Chine : des ambitions stratégiques au-delà des nouvelles routes de la soie ?

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Après avoir installé une base militaire à Djibouti en 2017, la Chine semble vouloir accentuer sa présence au-delà de la mer de Chine et en-dehors des routes commerciales stratégiques dites de la soie. Selon le Wall Street Journal [efn_note]The Wall Street Journal, 22 juillet 2019 : « Deal for Naval Outpost in Cambodia Furthers China’s Quest for Military Network »[/efn_note], un accord secret entre la Chine et le Cambodge permettrait à Pékin de prendre le contrôle de la base navale de Ream et d’y installer des navires de guerre pour les 30 prochaines années. Or, le Cambodge ne présente pas, dans le cadre des nouvelles routes de la soie, d’intérêt stratégique.

Les nouvelles routes de la soie s‘articulent autour de six corridors dont l’un d’entre eux pénètre la péninsule indochinoise. A ce titre, l’axe Kunming-Singapore permet d’accéder à l’Océan Indien par voie terrestre. Ce qui constitue un atout majeur car il permet d’acheminer des marchandises en évitant la mer de Chine méridionale, instable et très disputée. Cet axe est situé à l’ouest du territoire cambodgien sans jamais le pénétrer. 

Et, le port de Sihanoukville, quant à lui, ne présente pas d’intérêt pour les nouvelles routes de la soie. Les navires de commerce et les pétroliers peuvent naturellement traverser le détroit de Malacca sans besoin de caboter aux abords des côtes cambodgiennes ou encore de transiter par l’un de ses ports.

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La constitution cambodgienne[efn_note]Article 53 de la constitution : « Le royaume du Cambodge ne permet pas l’installation de bases militaires étrangères sur son territoire »[/efn_note] interdisant l’installation de forces étrangères sur son sol, son gouvernement a démenti ces affirmations. Pourtant, l’économie cambodgienne sous perfusion chinoise, n’aurait pas les moyens de refuser une telle requête : selon un rapport de la Banque Mondiale[efn_note]World Bank Group, Mai 2019 : « Cambodia Economic Update »[/efn_note] les entrées de capitaux sous forme d’investissements directs étrangers proviennent pour grande part de la Chine. Et, le pays dont l’économie dépend entre autre du tourisme, accueille essentiellement des chinois.

Malgré la publication récente du livre blanc sur la défense chinoise[efn_note]Dixième livre blanc, 2019 : « La défense nationale de la Chine à l’ère nouvelle »[/efn_note] qui rappelle que la Chine « ne cherchera jamais l’hégémonie, l’expansion ou les sphères d’influence », on peut donc se demander pourquoi la Chine projetterait-elle sa marine dans une zone qui ne passe pas par un axe commercial stratégique ?

Sa présence dans le Golfe de Thaïlande lui permettrait d’être plus forte dans le cadre des ses plans hégémoniques en mer de Chine méridionale, de mieux sécuriser ses ressources halieutiques ou encore permettre aux compagnies chinoises d’exploiter les hydrocarbures présents dans la région. Elle constituerait également une autre ligne de front en cas de conflit avec le Vietnam.

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Le général Wei Fenghe (à gauche) et son homologue vietnamien, le général Ngo Xuan Lich discutent les enjeux en mer de Chine méridionale à Hanoï en mai

A noter que le livre blanc de la défense chinoise 2019 insiste davantage sur la défense des intérêts chinois à l’étranger que celui de 2015. Et, bien qu’il y soit question de coopération internationale et de multilatéralisme, le rapport mentionne que « pour combler les lacunes dans les opérations à l’étranger et leur soutien, la Chine développe des installations logistiques à l’étranger ».

La formule est employée au pluriel : la présence à Djibouti ne serait donc que le premier pion d’un plan de projection plus vaste, parfois même en-dehors d’une logique de protection des routes commerciales. De manière certaine, la Chine projettera sa marine militaire toujours plus puissante en s’appuyant sur la stratégie du collier de perle[efn_note]La stratégie du collier de perles (en anglais : String of Pearls) est une expression désignant l’installation par la marine de guerre chinoise de points d’appui (les « perles ») le long de ses principales voies d’approvisionnement maritimes[/efn_note] et parfois même au-delà, comme l’illustre le cas cambodgien.


David Furcajg – Spécialiste  les nouvelles routes de la soie, et l’influence géostratégique de la Chine

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