Selon le Sénat, l’Europe aurait un déficit capacitaire de 357 Md€ en cas de sortie de l’OTAN des Etats-Unis

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Le 3 juillet 2019, les sénateurs Ronan LE GLEUT et Mme Hélène CONWAY-MOURET ont publié un rapport de la commission sénatoriale des affaires étrangères, de La Défense et des Forces Armées, consacré à la construction de l’Europe de La Défense. Très détaillé, ce rapport aborde à la fois les questions politiques, économiques, géopolitiques et capacitaires de ce thème complexe et épineux. Parmi les différents points abordés, le rapport fait mention d’un besoin d’investissement de 357 Md$ pour les pays Européens si les Etats-Unis venaient à quitter l’OTAN. Ce chiffre, déjà repris par nombre de commentateurs Défense, pose de très nombreuses questions, d’autant qu’il n’est pas détaillé par le rapport.

Cette estimation est en fait issue d’un rapport du Think Tank britannique IISS de 2018, qui étudiait les déficits capacitaires européens dans un tel scénario. En reprenant le rapport, il apparait que ce chiffre s’accompagnait d’une seconde valeur, un besoin d’investissement de 110 Md$ dédiés à la puissance navale européenne, portant le total à plus de 400 Md€. A noter que les besoins et méthodes de calcul employées par IISS sont pour partie contestables, car ne tenant pas compte des investissements planifiés à venir des gouvernements européens, et étant déconnectées de toute notion temporelle.

Mais surtout, cette valeur devrait générer une importante remise en question des politiques de Défense et d’équipements des pays européens. En effet, si l’hypothèse d’une sortie de l’OTAN des Etats-Unis semble davantage tenir de la menace de salon que d’une hypothèse de travail, les pays européens achetant pour plus de 60 Md$ par an d’équipements et de services de Défense outre Atlantique, celle d’un conflit simultané avec la Chine dans le pacifique, et la Russie en Europe, est beaucoup plus concrète. Or, dans ce cas, les Etats-Unis devront très probablement concentrer leurs forces vers la menace la plus directe pour le pays, à savoir la Chine, et non la Russie, dont la force navale ne permettrait pas de porter la menace prés des côtes américaines. La Chine, en revanche, en sera prochainement capable. Ainsi, de récentes photos satellites ont montré que les chantiers navals Chinois construisaient simultanément non pas 1 mais 3 Navires d’Assaut porte-hélicoptères lourds ou LHD de Type 075, alors que des informations indiquent que la Marine Chinoise prévoit d’en commander encore au moins 2 lots, à livrer avant 2030. De fait, l’hypothèse utilisée par le rapport du Sénat montre l’ancrage d’un conservatisme fort dans la conception de la géopolitique mondiale, alors que celle-ci se redéfinie à grande vitesse.

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Le rapport du Sénat est d’ailleurs, à ce titre, très « conservateur » dans ses approches des problématiques exposées, en jugeant par exemple l’Europe de La Défense comme un moyen de « partager le fardeau » sans en connaitre les effets économiques, budgétaires et sociaux, susceptibles de profondément modifier cette perception, ou en n’évaluant le concept d’Armée Européenne qu’au seul prisme d’une force supranationale superposée aux forces nationales, et donc venant en déduction de celles-ci, plutôt que de considérer l’hypothèse d’une force de réserve à encadrement matriciel, comme présenté dans cet article.

On peut se demander, dès lors, si l’inertie qui entoure la construction de l’Europe de La Défense, n’est pas davantage liée à des paradigmes erronées des acteurs politiques, plutôt qu’à des difficultés pour trouver des positions communes ?

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