Avec la fin du traité INF, l’Europe peut-elle prendre l’initiative des négociations avec la Russie ?

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Le traité INF n’est plus. Par un communiqué publié en début de matinée, les autorités russes ont officialisé leur retrait du traité qui interdisait aux Etats-Unis et à l’Union Soviétique, et par la suite la Russie, le developpement et le déploiement d’armes stratégiques d’une portée allant de 500 à 5000 km. Pour Washington, le caractère bilatérale de ce traité apparaissait de plus en plus handicapant face à la Chine et la Corée du Nord, qui disposent de ce type d’armes, ou de pays comme l’Iran, qui disposent des vecteurs, et menacent de se doter de têtes nucléaires. Pour Moscou, la sortie du traité est l’occasion de mettre à profit le nombre important de têtes nucléaires dont dispose son armée, et les compétences en matière de missiles balistiques à moyenne portée, qu’ils soient hypersoniques ou non, de sorte à renforcer sa position sur la scène internationale.

En d’autres termes, le traité INF n’intéressait aucun de ses deux protagonistes. Mais sa principale victime, à savoir l’Europe, n’en faisait pas partie, et n’a guère eu son mot à dire. Or, à peine le traité eut-il été menacé que les Etats-Unis comme la Russie annoncèrent le developpement de missiles balistiques et de croisière ayant ces caractéristiques, missiles qui seront, avant tout, déployés en Europe ou à ses frontières. Nous assistons donc, depuis quelques mois, au retour d’une situation comparable à celle que connut l’Europe dans les années 80, le continent étant le théâtre d’un affrontement stratégique entre les Etats-Unis, et la Russie. Les menaces qui pèsent d’ailleurs aujourd’hui sur le traité de limitation des armes stratégiques START ne font que renforcer cette situation.

Si les dirigeants européens, d’Angela Merkel à Nico Salvini, sont régulièrement en contact avec Vladimir Poutine pour tenter d’atténuer les effets de ces tensions, leur poids est malheureusement très restreint face à celui de l’opposition entre les Etats-Unis, la Chine et la Russie. Et la rencontre le 19 aout, à Bregançon, entre les présidents Russe et Français, sera probablement limitée par le même contexte.

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Macron Poutine Analyses Défense | Europe | Fédération de Russie
Emmanuel Macron et Vladimir Poutine se rencontreront le 19 aout au fort de Brégançon

Pourtant, les Européens disposent d’arguments à faire valoir pour amener la Russie, et son président, à des positions moins belliqueuses en Europe. Ainsi, la période 2005-2012 fut, pour la Russie, celle d’un redressement économique très important, et ce grâce à de nombreux investissements venant d’Europe, qui reste aujourd’hui encore le premier investisseur privé du pays, très largement devant la Chine, pourtant présentée comme le partenaire stratégique et économique majeur du pays. Alors que Moscou peine à sortir le pays des effets de la crise de 2015, consécutives aux sanctions internationales liées à la crise ukrainienne, mais également (et surtout) à la baisse très importante des revenus pétroliers pour le pays, et qui entraina une période de récession économique et une forte dévaluation de la valeur du rouble, l’Europe pourrait aisément trouver un terrain de négociation favorable pour non seulement améliorer les relations bilatérales des deux zones, mais également pour atténuer les effets du basculement asiatique entamé par le Kremlin qui, à terme, pourrait représenter une menace majeur pour les pays européens.

Mais cette approche ne pourra voir le jour que si l’Europe parvenait à réduire sensiblement sa dépendance stratégique à la protection américaine, véritable obsession des autorités russes, et de Vladimir Poutine en particulier. En effet, le Kremlin ne craint pas tant une Europe militairement forte, qu’une Europe aliénée à Washington. De fait, et de façon contre-intuitive, un important renforcement militaire européen s’accompagnant d’une réelle autonomie stratégique, serait de nature à ouvrir des opportunités de négociation très importantes avec Moscou, tout en déplaçant la zone de tension en Asie, et non en Europe.

Soldats europeens Analyses Défense | Europe | Fédération de Russie
Une Europe militairement forte et indépendante serait de nature à ouvrir de nouvelles options de négociation avec Moscou

En outre, si ce renforcement stratégique s’accompagnait de mesures visant à relancer l’économie Russe, Bruxelles pourrait de façon très efficace négocier la fin de la crise Ukrainienne, et, progressivement, des tensions aux frontières baltes, finlandaises, ou sur le flan sud. Par ailleurs, en procédant ainsi, les pays Européens ne feraient que respecter les attentes de l’OTAN, et, de façon paradoxale, du locataire de la Maison Blanche.

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Une telle approche n’est d’ailleurs que l’application stricte de la théorie mathématique de la négociation issue de la théorie des jeux, face à un cercle vicieux. Elle préconise le double positif comme moyen de briser ce cercle, en l’occurence ici, l’indépendance stratégique européenne associée à une promesse de coopération économique renforcée. En procédant ainsi, l’Europe pourrait neutraliser la principale menace à ses frontières, sans crise, et sans affaiblir sa position internationale, bien au contraire. Et ce faisant, elle pourrait même devenir un partenaire stratégique plus interessant que la Chine pour Moscou, qui, rappelons le, sait pertinemment que Pekin aura tôt ou tard besoin de la Sibérie Orientale pour absorber sa croissance démographique et économique.

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