L’OTAN confirme la prĂ©sence d’armes nuclĂ©aires sur le sol belge

Un document public de l’AssemblĂ©e parlementaire de l’OTAN, en date du 16 avril 2019 et portant sur la dissuasion nuclĂ©aire, est venu confirmer ce que tout le monde savait dĂ©jĂ  depuis longtemps : des ogives nuclĂ©aires amĂ©ricaines sont bien prĂ©sentes sur la base belge de Kleine-Brogel. ConvoquĂ© en urgence par la nouvelle commission parlementaire de la DĂ©fense – et bien qu’étant l’un des secrets les moins bien gardĂ© de l’État fĂ©dĂ©ral belge – le ministre de la DĂ©fense, Didier Reyners, a rĂ©itĂ©rĂ© la position officielle : ni confirmation ni infirmation.

Pour ce dernier, comme pour l’OTAN, ce document n’aurait aucune valeur officielle. Depuis des dĂ©cennies, une position gĂ©nĂ©rale de l’Alliance atlantique est communĂ©ment admise, empĂŞchant les responsables politiques belges de dire distinctement ce que tout le monde sait dĂ©jĂ  depuis longtemps. M. Reynders dans sa rĂ©ponse aux parlementaires n’y a pas fait exception et a martelĂ© la posture officielle du gouvernement, « La Belgique a marquĂ© son accord sur le concept stratĂ©gique de l’OTAN qui prĂ©voit que la dissuasion soit basĂ©e sur des capacitĂ©s conventionnelles et nuclĂ©aires. Dans ce cadre de dissuasion, comme l’OTAN, la Belgique n’a jamais confirmĂ©, ni infirmĂ©, la prĂ©sence d’armes nuclĂ©aires sur son territoire Â».

Et pourtant, dès les annĂ©es 1980, la fragilitĂ© de ce « secret de polichinelle Â» est saisissante : l’ancien chef d’état-major de l’armĂ©e de l’air belge, Guido von Hecke, reconnaissait la prĂ©sence d’ogives nuclĂ©aires sur sa base de Kleine-Brogel. Le dit rapport vient lui-mĂŞme confirmer, noir sur blanc, la prĂ©sence de 150 ogives dissĂ©minĂ©es par les Etats-Unis en Europe dans six bases amĂ©ricaines et europĂ©ennes en Allemagne (BĂĽchel), Italie (Aviano et Ghedi-Torre), Turquie (Inçirlik), Belgique (Kleine-Brogel) et aux Pays-Bas (Volkel).

Le rapport nous apprend Ă©galement que les bombes actuelles de type B61 – largables par les F-16 Fighting Falcon du 10e Wing Tactique1 vont ĂŞtre renouvelĂ©es par des bombes B61-12, ce qui n’a certainement pas Ă©tĂ© sans consĂ©quence dans le remplacement des avions de combat belges : le chasseur F-35 de Lockheed Martin est le seul Ă  avoir la capacitĂ© d’emporter les nouvelles bombes B61-12. Ă€ cet Ă©gard, M. Reynders avait dĂ©clarĂ© que « le choix du successeur du F-16 a Ă©tĂ© fait sans tenir compte de la capacitĂ© nuclĂ©aire, celle-ci n’étant pas disponible Ă  ce moment Â». Difficile d’accorder du crĂ©dit Ă  de tels propos alors qu’il est dĂ©sormais largement admis que l’appel d’offres belge (RfGP2) incluait directement la capacitĂ© d’emport nuclĂ©aire dans la section consacrĂ©e au potentiel d’évolution et de croissance de l’appareil.

F 35 Belgique Actualités Défense | Armes nucléaires | Belgique
En choisissant le F-35, la Belgique a placé sa doctrine aérienne, ses alliances stratégiques et ses capacités décisionnelles indépendantes sous le prisme transatlantique et ce, pour le demi-siècle.

Ainsi, à la lumière de ce rapport, le retrait de Boeing en avril 2017 de l’appel d’offres, puis la décision de la France de proposer un partenariat stratégique autour du Rafale et en dehors du RfGP, font désormais pleinement sens. En optant pour le F-35, les autorités belges n’ont fait que confirmer un manque de sincérité manifeste dans la question du renouvellement des F-16, renforçant de facto l’idée selon laquelle la solidarité au sein de l’OTAN pourrait être subordonnée à l’achat de matériel américain.

Enfin, la perception belge des relations transatlantiques s’inscrit profondĂ©ment dans la pensĂ©e de l’illustre Premier Ministre belge Paul-Henri Spaak – l’un des fondateurs et secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l’OTAN (1957-1961) – qui dĂ©clara en 1955 : « the European idea is necessarily a limited idea Â» et qu’il convenait de considĂ©rer la construction europĂ©enne comme un des Ă©lĂ©ments d’un « Commonwealth atlantique Â». De la sorte, la politique europĂ©enne devrait ĂŞtre constamment Ă©valuĂ©e Ă  la lumière de sa compatibilitĂ© avec la coopĂ©ration dans le cadre atlantique. Force est de constater que le « tropisme Â» otanien demeure prĂ©gnant au sein des autoritĂ©s belges, la finalitĂ© Ă©tant de maintenir la place de la Belgique au rang des plus fidèles contributeurs de l’OTAN, et donc de jouer dans la rĂ©solution diplomatique et militaire des crises internationales un rĂ´le sans commune mesure avec son investissement rĂ©el dans la dĂ©fense alliĂ©e.

Axel Trinquier – SpĂ©cialiste des questions de dĂ©fense europĂ©enne

2 Request for Government Proposal

1 Escadre de la composante air de l’armée belge basé à Kleine-Brogel.

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