Budget 2020 : mise sous cocon d’un porte-aĆ©ronefs britannique de la classe Queen Elizabeth ?

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Le HMS (Her Majesty Ship) Prince of Wales (2019 ?), porte-aĆ©ronefs pour AĆ©ronefs Ć  DĆ©collage et Atterrissage Verticaux ou Courts (ADAV/C) de la classe Queen Elizabeth devrait ĆŖtre admis au service en dĆ©cembre. Tim Shipman et Tim Ripley (The Times, 24 novembre 2019) croient savoir qu’il se joue un duel tragique entre la British Army et la Royal Navy vis-Ć -vis d’un budget militaire rĆ©duit pour l’annĆ©e 2020 avec en arriĆØre-plan les Ć©lections gĆ©nĆ©rales du 12 dĆ©cembre 2019 devant dĆ©cider du sort du BREXIT (BRitain EXIT). Selon leurs informations, en cas de dĆ©faite de la Royal Navy dans le jeu budgĆ©taire : un des deux Queen Elizabeth serait placĆ© sous cocon. Il pourrait tout aussi bien s’agir d’une manœuvre de l’un des protagonistes pour dĆ©stabiliser la partie adverse. Avec un conditionnel de rigueur, il est proposĆ© d’explorer l’hypothĆØse exposĆ©e dans leur article.

Tim Shipman et Tim Ripley (The Times, 24 novembre 2019) prĆ©tendent avoir connaissance d’un duel fratricide entre le gĆ©nĆ©ral Sir Mark Carleton-Smith, chef d’Ć©tat-major de la British Army, et le First Sea Lord (chef d’Ć©tat-major de la Royal Nayv), l’Amiral Tony Radakin. Les deux hommes sont en concurrence pour remplacer le gĆ©nĆ©ral Sir Nicholas Patrick Carter (ancien chef d’Ć©tat-major de la British Army) en tant que Chief of the Defence Staff. Ils s’Ć©chinent Ć  aider l’actuel gouvernement et le futur Ć  trancher la question suivante : s’agira-t-il de maintenir le format de la British Army, en hommes, en matĆ©riels, ou bien de rĆ©duire celui de la Royal Navy en plaƧant sous cocon un des deux Queen Elizabeth ou en le louant Ć  la marine d’un alliĆ© ?

Le format de la British Army est de 82 000 hommes. En cas de dĆ©cision en sa dĆ©faveur, les effectifs de la British Army chuterait Ć  un niveau compris entre 60 000 et 65 000 hommes, soit le plus petit format de l’armĆ©e de terre britannique depuis 1770. La cascade de consĆ©quences se matĆ©rialiserait par des ajustements de cibles de tous les programmes de matĆ©riels devant moderniser la force terrestre britannique plus de probables rĆ©ductions structurelles de capacitĆ©s-clefs comme l’aĆ©romobilitĆ©.

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L’enjeu central pour la Royal Navy est la dĆ©fense du format de son groupe aĆ©ronaval mais aussi le maintien en condition opĆ©rationnel de l’ensemble de ses bĆ¢timents de combat. Le choix radical proposĆ© est Ć  soupeser entre ces deux extrĆ©mitĆ©s de la structure de la flotte de la Royal Navy. Une partie des officiers supĆ©rieurs et gĆ©nĆ©raux de la marine britannique ne soutient en effet pas l’armement des deux porte-aĆ©ronef de la classe Queen Elizabeth qui s’est fait au dĆ©triment du renforcement des autres composantes de la Royal Navy (bĆ¢timents de surface, sous-marins, etc).

Ces mĆŖmes officiers auraient prĆ©fĆ©rĆ© ne conserver qu’un porte-aĆ©ronefs pour le refondre en porte-avions CATOBAR (Catapult Assisted Take-Off Barrier Arrested Recovery) Ć©quipĆ© de catapultes et de brins d’arrĆŖt, comme proposĆ© par la Strategic Defence and Security Review 2010 (gouvernement Gordon Brown) : le HMS Prince of Wales devait ĆŖtre refondu CATOBAR, le HMS Queen Elizabeth revendu. Philip Hammond (gouvernement Cameron) confirma le 10 mai 2012 la commande des F-35B britanniques, ainsi que l’achĆØvement des deux porte-aĆ©ronefs ADAV/C avec des tremplins (sky jump), selon un arbitrage financier Ć  court terme et presque contre l’avis de sa marine. Un porte-avons CATOBAR ouvrait en effet la voie de coopĆ©rations poussĆ©es avec la Marine nationale et l’US Navy, et permettait d’accroĆ®tre la portĆ©e opĆ©rationnelle du groupe aĆ©rien embarquĆ©, option retenue par la marine amĆ©ricaine face aux dĆ©fis A2/AD.

Toujours selon l’article publiĆ© par The Times, la British Army propose de placer un des deux porte-aĆ©ronefs de la classe Queen Elizabeth sous cocon. Les consĆ©quences logiques de la dĆ©cision permettrait la suppression de l’Ć©quipage du bĆ¢timent (670 et 700 marins), ains qu’un nombre indĆ©terminĆ© de postes supprimĆ©s au sein du groupe aĆ©rien embarquĆ© (environ 900 marins). Cela posera la question du maintien des cibles des programmes associĆ©s pour les aĆ©ronefs du groupe aĆ©rien embarquĆ©. Les 48 F-35B seront suffisants pour armer un porte-aĆ©ronefs avec 24 Ć  36 machines Ć  chacune de ses sorties. En serait-il de mĆŖme pour les 10 systĆØmes radar d’alerte aĆ©rienne avancĆ©e Crowsnest devant armer ponctuellement les 30 Merlin HM.2 de la Royal Navy ?

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Le F-35B est admis au service actif en 2016. Le Royaume-Uni, seul partenaire de niveau 1 du programme Joint Strike Fighter, possĆØde actuellement 18 F-35B dont 3 servent actuellement depuis le sol britannique, les 15 autres demeurant aux Ɖtats-Unis. 42 machines auront Ć©tĆ© livrĆ©s d’ici Ć  2023. Pour sa premiĆØre mission dans le thĆ©Ć¢tre Indo-Pacifique en 2021, le HMS Queen Elizabeth (2017) embarquera une partie des F-35B britanniques plus un certain nombre de machines de l’US Marines Corps.

Pareille dĆ©cision de placement sous cocon signifierait Ć©galement la fin des rĆ©flexions menĆ©es quant Ć  une augmentation de l’allonge du futur carrier strike group britannique par la commande de MV-22 Osprey qui peuvent ĆŖtre grĆ©Ć©s en tant que ravitailleur aĆ©rien embarquĆ©.

Un placement sous cocon avec la perspective d’une location Ć  une marine alliĆ©e dĆ©note du choix prĆ©cĆ©dent (2010 ā€“ 2012) car l’hypothĆØse tĆ©moigne de la volontĆ© de retrouver la pleine possession du bĆ¢timent lors d’une amĆ©lioration des conditions Ć©conomiques et financiĆØres. Il est Ć  noter que la disponibilitĆ© opĆ©rationnelle annoncĆ©e des deux Queen Elizabeth (de l’ordre des 80%), la perspective lointaine d’un arrĆŖt technique majeur et les possibles accords avec l’US Navy pour l’embarquement des aĆ©ronefs britanniques Ć  bord de porte-aĆ©ronefs d’assaut amphibie permettent d’envisager (5 Ć  10 ans) une quasi-permanence aĆ©ronavale avec un seul bĆ¢timent. Par ailleurs, cette hypothĆØse semble interdire une rĆ©surrection du projet de refonte CATOBAR du porte-aĆ©ronefs maintenu au service.

NĆ©anmoins des candidats Ć  la location d’un des deux porte-aĆ©ronefs britanniques pourraient probablement se manifester. Les Ɖtats-Unis sont prĆ©sentĆ©s comme une piste. L’US Navy n’Ć©prouve pas le besoin de renforcer son format amphibie. L’admission au service actif d’un bĆ¢timent ne se coulant pas dans le moule de ses structures opĆ©rationnelles imposerait la mise en place de structures particuliĆØres.

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L’Australie serait un candidat idĆ©al. Canberra continue d’entretenir le dĆ©bat vis-Ć -vis du dĆ©veloppement des capacitĆ©s des deux porte-hĆ©licoptĆØres d’assaut amphibie de la classe AdelaĆÆde. La location n’exige pas d’avancer une somme financiĆØre de l’ordre de 3000 Ć  4000 millions d’euros. Cela supposerait l’acquisition de F-35B ou une conversion des 44 exemplaires restants Ć  livrer sur les 58 commandĆ©s ou bien d’affermir la commande pressentie de 28 machines supplĆ©mentaires.

Le Japon percevra ses F-35B entre 2024 et 2026. Tokyo aurait quelques intĆ©rĆŖts Ć  s’engager dans pareille location vis-Ć -vis de la montĆ©e en puissance aĆ©ronavale de la Chine. Mais quel serait l’intĆ©rĆŖt d’ajouter un tel bĆ¢timent Ć  l’inventaire de la flotte quand les deux porte-aĆ©ronefs de la classe Izumo seront refondus (2019 – 2023) pour opĆ©rer ses futurs 40 F-35B ? ƀ moins d’une commande supplĆ©mentaire, et consĆ©quente, de F-35B, la marine japonaise serait en surcapacitĆ©s pour les porte-aĆ©ronefs, en dĆ©ficit pour les aĆ©ronefs.

Qu’en est-il concernant l’Inde ? New Delhi s’engage sur le long terme en faveur de la filiĆØre CATOBAR par le lancement du programme de chasseur embarquĆ© bimoteur annoncĆ© rĆ©cemment, et le programme Multi-Role Carrier Borne Fighters (MRCBF) opposant F/A 18 E/F Super Hornet et Rafale, dans l’optique de la mise sur cale d’un porte-avions CATOBAR au cours de la deuxiĆØme moitiĆ© de la dĆ©cennie 2020 : l’Indigenous Aircraft Carrier 2 (IAC-2) ou INS Vishaal. Louer un Queen Elizabeth amĆØne la problĆ©matique du choix de l’aĆ©ronef Ć  voilure fixe embarquĆ© qui ne peut ĆŖtre que le F-35B.

F 35 ActualitƩs DƩfense | Budgets des armƩes et effort de DƩfense | InteropƩrabilitƩ des forces armƩes
Premier ravitaillement en vol d’un F-35B de la Royal Air Force par un Voyager KC. Mk 2. Le rĆ©acteur supplĆ©mentaire pour la sustentation verticale Ć  l’arriĆØre du cockpit du F-35B rĆ©duisent ses capacitĆ©s en carburant d’un cinquiĆØme par rapport aux F-35A et C. Seule une refonte CATOBAR ou l’acquisition d’aĆ©ronefs de ravitaillement aĆ©rien embarquĆ© rĆ©duirait l’Ć©cart.

L’option d’un achat par contre ferait sens pour justifier deux efforts financiers significatifs : l’acquisition de F-35B deviendrait productif avec la mise sur cale en Inde d’un troisiĆØme Queen Elizabeth. Londres a fait cette proposition pour l’IAC-2, ce qui implique l’abandon du nouveau programme de chasseur bimoteur embarquĆ© lancĆ© par le DRDO en remplacement du Tejas Mk II, car il se retrouverait sans porte-avions Ć  Ć©quiper. L’autre option serait une refonte CATOBAR du Queen Elizabeth achetĆ© par l’Inde mais New Delhi peut craindre les risques de l’opĆ©ration aprĆØs l’acquisition de l’ancien porte-aĆ©ronefs soviĆ©tique Admiral Gorshkov (1987 ā€“ 1996) du projet 1143.4 (classe Kiev). L’acquisition avec rĆ©fection du bĆ¢timent par la Russie a vu ses coĆ»ts ĆŖtre portĆ©s de 654,07 (2004) Ć  1707,97 millions d’euros (2013). Un Queen Elizabeth ne pourrait ĆŖtre refondu qu’avec des catapultes Ć©lectromagnĆ©tiques et l’opĆ©ration prĆ©senterait un coĆ»t de plusieurs centaines de millions d’euros se rajoutant Ć  celui du bĆ¢timent : 3000, 4000 millions d’euros ?

Cette dispute, si elle Ć©tait avĆ©rĆ©e, concĆ©derait un abaissement britannique dĆ©favorable Ć  la France, l’Europe et l’Alliance atlantique. RĆ©duire le format de la Royal Navy impliquune rĆ©duction des capacitĆ©s aĆ©ronavales europĆ©ennes : non plus deux mais un seul porte-aĆ©ronefs de la classe Queen Elizabeth en plus du porte-avions Charles de Gaulle. RĆ©duire le format de la British Army ne serait pas une mince perte car il s’agit de la seule force armĆ©e terrestre europĆ©enne avec l’ArmĆ©e de Terre franƧaise Ć  dĆ©tenir les capacitĆ©s Ć  pouvoir s’engager dans une opĆ©ration extĆ©rieure sur tout le spectre des opĆ©rations. Ces deux mauvaises orientations accroĆ®tront la pression sur les doublons europĆ©ens en matiĆØre de programme d’armement, dont la compĆ©tition fratricide entre le SCAF et le Tempest.

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