vendredi, mars 29, 2024

European Patrol Corvette : nouvelle coopération structurée permanente cherche partenaires

Les projets retenus dans le cadre de la troisième vague des Coopérations Structurées Permanentes (CSP ou PErmanent Structured COoperation (PESCO) en anglais) dévoilés ce mardi 12 novembre comprennent le lancement de la European Patrol Corvette portée depuis 2018 par Paris et Rome. Ce programme sera la première réalisation de Naviris, société commune à Fincantieri et Naval group. D’autres pays pourraient éventuellement le rejoindre.

La European Patrol Corvette est apparue au plus tard en 2017 sous le nom de European Light Frigate (EFL), bâtiment de 4500 tonnes. Il s’agissait pour Fincantieri et Naval group de matérialiser leur rapprochement industriel initié par le plan Magellan (2015) ayant initié les discussions entre Fincantieri et Naval group. Le plan Poséïdon (2017) permet d’englober le rachat de STX Saint-Nazaire par Fincantieri dans le cadre d’une grande coopération navale franco-italienne afin de donner des gages à Paris. Ce projet présenté à l’été 2017 reçoit un accueil favorable et est sanctionné par la signature d’un accord le 27 septembre 2017 pour le rachat de STX St Nazaire par Fincantieri.

Les deux industriels proposaient alors à la Marina militare (Italie) d’arrêter le programme Pattugliatori Polivalenti d’Altura (PPA) aux sept bâtiments commandés (2 Light, 3 Light + et 2 Full) et donc de ne pas affermir l’option pour trois unités supplémentaires (1 Light, 2 Full). La Marine nationale se voyait proposer d’arrêter la série des Frégates de Taille Intermédiaire (FTI ou FDI (Frégates de Défense et d’Intervention depuis le 1er janvier 2019) après deux ou trois unités et de les compléter par le programme ELF afin d’atteindre le format de 15 frégates de premier rang puis de remplacer les frégates de surveillance de la classe Floréal (6). C’est pourquoi l’ELF devait être lancée en 2021, voire 2022 afin de ne pas provoquer d’interruption dans les programmations française et italienne vis-à-vis des calendriers alors en vigueur.

Thaon di Revel programme PPA Actualités Défense | Consolidation industrielle Défense | Constructions Navales militaires
Le Thaon di Revel est la première unité du programme Pattugliatori Polivalenti d’Altur (PPA) en sa version Light (5800 t à pleine charge) doté de capacités opérationnelles d’auto-défense et qui servira aux missions de patrouille. Un PPA Full (6300 t à pleine charge) aura des caractéristiques analogues aux FREMM et pourra participer à une mission ATBM (Aster 30 Block 1 NT et détection par le radar AESA en bande L du Trieste par liaison L16). Un PPA Light + (5900 t) possède la plupart des capacités du Full moins certains équipements et la mission ATBM.

L’European Light Frigate est repoussée, en France, avec agacement par le gouvernement et de la Marine nationale au motif que Naval group avait déjà beaucoup demandé et obtenu avec le lancement du programme FTI entre 2013 et 2015 par l’arrêt du programme FREMM. Le côté italien ne paraissait pas hostile au projet de prime abord mais la marine italienne ne semblait pas mécontente de laisser le programme PPA allait à son terme (7 + 3).

La deuxième étape du rapprochement entre Fincantieri et Naval group est la signature le mardi 23 octobre 2018 d’un nouvel accord, découlant du plan Poséïdon, prévoyant la création d’une future société commune (jointventure) devant porter trois activités : des programmes bi-nationaux de bâtiments de surface, la coordination des efforts des deux industriels sur les marchés étrangers et la mise au point d’un nouveau système de combat devant équiper ces mêmes futurs bâtiments plus probablement les quatre frégates du programme Horizon lors de leur rénovation à mi-vie (midlife update).

La European Light Frigate est morte, vive la European Patrol Corvette ! Ce nouveau projet de bâtiment de 3000 tonnes sera porté par la future société commune. Il est repositionné sur les programme PP(X) de la Marina militare et de remplacement des Floréal de la Marine nationale.

La Marina militare doit assurer la succession des patrouilleurs hauturiers des classes Comandanti (4 unités, 1500 t), Sirio (2 unités, 1500 t) et Cassiopea (4 unités, 1500 t) dans le cadre du programme PP(X). Quelques caractéristiques souhaitées pour les EPC émergent côté italien : un système de défense aérienne à moyenne portée reposant sur les missiles Common Anti-Air Modular MissileExtended Range (CAMMER) d’environ 50 km de portée et un sonar remorqué.

Le Comandante Foscari classe Comandanti le 28 mai 2010 Actualités Défense | Consolidation industrielle Défense | Constructions Navales militaires
Le Comandante Foscari (classe Comandanti) lors d’un exercice mené conjointement avec l’US Navy en mer Méditerranée le 28 mai 2010.

En France, il avait été imaginé que le programme FTI comprenne une version adaptée à la patrouille maritime pour la succession des Floréal, avant même que la European Light Frigate se propose de le faire. L’actuel chef d’état-major de la Marine nationale, l’Amiral Christophe Prazuck, dans la droite lignée de son successeur, précisait qu’il désirait des « frégates » construites aux normes militaires plutôt que marine marchande afin de remplacer les Floréal.

Fregate Prairial juillet 2016 Actualités Défense | Consolidation industrielle Défense | Constructions Navales militaires
La frégate Prairial de la classe Floréal en juillet 2016.

Ce projet change de nature quand Rome déposait à l’été 2019 un dossier afin de le proposer en tant que coopération structurée permanente, donc ouvert à la participation d’autres États membres. Il s’agit probablement là d’une manière pour la France et l’Italie d’affermir, voire d’imposer, le caractère européen du rapprochement de leur deux industriels de la navale militaire comme outil à une réorganisation européenne dont ils seraient le pivot. Ensemble, la France et l’Italie représentent plus ou moins 420 000 tonnes de bâtiments de combat. Les marines allemande (~100 000 tonnes) et espagnole (87 000 t) qui suivent immédiatement dans l’Union européenne n’atteignent même pas la moitié.

Parallèlement, la société commune, projetée par l’accord du 23 octobre 2019, est portée sur les fonts baptismaux le 14 juin 2019. Baptisée Naviris, nom dévoilé lors du commité d’organisation du 23 octobre 2019 à Gênes où la société est domiciliée, la nouvelle structure est parée pour porter le projet European Patrol Corvette officiellement retenue pour la troisième vague des projets CSP/PESCO dont la liste était dévoilée le 12 novembre 2019. Seules la France et l’Italie participent à ce jour à ce projet.

La description du projet de coopération structurée permanente portée par la European Patrol Corvette permet d’en apprendre un peu plus grâce à l’exposé des objectifs. Ce futur bâtiment sera le « prototype » d’une « plateforme commune » pouvant être adaptée aux besoins et utilisée par plusieurs pays européens. Les caractéristiques du futur bâtiment seront arrêtées dans le cadre de la démarche de la coopération structurée permanente et c’est donc cette future base sera adaptée aux besoins militaires de chacun des participants à ce projet.

La European Patrol Corvette est définie par les deux parties comme devant appartenir dans la typologie de l’OTAN aux « navires de deuxième ligne » dont le descriptif du projet précise bien qu’il s’agit de « Limited Warship Unit« . Quelques caractéristiques nautiques sont mêmes arrêtées car le tonnage maximal devrait se situer « autour de 3000 tonnes » pour une coque d’ « environ 110 m » de longueur et un tirant d’eau inférieur à 5,5 mètres. La propulsion sera composée de moteurs diesels et/ou électriques.

La future plateforme navale sera conçue dans l’optique d’ « héberger plusieurs systèmes et charges utiles, afin de réaliser, avec une approche modulaire et flexible, un grand nombre de tâches et de missions. »

Sur le plan commercial et industriel, la European Patrol Corvette apparaît, en premier, comme devant succéder à Gowind 2500 (conçue au tout début des années 2000) puisque Fincantieri et Naval group joignent leurs efforts sur les marchés étrangers où ils proposeront les bâtiments conçus en commun. Raisons pour lesquelles Naval group retoquait la proposition de Fincantieri de développer l’EPC à partir des corvettes de la classe Doha sélectionnées par le Qatar dans le cadre du programme Protector. Avoir transformé la coopération industrielle en coopération structurée permanente est peut être un moyen de sécuriser les programmes nationaux de la France, de l’Italie mais aussi de potentiels futurs partenaires dont les plus probables sont, dans l’ordre alphabétique, la Bulgarie, la Grèce et le Portugal.

Corvette El Fateh Gowind 2500 en 2017 a Lorient Actualités Défense | Consolidation industrielle Défense | Constructions Navales militaires
La corvette El Fateh (Gowind 2500) lors de sa livraison à la marine égyptienne le 22 septembre 2017.

Le calendrier de ce programme dépendra du temps laissé aux éventuels intéressés pour rejoindre la coopération structurée permanente, plus les nécessaires délais pour définir les caractéristiques de la plate-forme, puis de l’adapter aux exigences nationales. Cette phase institutionnelle laissera alors la place aux études de conception détailles menées par Naviris selon un partage industriel à arrêter avec d’éventuels partenaires. Rome prévoit d’ores et déjà de retirer ses patrouilleurs des classes Comandanti (4 unités, 1500 t), Sirio (2 unités, 1500 t) et Cassiopea (4 unités, 1500 t) entre 2022 et 2025. En se fondant sur une durée de service de 30 ans, les Floréal (6) auraient pu être désarmées entre 2020 et 2024. mais ce n’est pas prévu par l’actuelle loi de programmation militaire (2019 – 2025).

La European Light Frigate aurait pu être lancée en 2021, voire dès 2020. La European Patrol Corvette prendrait le même chemin afin de respecter ne serait-ce que le calendrier italien.

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