Les Etats-Unis ne retireront pas leurs forces du nord de la Syrie

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La situation dans le nord de la Syrie aujourd’hui est à ce point tendue que la moindre inflexion de positions engendre d’importantes variations de postures et de plans pour l’Ensemble des acteurs engagés dans ce conflit. Le Président Trump avait annoncé, par un tweet, le retrait des forces américaines du nord de la Syrie, laissant le champs libre au déclenchement d’une nouvelle opération turque contre les forces Kurdes du YPG. Mais cette annonce, visiblement non concertée, a déclenché l’ire du congrès américaine, et ce dans le camps même du président Trump.

Ainsi, coup sur coup, ce furent Liz Cheney, Marc Rubio, Lindsey Graham et l’ancienne ambassadrice aux nations unis Nikky Haley, qui firent part de leur grande désapprobation de cette décision unilatérale du président, jugée très dangereuse tant pour la sécurité de la région que pour l’image des Etats-Unis. Dans ces temps marqués par la procédure de destitution entamée par le camps Démocrate autour du scandale des pressions ukrainiennes, le Président Trump ne pouvait se permettre une rupture avec les ténors de son parti, et fit, une fois encore dans un tweet, part de sa décision d’assurer la protection des alliés kurdes face à la Turquie, si la situation l’exigeait. Quelques heures plus tard, le Pentagone signifiait que les forces spéciales américaines présentes dans le nord de la Syrie aux cotés des forces du YPG ne seraient pas retirées, mais qu’elles seraient, pour certaines, redéployées.

Rameau dolivier turquie Actualités Défense | Communication institutionnelle défense | Conflit Syrien
Les forces turques avaient déjà mené une opération militaire dans le nord de la Syrie en janvier 2018 nommée « Rameau d’Olivier »

Cependant, cette annonce ne suffira peut-être pas à dissuader le président Erdogan de déclencher l’opération qu’il prépare depuis plusieurs semaines, et au sujet de laquelle il a déjà obtenu le feu vert de Moscou et de Téhéran. En effet, le président turc, qui doit faire face à une baisse de sa popularité lui ayant déjà couté la mairie d’Istanbul, ne peut se permettre d’apparaitre contraint ou fébrile face aux menaces américaines. C’est d’autant plus vrais aujourd’hui, après la visite de Mike Pompeo à Athènes la semaine dernière pour signer un accord de Défense permettant à l’US Navy et l’US Air force d’utiliser plus de bases navales et aériennes grecques, et durant laquelle il prit ouvertement position contre les revendications turques sur le gaz chypriote. De fait, après l’élimination du programme F35 de la Turquie, et les menaces répétées du président Trump contre l’économie turque, l’opposition avec les Etats-Unis est devenue, pour le président Erdogan, une question de crédibilité en matière de politique intérieure, son argumentaire politique nationaliste étant largement centré sur le retour de la Turquie au ban des grandes nations.

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Les européens, et notamment la France, sont remarquablement peu loquaces sur cette crise syrienne, se bornant, en public, à des appels à la concertation. Ce silence médiatique a deux raisons. En premier lieu, les pays européens tentent, dans la mesure du possible, de calmer les esprits, en oeuvrant en coulisse pour maintenir le statu quo. Surtout, les capitales européennes savent qu’en cas de crise grave avec Ankara, elles pourraient voir le président turc cesser de maintenir sur son territoire la grande majorité des réfugiés syriens, créant de fait une vague de migrants vers l’Europe comparable à celle de 2015. Or, Paris, Berlin comme Rome savent qu’une nouvelle vague de ce type risquerait de faire basculer beaucoup de gouvernements européens vers le populisme et le nationalisme, avec, à terme, d’importants risques pour l’Union européenne. De fait, les européens ne peuvent, aujourd’hui, prendre ouvertement fait et cause pour les kurdes contre Ankara, tant que le président turc détiendra ce couperet au dessus des démocraties européennes.

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La Turquie abrite plus de 4 millions de réfugiés sur son sol, une menace pour la stabilité des gouvernements européens parfaitement utilisée par Ankara.

Reste qu’une opération massive de la part des forces turques dans le nord de la Syrie pourrait bien raviver des tensions dans toutes la région, déjà largement déstabilisée par les manifestations anti-gouvernementales en Irak, et l’opposition de plus en plus grande entre Jerusalem, Riyad et Téhéran. Et il faudra plus que quelques promesses pour amener Ankara à ne pas appliquer son plan. Comme toujours, la politique étrangère et le recours aux armes d’un pays sont avant tout conditionnés par des éléments de politique intérieure. C’est donc sur ce volet qu’il faudra dégager des axes de négociation avec le Président Erdogan, pour éviter ce qui pourrait bien être un second embrasement du Moyen-Orient.

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