vendredi, mars 29, 2024

Lockheed veut torpiller les Frégates françaises en Grèce

Les Etats-Unis ont la ferme intention de ne pas laisser le marché grec leur échappé, et ce en dépit de la Lettre d’intention signée par le ministre grec de La Défense au sujet des Frégates de Défense et d’Intervention de Naval Group il y a quelques semaines. Ainsi, le groupe américain Lockheed a proposé à Athènes, de façon non sollicité, une offre pour 4 frégates MMSC, proches de celles choisies par l’Arabie saoudite au détriment des FREMM, pour une enveloppe de 2 Md€, soit un tarif plus que compétitif pour quatre bâtiments de ce tonnage.

Ce n’est pas la première fois que les Etats-Unis tentent de saborder les discussions entre Paris et Athènes. Déjà, il y a un an, Washington avait poussé l’offre australienne pour 2 frégates de la classe Adelaide d’occasion auprés des autorités grecques. Finalement, il s’est avéré que l’offre de Canberra ne comprenait par les missiles SM2, et qu’une commande complémentaire de ces missiles auprés de Raytheon aurait couté plus cher que l’acquisition des deux navires eux-mêmes. Par la suite, et toujours dans l’optique d’éloigner la marine Hellénique et la Marine nationale, les autorités plénipotentiaires américaines en Grèce ont commencé à évoquer publiquement la vente de croiseurs Ticonderoga d’occasion pour apporter la puissance de feu anti-aérienne voulue par les autorités militaires grecques.

O.H Perry Adelaide Analyses Défense | Constructions Navales militaires | Contrats et Appels d'offre Défense
Les Etats-Unis avaient déjà tenté de faire dérailler les négociations entre Paris et Athenes avec les frégates Adelaide australiennes d’occasion

En outre, les Etats-Unis ne manquent pas d’arguments à faire valoir. Ainsi, lors de la signature du contrat pour porter 80 F16 au standard Block 70 Viper, contrat signé pour un montant de 1,6 Md$ (1,4 Md€), Washington a très insidieusement accompagné cette offre d’une aide de 600 m$ émanant du fond pour la modernisation des forces armées européennes. De fait, plutôt que 1,6 Md$, la modernisation n’aura couté, au contribuable grecque, que 1 Md$, 850 m€, à peine un peu plus de 10 m€ par appareil. Il faut s’attendre à ce que l’offre concernant les frégates MMSC soient accompagnées d’une aide similaire, susceptible d’amener le prix de 4 MMSC à un tarif proche de celui des 2 FDI françaises, sans toutefois de notion de partage industriel.

L’approche américaine n’est, en fait, que l’application de la doctrine « Défense à valorisation positive » aux exportations d’équipements de Défense produits sur le sol national. En effet, aux Etats-Unis, le retour budgétaire de l’investissement industriel de Défense s’élève autour de 80% hors exportation, pour une vingtaine d’emplois créés / sécurisés par million d’euro annuel investi. En accordant une remise différée de 40%, comme dans le cas du contrat de modernisation des F16, les recettes budgétaires de l’Etat restent donc excédentaires de 80%-40% = 40% du montant du contrat. La générosité américaine, dans ce cas, n’en est pas, puisqu’il s’agit simplement de sécuriser des investissements à valeur budgétaire positive dans les 2 années à venir.

FDI grecque Analyses Défense | Constructions Navales militaires | Contrats et Appels d'offre Défense
Les FDI proposées par Naval Group ont un potentiel militaire très supérieur aux MMSC de Lockheed, et ce dans tous les domaines

La France serait, à ce titre, particulièrement bien placée pour appliquer ce type de modèle, car le pays dispose en effet du meilleur retour budgétaire, avec l’Allemagne, de tous les exportateurs d’armes occidentaux, du fait du très haut niveau des recettes sociales et fiscales appliquées aux salaires, du haut niveau d’indemnisation et d’accompagnement social du retour à l’emploi, et de la faible exposition de la base industrielle et technologique Défense française aux importations. Ainsi, en France, un million d’euro investi chaque année dans l’industrie de Défense génère ou sécurise 27 emplois hors exportations, et chaque emploi de la BITD génère en moyenne 52.000 € de recettes et économies budgétaires par an. De fait, 1 M€ investi génère, en France, 1,4 M€ de solde budgétaire au niveau de l’Etat.

Avec un tel coefficient budgétaire, la France pourrait proposer une aide à l’équipement de Défense équivalente à 50% du montant du contrat, tout en concédant 25 à 30% de transferts industriels avec le clients, et en maintenant un retour budgétaire de l’ordre de 50% du montant total du contrat. Dans le cas de la Grèce, un tel modèle permettrait aux autorités helléniques de récupérer 65% de leurs investissements en matière d’équipements de Défense français, tout en créant 45 emplois par M€ annuels investis dans l’industrie locale. Rappelons que le chômage touche encore prés de 20% de la population active dans le pays. Ce modèle avait fait l’objet d’une étude approfondie en amont des élections législatives en Grèce, qui virent le Parti Nouvelle Démocratie arriver au pouvoir. Il permettait, à terme, de re-capitaliser les forces grecques, que ce soit la marine, l’armée de l’air et les forces terrestres, sans qu’il soit nécessaire de modifier les taux de prélèvements ou de taxation dans le pays et sans altérer le plan de retour à l’équilibre budgétaire et social du pays, tout en prenant en considération les allègements de charges promises par Nouvelle Démocratie.

Mirage2000 5 de lArmee de lair hellenique Analyses Défense | Constructions Navales militaires | Contrats et Appels d'offre Défense
La modernisation des mirage 2000-5 grecques pourrait également représenter un dossier interessant pour la BITD française

La Grèce peut représenter, pour la France, un allié de poids pour la construction de l’Europe de La Défense telle qu’imaginer par les autorités françaises, d’autant que, comme l’a souligné le président Macron aujourd’hui, l’OTAN s’est montrée incapable de réagir face aux décisions turques ces derniers mois. Sans innovation dans le domaine du marketing budgétaire, les offres françaises pourraient bien se retrouver déclassées face aux Etats-Unis. Dans ce dossier, la solution ne pourra pas venir d’Athènes, mais uniquement de Paris, qui doit montrer sa capacité à répondre aux tentatives de manipulation de Washington au delà de la simple indignation posturale.

Maj 11/11 : le site grec à l’origine de l’information a publié un message selon lequel le prix proposé par Lockheed ne serait pas de 2 mais de 4 Md$ pour les 4 frégates, mettant le navire à 900 m€, contre 650 pour les FDI .

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