont le déplacement à pleine charge atteindra les 14 000 tonnes.

L’apparition de la silhouette de l’avant-projet de 8900 tonnes lège (1993) plus la publication de ses principales caractéristiques dont la capacité à opérer jusqu’à huit voilures tournantes (8 x AH-1 Cobra) ou deux hélicoptères de manœuvre lourd (2 x CH-47 Chinook) soulèvent une vague d’inquiétude parmi les voisins du Japon. Le futur Ōsumi possède un pont plat couvrant toute la longueur de la coque avec un ilot portant la passerelle déporté sur tribord, ce qui lui confère une silhouette de porte-aéronefs.

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Classe Osumi Analyses Défense | Assaut amphibie | Constructions Navales militaires
Les Ōsumi (1998), Shimokita (2002) et Kunisaki (2003) naviguant de conserve en 2008. Long de 178 mètres, d’un maître-bau (plus grande largeur) de 25,8 mètres, d’un tirant d’eau de 6 mètres, marchant à 22 nœuds, ils sont armés par 138 marins. Ils embarquent 330 soldats pour une longue durée, jusqu’à 1000 pour une courte période, deux LCAC et jusqu’à 10 chars de bataille Type 90.

La classe Ōsumi poursuivait alors une méthodique reconstitution des capacités aéronavales japonaises débutée avec les bâtiments des classes Shirane (Shirane (1980 – 2015) et Kurama (1981 – 2017) et Haruna (Haruna (1973 – 2009) et Hiei (1974 – 2011). Ils étaient les premiers « destroyers porte-hélicoptères » (trois voilures tournantes par bâtiment), autrement dit les premiers bâtiments de la Kaijō Jieitai à accueillir des aéronefs, tout un symbole.

Les Ōsumi (1998), Shimokita (2002) et Kunisaki (2003) sont commandés en 1993, 1998 et 1999 pour être mis sur cale deux années plus tard pour le bâtiment tête-de-série, une année seulement pour les deux suivants. Ils devaient être l’acculturation japonaise au Sea Control Ship proposé par l’Amiral Elmo Russell « Bud » Jr. Zumwalt. Les Ōsumi devaient donc être des bâtiments porteurs d’aéronefs à voilure fixe et tournantes devant mener des missions de défense aérienne et de guerre des mines. Ils ont été finalement qualifiés de « transports opérationnel maritimes » pour éviter au maximum les réactions politiques hostiles et tenter de réfuter l’élaboration d’une doctrine amphibie à finalité expéditionnaire.

Quatre bâtiments supplémentaires ou extrapolés de la classe Ōsumi auraient pu être construit au début des années 2000 afin de pourvoir au remplacement de la classe Atsumi (3). Mais il fut préféré les destroyers porte-hélicoptères 16DDH, c’est-à-dire les JS Hyūga (2009) et JS Ise (2011) conçus comme des destroyers porte-hélicoptères (19 000 tonnes à pleine charge, 18 voilures tournantes) anti-sous-marins. Les JS Izumo (2015) et JS Kaga (2017) du programme 22DDH sont d’une certaine manière une version agrandie avec un tonnage à pleine charge de 27 000 tonnes. Ils ont, aussi, pour mission principale la lutte anti-sous-marine. Les installations aéronautiques sont dimensionnées pour soutenir et opérer jusqu’à 28 hélicoptères.

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Les refontes des JS Izumo (2020 – 2022) et JS Kaga (2022 – 2024) consisteront à renforcer le pont afin qu’il puisse supporter la masse du F-35B (31 tonnes) lors des appontages et d’apposer un nouveau revêtement au pont d’envol en mesure de résister à la chaleur des gaz du réacteur F135 du F-35B, nettement plus importante que celle des McDonnell Douglas AV-8B Harrier II. Il semble que Tōkyō ambitionne de les transformer en porte-aéronefs léger et donc d’optimiser les bâtiments dans cet unique mission, au détriment des capacités amphibies.

IMG 7245 Analyses Défense | Assaut amphibie | Constructions Navales militaires
Deux avant-projets de porte-hélicoptères avaient été proposés à la Force maritime d’auto-défense japonaise : les CVH-A de 23 000 tonnes lège (18 x SH-3 Sea King + 6 x S-2 Tracker) et CVH-B de 8000 tonnes lège (18 x HSS-2). Une étude de porte-aéronefs capable d’opérer des Harrier fut proposé dans les années 1970.

Il ne resterait alors à la marine nippone que les JS Ōsumi (1998), JS Shimokita (2002) et JS Kunisaki (2003) plus les JS Hyūga (2009) et JS Ise (2011) si employés pour une mission amphibie sans oublier les chalands de débarquement LCU-2001 (2) de 540 tonnes à pleine charge et les YL-09 (7) de seulement 50 tonnes à pleine charge.

Il avait été annoncé en janvier 2014 que les Ōsumi devaient être refondus afin de pouvoir opérer les V-22 Osprey grâce au renforcement du pont d’envol et l’adaptation des installations aéronautiques et des Assault Amphibious Vehicles (AAV-7). Une étude technique devait être menée à ce sujet grâce à une ligne budgétaire au sein du budget 2014 (l’année fiscale au Japon s’achève en mars de l’année suivante, donc mars 2015 dans le cas présent). Les conclusions de cette étude n’ont, semble-t-il, pas été rendues publique.

Simultanément à l’annonce précédente, et toujours en 2014, le ministre de la Défense Onodera Itsunori (26 décembre 2012 – 3 septembre 2014 et 3 août 2017 – 2 octobre 2018) déclarait que le Japon souhaitait acquérir un bâtiment d’assaut amphibie. « Nous avons l’intention d’acquérir un navire de transport capable d’envoyer rapidement des unités des forces d’autodéfense dans le but de défendre les îles éloignées du Japon » déclarait-il à bord de l’USS Makin Island alors dans la base navale de San Diego le 7 juillet 2014.

Le besoin politique exprimé par le gouvernement du Japon, traduit dans le programme de défense à moyen terme (exercice 2014 – 2018), est de pouvoir reprendre de vive force une île japonaise atteinte par un débarquement adverse. Les îles disputés (Senkaku (Chine / Taiwan / Japon) , Kouriles (Russie / Japon) sont particulièrement visées. Il ne s’agit plus seulement de pouvoir renforcer rapidement un territoire japonais avec l’apport de troupes supplémentaires.

La planification de défense japonaise vise donc à faire perdurer les capacités existantes avec la refonte à venir des trois Ōsumi. À moyen et long-terme, il s’agit de renforcer les capacités amphibies de la Force maritime d’auto-défense japonaise afin que ses bâtiments puissent transporter toute ou partie de la Brigade de déploiement rapide amphibie (水陸機動団 Suirikukidōdan) constituée le 27 mars 2018 et basée au camp Asaka. Elle est forte de 2100 hommes dont près de la moitié peuvent être portés par 52 AAV-7. La structure de la brigade comporte trois régiments de manœuvre ainsi que cinq bataillons spécialisés pour l’appui. L’effectif final pourrait atteindre les 3000 hommes.

Les Ōsumi peuvent théoriquement déplacer la brigade car l’architecture des bâtiments leur permet d’accueillir durablement 330 hommes ou jusqu’à 1000 hommes pour de courtes durées, ce qui suppose dans cette hypothèse la quasi-impossibilité d’embarquer des véhicules sauf peut-être à débarquer les voilures tournantes. L’un comme l’autre, les trois Ōsumi ne peuvent prétendre à déplacer toute la brigade mais seulement 1320 hommes et la quasi-totalité de leurs matériels plus un groupe aéromobile type (par exemple, six hélicoptères d’attaque et quatre hélicoptères de manœuvre lourd).

C’est à cette aune qu’il s’agit d’apprécier le projet présenté en 2014 de refondre les trois Ōsumi associé à l’acquisition d’une grande unité amphibie. Cette dernière servirait, non pas à remplacer, mais à compléter la structure de force amphibie dans l’optique de prétendre à transporter l’ensemble de la brigade en une seule rotation.

Japan Marine United LHD 19 000 tonnes vue en decoupe Analyses Défense | Assaut amphibie | Constructions Navales militaires
Le LHD de Japan Marine United Corporation reprend l’architecture classique de ce type de bâtiments depuis leur introduction dans l’US Navy avec des unités de facture neuve dans les années 1970. Ils répondent à un besoin militaire japonais et ne recherchent pas à répondre sur le plan du prestige aux porte-hélicoptères d’assaut amphibie Type 075 de la marine chinoise, plus volumineux.

La société de construction navale Japan Marine United Corporation (Yokohama) présentait au salon Defence and Security Equipment International (DSEI) Japan 2019 la maquette d’un avant projet de porte-hélicoptères d’assaut amphibie. Selon les dires de la société à Jane’s (20 novembre 2019), il s’agit d’anticiper le lancement d’un programme par le ministère de la Défense au cours des toutes prochaines années. Le remplacement des Ōsumi se présentera à la fin de la prochaine décennie après trente années de service (2028 – 2033). Le nombre d’unités visées pourrait être de deux à trois.

Japan Marine United Corporation présentait donc un porte-hélicoptères d’assaut amphibie long de 220 mètres, avec un maître-bau (plus grande largeur) de 38 mètres, un tirant d’eau de 7 mètres, capable de marcher à 24 nœuds et fort d’un déplacement normal de 19 000 tonnes. Le bâtiment est armé par un équipage de 500 hommes.

Ses capacités amphibies s’articulent autour d’un radier accueillant deux LCAC. Le pont d’envol continu, desservi par deux ascenseurs (axial (devant l’ilot) et latéral (tribord), est structuré autour de cinq spot d’appontage pour V-22 Osprey. Le hangar sous-jacent est en mesure de recevoir cinq V-22 de plus, soit dix de ces machines au total. Les hangars dédiés aux blindés et véhicules peuvent recevoir au moins 20 AAV-7 ainsi que 25 véhicules (tracteurs-remorques). Des installations médicales intègrent le bord. Le nombre de marines embarqués n’est pas précisé.

Il reste de la place pour un sixième spot entre la proue et l’ilot mais rien ne permet d’expliquer son absence : cet espace sert peut-être de parking pour le dégagement des machines de retour de missions avant de les redescendre au hangar aéronautique pour reconditionnement ou les maintenir sur le pont pour les préparer à une prochaine rotation.

Par comparaison avec des classes similaires de porte-hélicoptères d’assaut amphibie, le nombre de marines embarqués pourrait être compris entre 500 et 900 pour ces bâtiments de 19 000 tonnes de déplacement normal mais dont le déplacement à pleine charge devrait être de l’ordre des 25 000 tonnes. Les Mistral (21 300 tonnes) embarquent dans de bonnes conditions 450 soldats là our les Buques de Proyección Estratégica (26 à 27 000 tonnes) peuvent en embarquer 900.

Par rapport aux discussions ayant trait aux Ōsumi, l’objectif du programme de porte-hélicoptères d’assaut amphibie pressenti par Japan Marine United Corporation serait logiquement de pouvoir accomplir le transport complet de la Brigade de déploiement rapide amphibie (2100, voire 3000 hommes). Le projet préliminaire de cette société permettrait de transporter 1500 à 2700 hommes avec trois bâtiments, ce qui amène à considérer qu’il puisse être possible que le projet évolue vers un tonnage plus important permettant de se contenter de deux unités. Il est à remarquer que le bas de la fourchette de marines transportés par trois de ces grandes unités amphibies suppose qu’un complément soit apporté par d’autres bâtiments comme, exemple le plus probable, les JS Hyūga (2009) et JS Ise (2011).

Le ministère de la Défense du Japon se doit donc d’arbitrer en faveur de la structure de forces aéronavale et amphibie la plus adaptée à l’accomplissement des objectifs de la stratégie militaire japonaise. Il se dessine une future structure de force aéronavale japonaise à l’orée de l’année 2023 qui, dans cette hypothèse, combinerait deux groupes navals agissant ensemble et mêlant un destroyer porte-hélicoptères de classe Hyūga, menant plusieurs destroyers et frégates anti-sous-marins, ainsi qu’un second groupe centré sur un destroyer d’opérations polyvalent de classe Izumo accompagné de destroyers de défense aérienne et des des E-2D Advanced Hawkeye. La question à trancher réside dans le choix entre le renforcement de l’un de ces deux groupes d’un ou deux porte-hélicoptères d’assaut amphibie ou bien la constitution d’un groupe amphibie autonome composé de deux à trois grandes unités amphibies accompagnés des destroyers d’escorte.

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