mardi, mars 19, 2024

Moscou ouvre les vannes technologiques vers Pékin

Le Président russe Vladimir Poutine a déclaré, lors de la conférence annuelle du Valdai Discussion Club, que la Russie allait aider la Chine à concevoir un système de surveillance anti-missiles stratégiques, domaine dans lequel les ingénieurs russes ont une expertise considérable. Cette annonce ouvre, cependant, de nombreuses implications dans le domaine de la coopération technologique entre la Russie et la Chine, Moscou ayant, jusqu’ici, toujours refusé de transférer des technologies sensibles, comme celles liées à La Défense anti-missile, vers Pékin.

La Russie dispose, depuis 1971, d’un système anti-missiles balistiques qui protège les grandes métropoles du pays, comme Moscou et Saint-Petersbourg, d’attaques par missile balistique de moyenne portée ou de portée intermédiaire. Le système A-35 déployé initialement a été remplacé dans les années 90 par le système A-135. Un nouveau système, le A-235, est en cours de déploiement, et sera capable d’intercepter des cibles distantes de plus de 1.500 km à une altitude de 800 km et une vitesse dépassant Mach 20. Il sera épaulé, à courte distance (au sens balistique) par le système S-500 qui entrera en service l’année prochaine. Outre la technologie missile, les système A-135 et A-235 reposent sur un radar anti balistique spécialisé, le Don-2N, qui n’a cessé d’être modernisé depuis les années 70.

Radar antibalistique DON 2N Alliances militaires | Analyses Défense | Coopération internationale technologique Défense
L’imposante structure du radar DON-2N prés de Moscou

Le Don-2N est un système radar PESA UHF composé de 4 cotés trapézoïdaux longs de 130m et haut de 33m, offrant une surveillance à 360° sur 2000 km. Il est situé à proximité de Moscou, et son système d’information est controlé par un super calculateur Elbrus de fabrication russe. C’est cette technologie qui, semble-t-il, sera partagée avec la Chine, et l’on comprend bien à quel point elle s’avère critique pour Moscou. Car en ayant une vision approfondie du système anti-missiles qui protège Moscou, Saint-Petersbourg ou Irkoutsk, la Chine pourrait très bien developper des technologies pour s’y soustraire.

Cette déclaration est la conséquence directe du nouvel accord de coopération en matière de Défense signé entre les deux pays cet été, accord qui étend sensiblement, dans son contenu, la portée de cette coopération qui, jusqu’ici, était limitée à des échanges et des exportations de systèmes d’arme. Désormais, outre une coopération technologique très renforcée, les forces russes et chinoises procéderont régulièrement à des exercices bi ou multilatéraux, comme ce fut le cas lors de l’exercice Tzcentr 2019, ou lors du raid stratégique mené conjointement par des Tu-95 russes et des H-6 chinois en mer de Chine et autour du Japon, il y a deux mois.

A135 silos Alliances militaires | Analyses Défense | Coopération internationale technologique Défense
Les Silos de missiles anti-balistiques du système A-135 qui protège aujourd’hui Moscou

Cette collaboration renforcée peut rapidement s’avérer problématique pour l’occident, et pour l’Europe. En effet, aujourd’hui, les deux pays ont développé des compétences de haut niveau dans certains domaines, mais ont des défaillances critiques d’en d’autres, laissant une marge technologique confortable à l’occident pour pallier l’écart numérique de force par son avance technologique homogène. Or, si la Chine, ses capacités en matière de technologie numérique et digitale et sa puissance industrielle et économique, venait à collaborer de manière très étroite avec la Russie, qui dispose de savoir-faites uniques en matière de moteur d’aéronefs, de blindage et de missiles, et d’importantes réserves de matière première, l’avantage technologique mais également économique de l’occident pourrait rapidement s’étioler, pour ne laisser place qu’à un rapport de force numérique défavorable ….

Il semble désormais urgent pour les européens de trouver une posture permettant de renouer un dialogue constructif avec Moscou, tant que la population russe continue de se percevoir plus européenne qu’asiatique, de sorte à redéfinir un contrat d’entente et de collaboration avec la Russie. Faute de quoi, le retour à une opposition de bloc semble se dessiner rapidement. Cette nouvelle posture ne peut passer que par un important renforcement des capacités de Défense des pays européens, condition indispensable pour renouer un dialogue constructif avec le Kremlin sans interférence de Washington, tout en laissant à ce dernier l’opportunité de concentrer ses moyens afin de contenir la puissance chinoise. Plutôt que de se demander comment résoudre l’équation du double-front, il serait peut-être préférable d’étudier celle qui permettrait à la Russie de revenir vers l’Europe ?

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