Le retour des doctrines de Défense des années 50 est-il en cours ?

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Dans une vidéo publiée par le site Defensenews.com, le sous-secrétaire américain à La Défense en charge de la R&D, Michael Griffin, s’interroge sur l’utilité du porte-avions dans les conflits à venir, face à l’entrée en service de missiles balistiques hypersoniques précis, plus particulièrement le DF26 chinois. Il met également en balance le prix d’un porte-avions nucléaire de la classe Ford et celui de 2000 missiles hypersoniques de moyenne portée à charge conventionnelle, sensiblement égal, alors que, selon lui, le président chinois Xi Jinping se sentira bien plus menacé par ces 2000 missiles que par le déploiement d’un porte-avions US. Ces déclarations couvrent 2 questions cruciales, qu’il est interessant d’étudier avec méthode.

En premier lieu, le choix de la référence au missile hypersonique à charge conventionnelle n’est pas anodin. Contrairement aux missiles balistiques traditionnels, les nouveaux missiles comme le DF26 chinois ou le Kinzhal russe remplacent la puissance destructrice de la charge nucléaire par une précision largement accrue. De fait, la capacité tactique du missile reste la même, puisque capable d’éliminer un bâtiment comme un porte-avions, sans avoir à franchir le seuil nucléaire, et donc sans s’exposer à une riposte stratégique. Et en possédant de tels missiles face à un adversaire qui en est dépourvu pour l’heure, Moscou et Pekin s’assurent de disposer de l’initiative stratégique sur leurs théâtres d’opération. On comprend dès lors pourquoi les Etats-Unis déploient autant d’énergies pour s’en doter, comme pour s’en prémunir, le plus vite possible. Notons également que les interrogations sur la précision supposée du DF26 ne semblent plus se poser dorénavant, alors qu’elles étaient encore d’actualité il y a moins d’un an.

DF26 missile Analyses Défense | Armes et missiles hypersoniques | Etats-Unis
Le système balistique à moyenne portée chinois DF26 serait capable de frapper un porte-avions à la mer

En second lieu, on constate que la doctrine proposée par Michael Griffin n’est pas sans rappeler celle qui avait cours au début des années 50, et qui reposait sur la prédominance des armes balistiques sur l’ensemble des théâtres. A cette époque, nombreux étaient les officiels du Pentagone à soutenir que les guerres à venir n’engageraient que des missiles balistiques, bombardiers stratégiques, missiles anti-aériens et intercepteurs, et firent évoluer l’outil de défense américain en conséquence. C’est pour ces raisons que les Etats-Unis se retrouvèrent avec une flotte de porte-avions obsolète, des chasseurs bombardiers très vulnérables et aucun programme de chars comparables aux T55 ou T64 russes au début de la guerre du Vietnam. De fait, l’US Navy dut, en urgence, moderniser des coques de porte-avions datant de la fin de la seconde guerre mondiale comme le Midway, l’US Air Force fut contrainte d’acheter des chasseurs embarqués F4 et des avions d’attaques A7 développés par l’US Navy pour remplacer ses appareils de la série centuries, dont le F104 starfighter et le F105 Thunderchief, d’une totale inefficacité face aux chasseurs Mig 17/19/21 nord vietnamiens, et que l’US Army dut développer en moins de une année le char M60.

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Sous couvert d’arbitrages budgétaires, Michael Griffin compare en effet deux systèmes d’armes n’ayant pas la même finalité, ni la même temporalité. Les missiles moyenne portée sont des armes de dissuasion et de premières frappes, destinées à éliminer les infrastructures de l’adversaire durant les premières heures du conflit. Ce sont des armes à usage unique là ou le porte-avions, en revanche, est avant tout une arme de soutien dans la durée, comme la force aérienne, capable de mener des missions tout au long du conflit.

USS Midway Analyses Défense | Armes et missiles hypersoniques | Etats-Unis
Le porte-avions USS Midway a été doté d’un pont incliné et de catapultes supplémentaires pour faire face aux besoins de la guerre aérienne moderne au Vietnam.

Certes, pendant plusieurs décennies, le porte-avions fut également employé en arme de première frappe, avec une capacité d’entrer en premier largement mise en avant, et cette capacité est aujourd’hui compromise, que ce soit par les systèmes de défense anti-aérienne modernes, que par l’efficacité accrue retrouvée des missiles balistiques à charge conventionnelle. Mais cela n’obère pas le fait que le porte-avions reste l’arme de prédilection pour exploiter l’avantage tactique une fois les premières frappes effectuées, comme le char reste indispensable pour créer la rupture au sol, et les hélicoptères de combat et avions de soutien rapproché restent indispensables à l’appui feu des forces au sol. Ce n’est pas le porte-avions, ni le char, qu’il convient d’éliminer au profit de nouveaux systèmes, c’est l’emploi que l’on en fait qui, aujourd’hui, se doit d’évoluer pour répondre aux enjeux et à l’environnement dans lesquels ils évoluent.

Pour s’en convaincre, il suffit d’observer la construction de la puissance navale chinoise, qui inclut simultanément des croiseurs Type 055, bientôt équipés de Rail Gun, destinés à éliminer les défenses initiales de l’adversaire, et des porte-avions, mettant en oeuvre des chasseurs lourds polyvalents, pour assurer La Défense aérienne et anti-navire longue distance, et le soutien des forces débarquées.

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Le Porte avions Liaoning avec des J15 et un Z8 sur le pont Analyses Défense | Armes et missiles hypersoniques | Etats-Unis
La Chine ne se prive pas de la puissance multi-domaine et de la versatilité qu’apportent les porte-avions. Elle disposera de 6 porte-avions, dont 4 CATOBAR et probablement 2 à propulsion nucléaire, en 2030.

Peut-être n’est il pas nécessaire de posséder 12 porte-avions nucléaires aujourd’hui pour l’US Navy, et peut-être est-il préférable en effet de « sacrifier » un de ces porte-avions au profit d’une dotation importante de missiles de première frappe. Mais le porte-avions restera, sans le moindre doute, la pièce maitresse du dispositif naval des grandes marines mondiales, celles qui peuvent soutenir une action dans la durée.

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