Péril sur la coopération industrielle franco-allemande : le Bundestag à l’offensive

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Objet de virulentes critiques outre Rhin, le partage industriel franco-allemand autour du char de combat du futur – le Main Ground Combat Vehicle (MGCS) – est remis en cause par certains parlementaires allemands qui n’hésitent pas à faire pression sur Berlin pour stopper toute négociation avec la France. Profonde source d’inquiétude pour le gouvernement français, la mise en péril de ce programme impacterait directement la viabilité du Système de Combat Aérien Futur (SCAF), un projet essentiel au renforcement de la défense européenne.

L’accord politique franco-allemand sur le SCAF et le MGCS prévoyait une répartition équitable pour les industriels de part et d’autre du Rhin : pour la France, le leadership sur le programme aérien – avec Dassault en maître d’oeuvre pour la réalisation du New Generation Fighter (NGF) – et pour l’Allemagne, la main haute sur le programme terrestre via l’entreprise KNDS, cette dernière réunissant le français Nexter et l’allemand KMW. Le socle commun de ce partage était dès lors fondé sur l’idée d’une distribution équilibrée. Or force est de constater que la mise en œuvre de cet accord s’avère plus que difficile, les racines de cet imbroglio qui n’en finit plus étant à chercher côté allemand.

En effet, la proposition des autorités franco-allemandes d’un partage à hauteur de 50 % pour Nexter, 25 % pour KMW et 25 % pour Rheinmetall, a été refusé par ce dernier. Menant dès lors un lobbying actif au sein du Bundestag, l’industriel rhénan est parvenu à convaincre une partie des députés allemands que KNDS ne portait pas suffisamment la part allemande au sein du MGCS. Ces derniers ont alors intimé au gouvernement allemand de « cesser toute négociation avec la France au sujet des futurs programmes communs, en matière aérienne et terrestre, tant que Rheinmetall n’entrait pas majoritairement dans le capital de KNDS ». Au regard des faits, il semble plus que difficile de soutenir une telle affirmation : non seulement KNDS appartient pour 50 % à l’industriel KMW mais Rheinmetall est détenu à 29 % par des fonds de pension américains, principaux actionnaires du groupe de Düsseldorf. On parle donc d’un conglomérat industriel pas si « germain » qu’il ne prétend l’être.

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De plus, l’offensive lancée par Rheinmetall pour prendre le contrôle de KNDS a considérablement complexifié le contexte. Cette approche traduit des intentions très « capitalistiques » de l’industriel qui, par cette action, aspire avant tout à créer de la valeur pour ses actionnaires tout en renforçant son positionnement au sein du MGCS pour ainsi monter dans la chaîne de valeur du secteur de la Défense allemand. Ce serait indubitablement une opération dont il serait le principal bénéficiaire – si ce n’est le seul – car il parviendrait à prendre le contrôle de la société franco-allemande KNDS, au détriment des intérêts français et au mépris de l’équilibre franco-allemand.

En toute logique, l’État français a répondu par la négative aux ambitions capitalistiques de Rheinmetall et à la ministre des Armées, Florence Parly, de préciser qu’il était dès lors inconcevable « de subordonner à des intérêts actionnariaux et patrimoniaux privés le bon déroulement d’un programme tel que le char de combat du futur ».

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Ainsi, le feu allumé par Rheinmetall n’est pas près de s’éteindre et risque d’impacter l’équilibre structurel du SCAF. Dans un rapport d’information sur la Défense européenne émanant du Parlement français, les sénateurs Ronan Le Gleut (LR) et Hélène Conway-Mouret (PS) ont jugé « nécessaire d’alerter aujourd’hui tous les acteurs de ce dossier sur les risques que cette approche fait peser sur ces deux projets essentiels au renforcement de la défense européenne » tout en soulignant que « cette logique de conquête industrielle n’est pas tenable dans un contexte aussi compétitif, et où les défis technologiques et industriels seront déjà considérables ».

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En choisissant de procéder à un partage industriel entre programmes et non au sein d’un seul et unique programme, la France et l’Allemagne ont mis en place un équilibre structurel qui se révèle aujourd’hui très instable, menaçant de facto un axe prioritaire de la politique industrielle de Défense française, à savoir la coopération franco-allemande.

Axel Trinquier – Spécialiste des questions de défense européenne

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