À la veille d’une nouvelle course aux armements stratégiques ?

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Dans le contexte actuel de réarmement massif des principales puissances mondiales, les déclarations du Conseiller à la sécurité nationale des États-Unis, John Bolton, sont attentivement analysées en Russie. Ce proche collaborateur du Président Donald Trump est en effet connu comme une des personnes les plus influentes au sein de la Maison Blanche. Partisan d’une ligne politique intransigeante sur la scène internationale, ce politicien est également l’une des figures clés derrière la sortie des États Unis de l’accord sur le nucléaire iranien en mai 2018.

Lors du G20 de Tokyo le 27 juin 2019 la presse russe a accueilli avec inquiétude la déclaration du « néoconservateur » au sujet du traité New Start de réduction des armes stratégiques (2010), le responsable américain le qualifiant de « vicié ». Opposant de longue date aux traités de contrôle des armements souscrits par les États Unis, le politicien précise que selon lui New Start a peu de chances d’être reconduit au-delà de sa date d’expiration en 2021[efn_note]Болтон сомневается в продлении договора о наступательных вооружениях, consulté le 7 août 2019.[/efn_note]. Cette intervention peu anodine, au vu de la décision des États-Unis de sortir du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI, 1987) le 2 août 2019, est une démonstration supplémentaire d’un changement d’époque. La nouvelle ère multipolaire se matérialisant, entre autres, par la liquidation des accords de contrôle des armements stratégiques souscrits pendant et peu après la fin de la Guerre froide.

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Des traités de contrôle des armements stratégiques affaiblis par une accumulation de rancunes

Ces développements sont d’autant plus complexes à interpréter que les postures médiatiques des Américains et des Russes sont largement malhonnêtes et que la tendance actuelle a pour origine des évènements plus anciens. Ainsi, la sortie unilatérale en 2001 des États-Unis du traité antimissile balistique (ABM, 1972), sous prétexte de la nécessité de se défendre contre des États tels que la Corée du Nord ou l’Iran, a créé un malaise sensible du côté russe. Le Président Poutine ayant ordonné en réaction le développement de nouveaux vecteurs capables de surpasser le système de défense balistique américain afin de rétablir l’équilibre de la dissuasion[efn_note]Russia’s Nuclear Weapons Buildup Is Aimed at Beating U.S. Missile Defenses | The National Interest, consulté le 8 août 2019.[/efn_note].

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La signature du traité SORT de désarmement stratégique en 2002 a cependant permis de sauver les apparences pendant quelque temps, même si les spécialistes des armements stratégiques ont souligné l’absence de mécanisme de vérification de l’implémentation des objectifs de l’accord. Quoi qu’il en soit, la réduction du nombre de têtes nucléaires déployées à une fourchette comprise entre 2200 et 1700 a été réalisée. En revanche la façon d’y parvenir a suscité des tensions, les Américains pouvant du fait des spécificités techniques de leurs lanceurs réduire le nombre de modules contenants les ogives sans altérer substantiellement le nombre de vecteurs. Cette particularité permet aux États-Unis de multiplier très rapidement le nombre de têtes nucléaires déployées en complétant les modules sur leurs lanceurs, comme par exemple sur le missile balistique intercontinental (MBI) « Minutmen III » ou encore sur le MSBS « Trident II D5 ». La Russie dispose également d’un « potentiel de retour » surtout concentré dans les missiles mer-sol balistiques stratégiques (MSBS). Ce potentiel est cependant bien plus faible ce qui a contraint Moscou à détruire des vecteurs afin de respecter les traités Start, puis à investir dans de nouveaux lanceurs de remplacement, ce qui constitue un résultat assez paradoxal pour un accord de désarmement[efn_note]Сокращениедоговора: какоебудущееждетсоглашениеоСНВ| Статьи| Известия, consulté le 10 août 2019.[/efn_note].

Depuis son annonce le projet américain d’installer leur système antibalistique en Europe impacte négativement les relations entre les deux pays[efn_note]« La saga du bouclier antimissile de l’OTAN », Le Monde.fr, p.[/efn_note], la guerre de Géorgie en 2008 n’aidant pas à une meilleure compréhension mutuelle. Pour autant, sous la présidence Obama et Medvedev les deux parties parviennent à un relatif compromis ce qui s’illustre par la conclusion en 2010 du traité New Start prévoyant de limiter à 700 le nombre de lanceurs nucléaires stratégiques déployés et à 1 550 le nombre de têtes nucléaires déployées sur ces lanceurs. 

Le répit est néanmoins de courte durée, la révolution en Ukraine, que les Russes expliquent commodément par la politique de « regime change » instiguée par Washington, vient mettre un terme au « reset » voulu par Obama. À l’annexion russe de la Crimée et à l’invasion du Donbass suivent les sanctions américaines et l’intervention de Moscou en Syrie. La dégradation des relations bilatérales finit par se traduire en 2017 par des violations réciproques des engagements pris dans le cadre du traité ciel ouvert, les Russes limitant la possibilité pour les Américains de survoler l’enclave de Kaliningrad ce à quoi Washington répond en interdisant aux avions russes l’accès à l’Alaska et à Hawaï[[efn_note]Ciel ouvert : Moscou limite l’accès des avions US, consulté le 10 août 2019.[/efn_note][efn_note]Trump signe un projet de loi sur la défense suspendant le financement du Traité Ciel ouvert, consulté le 10 août 2019.[/efn_note] .

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9M729 Analyses Défense | Armes nucléaires | Armes stratégiques
Missile 9M729 « Novator » pouvant emporter des charges nucléaires et conventionnelles dont la portée serait comprise entre 500 et 5.500 km, ce qui est interdit par le traité FNI

Aujourd’hui, malgré les apparences et les accusations médiatiques réciproques, la sortie des États-Unis du FNI ne démontre pas que la Russie y était particulièrement attachée, les officiels Russes reconnaissant que ce traité ne leur convenait plus depuis des années, notamment à la suite du lancement du projet d’installation du système antibalistique américain en Europe[efn_note]РСМД :: Россия — США: на пороге новой гонки ядерных вооружений, consulté le 7 août 2019[/efn_note]. Du côté américain l’argument de la violation par la Russie du traité FNI par le biais du déploiement des missiles de croisière 9М729[efn_note]« Washington et Moscou sortent du traité FNI sur les missiles nucléaires intermédiaires »,Le Monde.fr, p[/efn_note], bien que probablement fondé, n’est qu’une des raisons de la sortie de l’accord. 

Derrière des accusations mutuelles, il est possible d’entrevoir les multiples paramètres conduisant à l’abandon des mécanismes de contrôle. Tout d’abord, les anciens traités sont le fruit d’une situation géopolitique et technologique révolue, ils ne répondent plus aux aspirations des deux puissances nucléaires historiques et surtout ne sont pas adaptés à un monde multipolaire. À la vue de cette nouvelle donne, certains commentateurs russes affirment que l’avenir du New Start est compromis[efn_note]Без повестки, consulté le 10 août 2019[/efn_note], même si un certain espoir subsiste si les grandes puissances nucléaires parviennent à le transformer. 

New Start : un traité de contrôle des armements stratégiques dépassé

Les évolutions technologiques et les rancunes réciproques se sont traduites par la violation des accords à plus ou moins grande échelle et par le développement de systèmes d’armes que ces traités ne régulent pas. 

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C’est précisément l’option qui fut retenue par le gouvernement russe et qui a donnée lieu en 2018 à la présentation d’armements dits de « rupture » par le Président. En effet, face à la contrainte budgétaire d’un État dont le PIB se situe entre celui de l’Espagne et de l’Italie[efn_note]Russie – PIB ($ US courant) | Statistiques, consulté le 10 août 2019.[/efn_note], Moscou a privilégié des investissements dans des matériels leur permettant de surpasser l’ennemie sans dépenser des montants faramineux, notamment, en recyclant des programmes soviétiques. 

Dans le domaine des vecteurs, la rupture est provoquée par des armements tels que le système hypersonique « Avangard », le MBI « Sarmat », la torpille/drone sous-marin à propulsion nucléaire « Poséidon », le missile aéroporté hypersonique « Kinjal », le MSBS « Boulava », ou encore le missile « Kalibr ». D’après les sources russes, ces nouvelles armes seraient capables de déjouer n’importe quel système antibalistique existant, rendant ainsi caduque la protection antibalistique de l’OTAN et des États-Unis[efn_note]Герман Иоилев, Россия готовится к ядерной войне, consulté le 10 août 2019[/efn_note]. Il est à noter que certains commentateurs doutent de la faisabilité technique des vecteurs les plus extravagants comme le missile à propulsion nucléaire présentés par le chef d’État russe. 

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Le Kinjal est un missile aérobalistique air-sol hypersonique à haute précision d’une portée déclarée de 2000 km.

Du côté des armements nucléaires russes, ce sont les ogives à faible puissance qui sont la source des préoccupations des Occidentaux. Selon les Américaines, Moscou dispose d’environ 2000 ogives tactiques d’une très grande variété[12][efn_note]« Nuclear Posture Review: Final Repport 2018.pdf »[/efn_note] pouvant être délivrées notamment avec les nouveaux vecteurs de rupture tels que l’Iskander, le « Kinjal » ou le « Kalibr ». Le caractère non stratégique de ces ogives inquiète d’autant plus qu’il est difficile d’identifier avec certitude dans quelles circonstances la Russie pourrait employer ces charges, ce qui efface les limites entre les différents types d’armes nucléaires et pourrait provoquer une escalade. L’ancien Secrétaire à la Défense des États-Unis, John Mattis, affirmait même en 2018 que la distinction entre armes nucléaires stratégiques et non stratégiques serait un « non-sens »[efn_note]Проблематактическогоядерногооружия: договоровнетипоканебудет, consulté le 10 août 2019.[/efn_note]. Le développement par la Russie de nombreuses armes nucléaires tactiques violant les Initiatives nucléaires présidentielles (1991) doit néanmoins être mis en perspective avec la possession par les Américains de charges nucléaires réglables, d’avions multirôles et de missiles de croisière lancés depuis la mer[efn_note]Facon Isabelle et Tertrais Bruno, « Les armes nucléaires « tactiques » et la sécurité de l’Europe », p. 64.[/efn_note] dont les possibilités brouillent la distinction entre tactique et stratégique[efn_note]Alexis Baconnet, « Nuclear Posture Review 2018 La dissuasion nucléaire en dormition ? »[/efn_note].

Enfin, il est à noter également que sur le plan des armements conventionnels, les Russes ont adopté une posture pragmatique qui leur a permis d’effectuer un réarmement d’ampleur à moindre coût. Conscients de l’impossibilité de produire des matériels hautement sophistiqués en grande quantité, du fait de leurs coûts élevés, les décideurs moscovites ont choisi de moderniser massivement des modèles anciens tout en reprenant le développement des programmes soviétiques les plus prometteurs. En pratique cela se traduit notamment par une modernisation à grande échelle de chars T72B3M et T80BVM tout en démarrant la production à plus petite échelle des chars de combat «T14 Armata ». Est également à noter l’effort entrepris dans le domaine du déni d’accès par la conception des systèmes antiaériens S400 et du S500, ses derniers pouvant aussi être utilisés comme des armes antibalistiques. La même logique est observable avec l’introduction progressive des Su-57 tout en maintenant une fabrication importante d’avions de génération antérieure mais modernisés, comme le Su35s ou le Su34[efn_note]« The Military Balance 2018 »[/efn_note]. 

La réaction américaine : une nouvelle course aux armements

Face au réarmement massif de la Russie aussi bien sur le plan nucléaire que conventionnel, mais également en réaction à la croissance rapide de la puissance militaire de la Chine, les États-Unis ont adopté en 2018 une nouvelle Nuclear posture review[efn_note]« Nuclear Posture Review: Final Repport 2018.pdf »,op. cit.[/efn_note]. Ce document de doctrine, reflétant la vision géopolitique en matière d’armement stratégique de l’administration Trump, annonce la volonté des États-Unis de développer des capacités semblables à celle des Russes et la modernisation de la totalité des moyens composant la triade nucléaire. Estimé à environ 500 milliards de dollars sur une période de 10 ans allant de 2019 à 2028[efn_note]« Projected Costs of U.S. Nuclear Forces, 2019 to 2028 », 2019p. 12.[/efn_note], ce plan ambitieux vise également à contrebalancer la croissance des moyens nucléaires de la Chine. Bien que constituant une rupture, les nouveaux armements russes ne peuvent à eux seuls inverser l’équilibre stratégique globale face aux États-Unis, ils posent en revanche un grave problème sécuritaire pour l’Europe. En effet, selon la majorité des observateurs le comportement américain est bien plus conditionné par sa rivalité avec Pékin que par la peur d’être surpassé militairement par la Russie. 

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Le Terminal High Altitude Area Defense est un système de missiles antibalistiques américain, en service depuis 2008

La problématique du monde multipolaire : le facteur chinois

Car en matière de communication malhonnête sur son arsenal nucléaire et ses armements stratégiques Pékin n’est pas en reste par rapport aux deux grandes puissances nucléaires historiques. Les Chinois ont décidé d’exploiter leur retard pour en faire une force dans le champ médiatique. Plus précisément, tout en maintenant une doctrine d’emploi des armes nucléaires purement défensive[efn_note]« 8 éléments clefs du nouveau livre blanc sur la défense chinoise – Meta-Defense.fr ».[/efn_note], la Chine s’est lancée dans un vaste programme de modernisation dont l’opacité est quasi-totale[efn_note]Schneider Mark B., Why You Should Fear China’s Nuclear Weapons, consulté le 10 août 2019.[/efn_note]. Or, si l’arsenal nucléaire stratégique chinois est relativement petit (environ 300 ogives), ses stocks de plutonium et d’uranium en 2011 mettent en lumière des capacités de production très importantes, lui permettant de créer au moins 600 têtes nucléaires[efn_note]Zajec Olivier, Combien de têtes nucléaires en Chine ?, consulté le 10 août 2019[/efn_note]. La communication chinoise se contente de minimiser la portée de son programme d’armements stratégiques en soulignant constamment que son arsenal est très loin de ceux des États-Unis et de la Russie. En pratique Pékin s’est déjà dotée de nouveaux MBI mobiles, de MBI (DF-31 et DF-31A) lancés depuis des silos ainsi que de MSBS[efn_note]Missile Stratégique Balistique lancés de Sous-marins[/efn_note] (JL-2). Pékin a également déployé le DF-26, un missile balistique à portée intermédiaire (IRBM) capable d’emporter des charges nucléaires et de viser aussi bien des cibles terrestres que navales même mobiles avec une grande précision. En parallèle, a été initié le développement du bombardier stratégique H-20 pouvant transporter des charges nucléaires ce qui conférera aux Chinois, à l’instar des russes et américains, une triade nucléaire complète. Les scientifiques chinois travaillent également à la création de projectiles hypersoniques tels que le DF-17, pendant de l’Avangard russe, ce dernier devant être opérationnel d’ici à 2020. Enfin, tout comme la Russie, l’Empire du Milieu critique avec assiduité le programme antibalistique américain, et tout comme la Russie il mène un accroissement intensif de ses propres moyens dans ce domaine[efn_note]Schneider Mark B., « Why You Should Fear China’s Nuclear Weapons », op. cit.[/efn_note].

La priorité des Chinois est cependant la fabrication d’armes nucléaires tactiques de nouvelle génération afin de doter leurs vecteurs de capacités de destruction plus substantielles. D’après l’article de The Hill, afin d’accroître ses capacités dans ce domaine, Pékin aurait mené cinq fois plus de tests nucléaires que les États-Unis entre 2014 et 2017[efn_note]Lejeune Tristan, China pushing new generation of nuclear weapons: report, consulté le 10 août 2019[/efn_note].

La croissance de la puissance militaire chinoise complexifie ainsi la donne en transformant un système de contrôle des armements stratégiques bipartite en un système tripartite. Cette évolution impliquant de facto un potentiel déséquilibre des forces en cas d’une alliance entre deux États contre le troisième[efn_note]JrAndrew F. Krepinevich, « The Eroding Balance of Terror », p.[/efn_note]. Il est à souligné que la croissance rapide de l’économie indienne[efn_note]« L’Inde, une superpuissance… en puissance » », Le Monde.fr, p.[/efn_note], ainsi que sa rivalité avec le Pakistan et dans une moindre mesure la Chine, ne facilitera pas le contrôle des armements stratégiques au fur et à mesure de l’essor de la puissance militaire indienne. 

Vers un monde sans traités de contrôle des armements stratégiques

Ces évolutions posent un problème mortel pour les traités de contrôle des armements stratégiques. Tout d’abord, les différends Russo-Américains démontrent le besoin d’un dialogue honnête et volontaire sur ce sujet. Cependant, le facteur chinois vient déstabiliser davantage un système déjà à bout de souffle. L’ascension progressive de puissances telles que l’Inde ou le Pakistan, et dans une moindre mesure de l’Iran ou de la Corée du Nord, soulève encore plus la nécessité d’une remise à plat de la réglementation internationale en matière d’armements stratégiques entre Washington, Pékin et Moscou. 

Or, aucune des parties ne semble décidée à l’heure actuelle à faire preuve de retenue. La Chine a exploité habilement les tensions entre Washington, Pyongyang, Téhéran et Moscou afin d’initier la création d’un arsenal d’armes stratégiques et tactiques à la hauteur de ses ambitions et ne semble pas prête à s’asseoir à la table des négociations pour en discuter. 

En Russie les médias proches du Kremlin soulignent le statut retrouvé de Moscou sur la scène internationale en appuyant leur opinion par la volonté de Donald Trump d’entamer des pourparlers afin de mettre en place un nouvel accord sur les armements stratégiques[efn_note]СигналРоссии: СШАхотятновыйдоговоровооружениях,  consulté le 10 août 2019[/efn_note]. La presse moins alignée ainsi que certains experts expriment quant à eux leur inquiétude. Ils soulignent que la Russie ne peut pas se permettre une course aux armements au vu de la faiblesse de son économie, des difficultés structurelles et financières de son complexe militaro-industriel, mais aussi du fait des problèmes rencontrés dans le cadre du remplacement des produits hautement technologiques importés jusque-là d’ occident[efn_note]АлександрГольц: Напорогегонкивооружений| Советповнешнейиобороннойполитике, consulté le 10 août 2019[/efn_note]. Les déclarations des officiels russes reflètent d’ailleurs ce paradoxe entre propagande et vision plus réaliste de la situation. Vladimir Poutine oscille ainsi entre des propos offensifs, notamment à la veille du G20 lorsqu’il affirme que la Russie peut se passer d’une reconduction du traité New Start[efn_note]ПутинпредложилнепродлеватьдоговорСНВ-3, consulté le 11 août 2019.[/efn_note], et des prises de position plus prudentes après sa rencontre avec le Président Donald Trump. Il évoque en effet à cette occasion le danger d’un monde sans mécanisme de contrôle et de régulation des armements stratégiques[efn_note]ПутиноценилперспективыпродленияСНВ-3, l, consulté le 11 août 2019[/efn_note].

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Planeur hypersonique chinois DF-17

Enfin, les États-Unis souhaitent, quant à eux, conserver leur position internationale privilégiée à tout prix et sont visiblement prêts à s’engager dans une nouvelle course aux armements à défaut d’obtenir un accord avec la Russie et la Chine.  Par ailleurs, la nécessité de développer des vecteurs à portée intermédiaire hypersoniques est manifestement une priorité pour Washington afin de contenir ses rivaux régionaux et globaux. Ainsi, les décideurs de la Maison-Blanche ne voient pas d’intérêt à reconduire des traités qui de facto ne régulent plus les aspects principaux relatifs aux armements stratégiques et surtout qui ne s’imposent pas à la Chine.

Quoi qu’il en soit, la relative quiétude des capitales européennes est tout simplement surprenante. Certes, la France a initié une reconstitution de ses capacités militaires avec la LPM 2019-2025. Sur un budget total de 37 milliards d’euros alloués à la dissuasion, des investissements substantiels seront réservés pour le renouvellement des deux composantes, océanique et aéroportée, de la dissuasion nucléaire[efn_note]Projet de Loi de programmation militaire 2019-2025 : « Une LPM de renouveau », consulté le 11 août 2019.[/efn_note]. Pour autant, face à la dégradation du contexte sécuritaire global, ces fonds semblent dérisoires, ce qui pose la question d’une éventuelle réponse européenne à ces défis. La prise de conscience indispensable à une telle initiative collective est néanmoins loin d’être acquise au vu de la décision de Berlin d’annuler la trajectoire financière visant à porter le budget de la défense à 2% du PIB allemand. 

Ainsi, la problématique de la reconduction du traité New Start en 2021, bien qu’importante, ne peut plus être envisagée sans inclure les nouveaux vecteurs et les armes nucléaires tactiques. Une reconduction temporaire du traité de 5 ans, comme prévu dans les textes, pourrait accorder un répit salvateur d’autant plus que de nouvelles administrations seront probablement en place à Moscou et à Washington en 2026.  L’inclusion d’autres puissances nucléaires dans les négociations apparait également comme indispensable afin d’éviter une course aux armements tout azimut. Or, c’est précisément vers cet avenir peu enviable que nous semblons nous diriger. 


Oleg Lypko – Analyste Russie et CEI

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