Le Strategic Strike Canon Artillery dans le programme Long Range Precision Fires

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La Field Artillery Branch ou l’arme de l’artillerie de l’US Army a la volonté de développer et mettre en Å“uvre un canon d’artillerie d’une portée de 1000 miles, soit 1609 km de portée : le Strategic Strike Canon Artillery (SSCA). Il s’agit de l’une des composantes du programme Long Range Precision Fires proposé par l’Armée de Terre américaine afin de répondre aux nouveaux défis opérationnels de théâtres moins permissifis et de stratégies de déni d’accès.

Il est à noter que le traité INF (Intermediate-Range Nuclear Forces), ratifié conjointement par les États-Unis d’Amérique et l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) en 1988, interdisait le développement et la possession de missiles balistiques et de croisière d’une portée comprise entre 500 et 5500 km. L’annonce de sa dénonciation opportune par les États-Unis d’Amérique le 1er février 2019 et par la Fédération de Russie, État successeur de l’URSS, par réplique le lendemain ouvre de nouvelles perspectives. Seul le Missile Technology Export Control Regime (MTCR) continuera à contraindre les transferts de missiles d’une portée supérieure à 300 km.

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© US Army.

Le programme Long Range Precision Fires (LRPF) conserve le paradigme de la fourniture d’un ensemble de feu précis grâce à des munitions guidées de précision (Precision Guided Munition (PGM). Certaines atteignent même une précision métrique, norme devenue indispensable pour les défis de déconfliction quand les unités engagées sont intriquées à l’extrême avec l’adversaire, en particulier dans les environnements urbains.

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Ce paradigme est donc complété par le développement de nouvelles capacités opérationnelles, issues d’améliorations matérielles et du développement de nouvelles plateformes et munitions. Le défi est de continuer à fournir ces feux pour soutenir les unités engagées dans des théâtres moins permissifs car se sont diffusées, au sein de forces militaires étatiques, voire dans des groupes armés non-étatiques, des capacités de frappe à longue portée et de précision.

La Field Artillery Branch cherche donc à renforcer la survivabilité de ses plateformes en augmentant la portée de ses tubes afin de continuer à pouvoir frapper, tout en demeurant hors de portée des capacités de contre-batterie adverses.

La réponse réside pour les plateformes actuelles dédiées à l’appui-feu des troupes au contact est donc l’augmentation de la portée de leurs munitions. De premières améliorations des capacités existantes manifesteront cette ambition avec, par exemple, le dévelopement de nouveaux obus (type Rocket-Assisted Projectiles (RAP) pour les automoteurs actuels tel le M109 Paladin afin d’atteindre les 40 km de portée contre 30 aujourd’hui.

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m109 paladin Analyses Défense | Armes stratégiques | Artillerie
Aujourd’hui, le Paladin M109 n’atteint qu’une portée maximale de 23,5 km, le rendant vulnérable aux tirs de contre-batterie.

Le programme ERCA (Extended Range Cannon Artillery) permettra d’atteindre et de dépasser les 100 km, voire 130 km de portée grâce à des munitions hypervéloces ou à ramjet et la mise à l’étude d’un nouvel automoteur XM1113 ERCA. Les feux de contre-batterie s’appuient sur les roquettes guidées Guided Multiple Launch Rocket System) tirées par les M113 MLRS (Multiple Launch Rocket System) et M142 HIMARS (High Mobility Artillery Rocket System) dont la portée sera étendue (GMLRS-ER (Extended Range). La frappe dans la profondeur profitera de la même logique d’accroissement de la portée offerte par l’ensemble formé de la plateforme et de ses munitions :

Les M113 MLRS continueront à tirer des missiles balistiques de courte portée (SRBM) MGM-168 AtacMS (Army Tactical Missile System) – Block IVA (305 km) qui seront remplacés par une évolution incrémentale : les CD AtacMS.

Par la suite le Precision Strike Missile (PrSM) – un missile hypersonique – se substituera à toutes les versions de l’AtacMS pour atteindre jusqu’à 499 km de portée. Cela signe l’influence du traité INF et il y a tout lieu de penser que sa dénonciation pourrait influencer l’objectif de portée du PrSM. L’US Army annonce en octobre 2019 vouloir revoir l’objectif de base afin d’accroître franchement la portée au-delà des 500 km. Et de futures versions sont imaginées afin de transformer toute ou partie de ces munitions en « missiles rôdeurs » (loitering munition), sorte de drones consommables aptes à mener des missions ISR et même de frapper sa cible. Il n’est pas encore dit s’il sera tiré de par les plateformes actuelles ou bien s’il impliquera le développement de nouveaux matériels.

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© US Army.

Deux vecteurs sont à développer pour la frappe stratégique. Ces capacités visent à répondre aux défis dits « A2AD » (AntiAccess/Area Denial) théorisés depuis 2003. Il s’agit de répondre aux prétentions d’une partie des acteurs d’interdire l’accès à un théâtre ou de limiter la projection de forces et de puissance sur ce même théâtre (anti-access) ou à la zone proche ou adjacente (area denial) dans l’optique d’entraver la liberté de manÅ“uvre de l’adversaire. Et l’exemple le plus cité est de pouvoir répondre aux fortifications d’îles et d’ilots des archipels des Paracels et des Spratleys par la Chine. La proposition de l’US Army consiste à pouvoir attaquer les capacités opérationnelles A2AD d’un théâtre où les bâtiments de l’US Navy ne pourraient pas suffisamment approcher : ni les croiseurs et destroyeurs porteurs de missiles de croisière, ni les groupes aériens embarqués des porte-avions.

Le premier de ces vecteurs prend la forme assez classique d’un missile : le Strategic Fires Missile dont la portée devrait être comprise entre 500 et 2250 km bénéficiera des esssais d’un démonstrateur en 2023 qui retiendra la voie du missile balistique mettant en Å“uvre un planeur hypersonique.

Mais le programme qui retient ici l’attention est le Strategic Strike Canon Artillery (SSCA) dont la portée visée doit atteindre les 1000 miles ou 1609 km. 1150 miles (1850 km) sont parfois cités.

C’est le Center for Army Analysis and the Research and Analysis Center situé au White Sands Missile Range qui doit déterminer de la faisabilité technique d’atteindre les objectifs énoncés. Des essais préliminaires sont menés au Naval Surface Warfare Center Dahlgren Division (NSWCDD), le centre qui assura les essais du démonstrateur de canon électromagnétique pour l’US Navy. Un démonstrateur du SSCA doit être présenté en 2023, ses essais détermineront s’il conviendra de passer aux étapes suivantes, du prototype jusqu’au modèle de série.

Les technologies devant être employées n’ont pas encore été précisées par les responsables du programme de l’US Army. Les munitions hypersoniques semblent investiguées dont les technologies du canon électromagnétique. La plateforme devrait être « mobile », « déplaçable » ou « relocalisable », ce qui tendrait à lui conférer une mobilité stratégique, voire opérative (au sein d’un même théâtre) mais pas tactique. Cela tendrait à condamner les technologies employant la poudre. L’exemple historique sont les recherches de l’ingénieur canadien Gerald Bull qui auraient pu culminer avec le Babylon canon de 156 mètres de longueur mais son assassinat en 1990 mis fin à ses recherches. Il s’agit aussi pour les équipes de l’Armée de Terre américaine de ne pas développer des munitions aussi coûteuses que celles du démonstrateur de canon électromagnétique de la marine américaine.

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