Conflit Iran Etats-Unis : Pourquoi ? pour qui ? et quelles en seraient les conséquences ?

- Publicité -

Depuis quelques mois, les tensions opposant les Etats-Unis et l’Iran n’ont cessé de croître, pour atteindre aujourd’hui des niveaux que certains qualifient de pré-conflictuels. Au delà de la sulfureuse personnalité du président américain, il est interessant de s’interroger sur les causes et les conséquences prévisibles de ces tensions, et la façon dont ces tensions affectent ou vont affecter l’Europe, et la France.

Pourquoi ce regain de tension entre Washington et Téhéran ?

Le Casus Belli entre les deux pays pourrait être l’attaque des deux tankers dans le détroit d’Ormuz, attaque attribuée par les Etats-Unis, suivis de la Grand-Bretagne et de l’Arabie saoudite, à l’Iran, et justifiée à l’aide d’une video d’un drone de surveillance montrant un patrouilleur iranien s’accoler au pétrolier Kokuka Courageous pour enlever ce qui ressemble à une mine magnétique. Si l’Europe, l’ONU, la Russie et la Chine appellent au sang-froid, et à une enquête indépendante, l’opinion de Washington semble faite, et avec elle celle de ses deux fidèles alliés. Il est vrais que cette vidéo est plutôt convaincante, et que l’action entre parfaitement dans la doctrine de guerre hybride dont la force navale des gardiens de la révolution s’est faite experte. Toutefois, ces éléments ne constituent qu’un faisceau de présomptions, et non une preuve formelle de l’implication iranienne, comme le souligne de nombreux états, la confiance dans « les preuves » fournies par les Etats-Unis ayant été largement entamée ces dernières années.

Flotte vedettes sabotage iran Alliances militaires | Analyses Défense | Etats-Unis
Les gardiens de la révolution iraniens se sont spécialisés dans les opérations de guerre hybride navale

Cette attaque fait suite à la dégradation de la position iranienne en soutien au plan de dénucléarisation militaire du pays, plan duquel les Etats-Unis se sont retirés après l’élection du president Trump, mais qui reste soutenu par les Européen, la Russie, la Chine et l’ONU. Face aux conséquences de la reprise des sanctions US, et à ce que Téhéran considère comme un manque d’investissement des capitales qui soutiennent ce modèle, le président Iranien a déclaré, en début de semaine, que le pays envisageait désormais de se retirer lui aussi de l’accord.

- Publicité -

Le rôle d’israël et de l’Arabie saoudite

En outre, plusieurs alliés stratégiques des Etats-Unis en général, et du président Trump, qui entame sa campagne pour briguer un second mandat, en particulier, sont très favorables à une intervention militaire contre l’Iran. En premier lieu desquels, Israël, qui a toujours considéré l’Iran comme un ennemi mortel, et qui fait face, aujourd’hui, au renforcement du Hamas à ses frontières, du fait des succès militaires des Peshmergas iraniens en Syrie. Depuis quelques mois, les campagnes de tirs de roquettes contre les villages et villes israéliennes proches de la frontière syrienne ou libanaise ont considérablement augmenté, entrainant un cycle de ripostes et contre ripostes d’intensité croissante.
l’Arabie saoudite du prince Ben Salman a également désigné en Téhéran son ennemi prioritaire, basé sur la haine ancestrale opposants Sunnites et Chiites. Riyad a, à ce titre, rassemblé une coalition sunnite autour de sa propre puissance militaire, dans le but de s’imposer contre la puissance chiite croissante, en Irak, en Syrie, et surtout au Yemen, ou cette même coalition est engagée depuis plusieurs années pour tenter d’anéantir la rébellion Houtis, soutenue par Téhéran.

F15 Saoudien Alliances militaires | Analyses Défense | Etats-Unis
l’Arabie saoudite dispose d’une puissante force aérienne composée de F15 et de Typhon

Or, ces deux pays contrôlent des pans entiers de l’économie et de l’électorat américain, par le rôle central de l’alliance sunnite sur le marché des hydrocarbures, d’une part, et par l’influence politique très importante du lobby pro-israël aux Etats-Unis, contrôlant une part importante des votes de la communauté juive, et surtout de la communauté radicale protestante, très puissante dans les états du mid-west et du sud du pays, et socle électoral du président Trump.

Quelles sont les conséquences prévisibles d’un conflit contre l’Iran ?

Reste qu’une intervention contre l’Iran serait très complexe à porter pour les Etats-Unis, et comporterait de nombreux risques. Qu’ils optent pour des frappes aériennes, un embargo naval ou un très hypothétique assaut amphibie, les Etats-Unis et leurs alliés risquent de déclencher une série de réactions aux conséquences à terme très problématiques, comme le risque d’enlisement, qui immobiliserait une partie de la puissance militaire US au Moyen-Orient, alors même que cette puissance militaire est aujourd’hui, selon le Pentagone, incapable de faire face au « double front » représenté par la Russie en Europe, et la Chine en Asie.

- Publicité -

De fait, une intervention contre l’Iran risquerait d’accentuer de gradient de puissance sur ces théâtres, libérant les moyens pour une action chinoise contre Taiwan ou russe contre l’Ukraine, par exemple. En outre, une attaque directe contre Téhéran, même limitée à une offensive aérienne, serait de nature à modifier les positions de Moscou comme de Pekin sur les questions d’exportation d’armes vers ce pays. En effet, jusqu’à aujourd’hui, les deux capitales ont fait preuve d’un discernement évident dans ce domaine, s’interdisant d’y exporter des armements modernes ou trop performants. Une intervention US pourrait briser ce statu quo, ouvrant les vannes vers des systèmes beaucoup plus performants, comme les systèmes anti-aériens, les missiles anti-navires, et les aéronefs de combat des deux pays, susceptibles dès lors d’augmenter les risques d’enlisement.

CVN 69 transits the Strait of Hormuz Alliances militaires | Analyses Défense | Etats-Unis
Le porte-avions nucléaire D. Eisenhower (CVN69) traversant le détroit d’Ormuz

Enfin, une intervention US serait de nature à déclencher un embrasement du Moyen-Orient, notamment dans toutes les zones opposant chiites et sunnites, avec à la clé, une crise énergétique mondiale susceptible d’engendrer une crise économique et financière aux conséquences encore jamais atteinte.

Conclusion

Comme nous le voyons, les gains espérés, notamment électoraux, en cas d’un conflit avec l’Iran, seraient loin de compenser les risques engendrés à l’échelle mondiale. Reste qu’à l’échelle des Etats-Unis, et selon les conceptions économiques du président Trump, ces conséquences pourraient apparaitre comme acceptables, et même souhaitables. En effet, les Etats-Unis ont atteint à nouveau un niveau d’autonomie stratégique en matière d’hydrocarbure, grâce aux extractions de gaz de Schistes, qui, si elles engendrent de graves conséquences écologiques, mettent l’économie US dans un cocon en cas de crise énergétique mondiale.

- Publicité -

En outre, la très probable bi-polarisation qui résulterait de cette intervention seraient également perçues comme bénéfiques par le président américain, favorable à la réduction drastique des importations en provenance notamment de Chine, de sorte à réindustrialiser le pays. Par ailleurs, cela accélérerait la dépendance des alliés de Washington, Europe en tête, à la puissance militaire américaine, anéantissant notamment une grande part des efforts d’indépendance européens dans ce domaine, face à l’urgence de la menace que pourrait représenter la Russie. La situation serait similaire en Asie et dans le Pacifique face à la Chine.

Dès lors, une intervention contre l’Iran, même limitée, résulterait davantage d’une volonté de redistribuer les cartes géopolitiques à l’échelle de la planète, qu’à des objectifs régionaux. Reste à voir si le Pentagone, parfaitement au fait de sa faiblesse militaire actuelle, parviendra à modérer les ardeurs des dirigeants engagés dans cette crise ..

- Publicité -

Pour Aller plus loin

RESEAUX SOCIAUX

Derniers Articles