La ministre des Armées, Mme Florence Parly, a annoncé la décision de lancer le programme Avions de Renseignement à CHArge utile de Nouvelle Genération (ARCHANGE) le 18 novembre 2019 aux termes du comité ministériel d’investissement. Il doit permettre la livraison de trois Falcon 8X dotés d’une Charge Universelle de Guerre Électronique (CUGE) dont le premier devra être livré en 2025 à l’Armée de l’Air.
Les missions SIGINT (SIGnal INTelligence) comprennent des actions ELINT (ELectronic INTelligence) pour la détection et cartographie des radars adverses et des actions COMINT (COMmunication INTelligence) pour repérer les centres de décision. Il s’agit de pouvoir alimenter les bases de données liées tout en fournissant aux état-majors, en particulier aux bureaux de planification, des cartes à jour des dispositifs adverses fixes et mobiles.
Les capacités de renseignement électromagnétique aéroporté françaises ne reposent plus aujourd’hui que sur les deux C-160G Gabriel. Il s’agit d’une version de l’avion de transport C-160G NG (Nouvelle Génération – 1er vol le 9 avril 1981) Transal développée et adaptée à la mise en œuvre d’une suite de senseurs et de systèmes de guerre électronique afin qu’ils servent au recueil du renseignement d’origine électromagnétique, dans l’optique de cartographier les dispositifs adverses. Les deux C-160G Gabriel sont entrés en service en 1989 ; il remplaçaient les huit Nord 2501 Gabriel au sein de l’Escadron Électronique Aéroporté (EEA) 11/54.
Ils étaient auparavant complétés à l’échelle stratégique par deux DC-8 SARIGuE (Système Aéroporté de Recueil des Informations de GUerre Électronique) et DC-8 SARIGuE-NG qui se sont succédés entre 1977 et 2004 sous les immatriculations F-RAFE (1er juin 1977 – 22 août 2001) et F-RAFD (12 avril 2001 – 17 septembre 2004) au sein de l’Escadron électronique 51 Aubrac (1er avril 1976 – 1er septembre 2004). Et par des nacelles ASTAC (Analyseur de Signaux TACctiques) portées par des Mirage F1 CT puis par des Mirage 2000D depuis 2016.
L’Armée de l’Air souhaitait à cette époque trois appareils comparables au DC-8 SARIGuE dans l’optique d’une utilisation à une échelle stratégique afin de compléter les Nord 2501 Gabriel et leurs successeurs dont la finalité était tactique. Les deux C-160G Gabriel accomplissent, eux, les missions aussi bien stratégiques que tactiques.
L’actuelle maquette de l’Armée de l’Air portée par la Loi de Programmation Militaire 2019 – 2025 reprend, d’une certaine manière, l’architecture de forces voulue par l’Armée de l’Air dans les années 1970 avec trois programmes. Le programme des Avions de Renseignement à CHArge utile de Nouvelle Génération (ARCHANGE) équipés d’une Charge Universelle de Guerre Électronique (CUGE) remplacera avantageusement les C-160G Gabriel dans l’optique de l’accomplissement de missions à l’échelle stratégique. Les nacelles ASTAC pourraient être éventuellement remplacées dans le cadre de la coopération structurée permanente dénommée Airborne Electronic Attack sous direction de l’Espagne à laquelle participe la France et la Suède.
Le programme Avions Légers de Surveillance et de Reconnaissance (ALSR) vise à la livraison de huit Beechcraft King Air 350 modifiés par Sabena Technics et Thales Systèmes Aéroportés. Le contrat fut notifié le 22 juin 2016 pour trois premiers appareils pour, environ, 50 millions d’euros. La cible finale du programme correspond au nombre d’appareils actuellement loués par le ministère au profit des Armées, de la DRM (Direction du Renseignement Militaire) et de la DGSE pour les missions en Afrique de l’Ouest, de la Libye jusqu’au Mali. Ils accompliront notamment des missions de renseignement électromagnétique. Les États-Unis (RC-12 Guardail) et le Royaume-Uni (six Shadow R1) mettent en œuvre des aéronefs très similaires.
La Charge Universelle de Guerre Électronique (CUGE) est développée grâce à plusieurs programmes d’étude amont, a été confiée à Thales. Ce programme fut lancé par un comité ministériel d’investissement du 28 février 2018. Cette « charge » permettra simultanément les interceptions des émissions radio et radar.
L’Avions de Renseignement à CHArge utile de Nouvelle Génération (ARCHANGE) est aussi lancé en comité ministériel d’investissement le 18 novembre 2019. Son nom de baptême est astucieux vis-à-vis des deux générations de Gabriel (Nord 2501 Gabriel et C-160G Gabriel). L’avion porteur de la CUGE est un temps désigné « Épicure » car s’il était acté qu’il s’agirait d’un appareil de la gamme Falcon de Dassault aviation, le choix en faveur du Falcon 8X n’a été communiqué que le 17 juin 2019. Airbus proposait un appareil de la gamme des A320 ou l’A400M.
Deux choses sont remarquables pour le choix des futurs ARCHANGE :
- Le nombre qui permet de ré-hausser la posture par rapport aux deux C-160G Gabriel et de retrouver le format existant jusqu’en 2004.
- Le choix de l’appareil – le Falcon 8X – permet d’obtenir une plateforme avec une très forte autonomie (11 945 km franchissables (contre 5500 km pour le C160G Gabriel), une vitesse maximale de Mach 0,9 (contre Mach 0,42) et un plafond opérationnel jusqu’à 15 545 mètres d’altitude (contre 8200 mètres) et apte à utiliser la plupart des plateformes aéroportuaires et des pistes aériennes. Le Falcon 8X est moins contraignant dans cette perspective qu’un avion bien plus gros comme le DC-8 ou un équivalent actuel.
En revanche, les futurs appareils ne seront pas furtifs et les dispositifs adverses auront tout le loisir de s’adapter à leur présence, si des opérations militaires ne les contraignent pas à continuer à fonctionner malgré leur mise sur écoute. Cela suppose toutefois qu’une veille rigoureuse soit effectuée par l’adversaire et qu’il soit en mesure de repérer que les ARCHANGE, ayant l’apparence d’un aéronef civil, sont en réalité des plateformes de renseignement. Ces qualités intrinsèques de discrétion ne ferment pas le débat quant au besoin de surprendre l’adversaire sur ce segment du renseignement.
Par ailleurs, le Falcon 8X est doué de qualités de vol lui permettant d’aller plus vite, plus loin et donc de démultiplier l’espace couvert au cours d’une même sortie ou bien de disposer plus longtemps d’un temps de vol utile vis-à-vis de la zone inspectée. L’influence opérationnelle évoluera donc grandement et de nouvelles régions seront plus facilement accessibles depuis l’Europe, sans même évoquer des déploiements ponctuels outre-mer.
Le système formé par ARCHANGE et CUGE comprendra une plateforme d’entraînement sur la base aérienne d’Evreux. Les ARCHANGE, selon la programmation actuelle, doivent être livrés en 2025, 2026 et 2027. Les montants des deux programmes (ARCHANGE et CUGE) n’ont pas été communiqués. La notification d’une partie des contrats est logiquement attendue à la fin de l’année 2019 ou au début de l’année 2020.