Le SCAF est-il dans la TempĂȘte ?

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Alors que l’Italie a annoncĂ© rejoindre le programme d’avions de combat de nouvelle gĂ©nĂ©ration Britannique Tempest il y a quelques jours, le PdG de Dassault Aviation, Eric Trappier, a fait part de ses inquiĂ©tudes concernant les tergiversations et divergences qui sont apparues entre Paris et Berlin au sujet du programme SCAF, en mettant en garde contre un report excessif de la signature du contrat consacrant le developpement du dĂ©monstrateur, prĂ©vu pour voler en 2026. Et le programme franco-allemand rejoint par Madrid, qui faisait preuve de tant d’assurance il y a peu, et qui n’hĂ©sitait pas Ă  dĂ©nigrer publiquement le programme Tempest, se retrouve dĂ©sormais dans une situation inconfortable, pour ne pas dire prĂ©occupante.

En effet, les tergiversations allemandes, puisque prĂ©sentĂ©es ainsi, reposent sur plusieurs aspects stratĂ©giques et dimensionnant du programme, comme le partage industriel, le mode de financement du programme, son contrĂŽle parlementaire, la politique d’exportation et mĂȘme certains axes technologiques. Autant dire que le programme SCAF, en dehors de l’Ă©tude prĂ©alable financĂ©e en dĂ©but d’annĂ©e, n’a pas avancĂ© d’un pouce, certains aspects stratĂ©giques, comme la capacitĂ© nuclĂ©aire ou navale du systĂšme, n’ayant pas mĂȘme fait l’objet d’un accord ferme entre Paris et Berlin. Ces divergences sont exacerbĂ©es par celles liĂ©es au programme de char de combat de nouvelle gĂ©nĂ©ration franco-allemand MGCS, au sujet duquel le groupe allemand Rheinmetall mĂšne une offensive politico-mĂ©diatique au Bundestag pour tenter d’obtenir un contrĂŽle majoritaire du programme, au dĂ©triment de la paritĂ© stricte issue de l’association Nexter- Krauss Maffei Wegman dans le groupe KNDS.

Ces divergences, sommes toutes largement prĂ©visibles puisqu’identiques Ă  celles qui firent capoter tant de programmes do coopĂ©ration en Europe, sont en outre renforcĂ©e par une mĂ©fiance rĂ©ciproque entre les deux BITD, les français jugeant les allemands focalisĂ©s sur les aspects commerciaux et financiers au dĂ©triment des performances opĂ©rationnelles, les allemands estimant que les français cherchent Ă  s’accaparer l’ensemble du programme, ne laissant Ă  l’Allemagne que le rĂŽle de banquier. Quand au Tempest, que le ralliement de la SuĂšde, puis de l’Italie, ne fait que crĂ©dibiliser, il apparait de plus en plus comme une alternative crĂ©dible pour Berlin, et notamment pour le Bundestag, si Paris venait Ă  ne pas prendre en considĂ©ration ses exigences.

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Maquette du SCAF Actualités Défense | Allemagne | Aviation de chasse
Le SCAF lors de la présentation de la maquette au salon du Bourget 2019

Pourtant, le Tempest ne constitue nullement une alternative au SCAF, puisqu’il en reprend les paradigmes, et la structure, l’interdĂ©pendance arbitraire au MGCS et Ă  l’Eurodrone en moins. Comme ce dernier, il reprĂ©sentera le seul developpement d’appareils de combat pour ses participants entre 2020 et 2050, et engendrera, dĂšs lors, les mĂȘmes problĂšmes de partage industriel, comme d’exportation et de controle budgĂ©taire, chaque pays souhaitant prĂ©server sa propre BITD. En outre, deux des membres du programme sont Ă©quipĂ©s de F35, ce qui peut crĂ©er un dĂ©sĂ©quilibre dans les objectifs et missions attribuĂ©s au Tempest, vis-Ă -vis d’un pays n’Ă©tant dotĂ© que de Typhoon, comme l’Allemagne, ou l’Espagne, une fois les Tornado et F18 retirĂ©s du service. A contrario, cela permettrait Ă  la France de pleinement exploiter sa propre BITD, sans notions de partage industriel complexe, mais limiterait le volume d’appareils Ă  construire, et ferait porter intĂ©gralement les couts de developpement et de fabrication sur les finances publiques françaises, notion que l’on sait ne pas ĂȘtre pertinente, mais qui est toutefois largement mise en avant.

Les obstacles autour des programmes SCAF et TEMPEST sont malheureusement les mĂȘmes que lors de l’entame des programmes, et le resteront tant que les questions de fond n’auront pas Ă©tĂ© traitĂ©es avec courage et clairvoyance, Ă  savoir l’incompatibilitĂ© entre le nombre d’acteurs europĂ©ens, et la masse de travail Ă  fournir pour concevoir un nouvel avion de combat. De fait, la division en deux programmes est tout simplement indispensable aujourd’hui Ă  la prĂ©servation des savoir-faire rĂ©pliquĂ©s entre les pays, qui alignent 4 intĂ©grateurs, 3 motoristes, 8 dĂ©veloppeurs de systĂšmes embarquĂ©s et 5 fabricants de systĂšmes d’armes … En revanche, en dĂ©veloppant deux appareils identiques, Ă  savoir des bimoteurs de classe 25/30 tonnes furtifs de 6Ăšme gĂ©nĂ©ration, les deux programmes se cannibalisent l’un l’autre, rĂ©duisant les volumes domestiques adressable et les potentiels d’exportation, augmentant les prix unitaires des 2 appareils. Et comme cela a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© dit, aucun des deux programmes ne pourra revendiquer le titre de programme europĂ©en, puisque leur prix les mettront hors de portĂ© de plus de la moitiĂ© des membres de l’union…

Vue dartiste du programme davion de 5eme generation TFX turc Actualités Défense | Allemagne | Aviation de chasse
La Conception d’une gamme complĂ©mentaire d’appareils constitue la seule alternative positive aux deux programmes europĂ©ens. Si les europĂ©ens ne le font pas, d’autres le feront, comme la Turquie.

On ne le rĂ©pĂ©tera jamais assez, la seule alternative aujourd’hui, pour sortir par le haut de cette tempĂȘte, repose sur la transformation des programmes SCAF et Tempest en un programme de Programmes, pour concevoir et fabriquer non pas un appareil ayant deux noms diffĂ©rents, mais 3 appareils diffĂ©rents, Ă  savoir un chasseur lĂ©ger monomoteur, un chasseur moyen embarquĂ©, et un chasseur lourd de superioritĂ© aĂ©rienne , ainsi que de drones de combat, sur une durĂ©e de 35 annĂ©es, avec un tuilage technologique renforcĂ©. Non seulement cette approche permettrait d’intĂ©grer les 6 grandes BITD aĂ©ronautiques europĂ©ennes sans impasse technologique imposĂ©e, mais fournirait une gamme d’appareils complĂ©mentaires permettant un positionnement Ă©tendu sur les marchĂ©s exports, l’optimisation des prix des appareils et donc des formats de forces aĂ©riennes europĂ©ennes et alliĂ©es, le tout dans une planification rĂ©cursive sur 35 annĂ©es, de sorte Ă  dĂ©velopper les savoir-faire et la coopĂ©ration europĂ©enne sur le long terme dans une dynamique positive.

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Surtout, une telle approche ne couterait pas plus cher aux finances publiques, au sens ou l’on ne prend en considĂ©ration que les sommes investies par les Etats, que la somme des investissements consentis par l’ensemble des partenaires des programmes SCAF et Tempest.

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