Pourquoi le F35 remporte-t-il autant de succès commerciaux ?

- Publicité -

Depuis qu’il entama sa carrière, l’avion amĂ©ricain F35 remporta un nombre remarquable de succès commerciaux en Europe comme en Asie. Au delĂ  des 7 pays partenaires du programme, l’appareil de Lockheed remporta toutes les compĂ©titions auxquelles il participa, souvent au dĂ©triment des appareils europĂ©ens, sauf une, le remplacement des Tornados allemands. Aujourd’hui, le F35 est engagĂ© dans 2 compĂ©titions en Europe face aux avions europĂ©ens, en Finlande, et en Suisse, et continu d’aligner les succès en Asie, avec une commande de plus de 100 appareils supplĂ©mentaires venant du Japon, des nĂ©gociations avancĂ©es avec Singapour, et une probable extension de commande pour la CorĂ©e du Sud.

Parallèlement, le programme est très critiquĂ©, en Europe comme aux Etats-Unis, pour son manque de fiabilitĂ© chronique, ses performances aĂ©ronautiques insuffisantes, et le prix excessif de sa maintenance. Comment, dans ces conditions, l’avion star de Lockheed parvient il Ă  Ă©liminer systĂ©matiquement ses adversaires europĂ©ens et amĂ©ricains, pour s’imposer sur tous les marchĂ©s ?

Ce succès repose sur 3 promesses portĂ©es tant par Lockheed-Martin que par le dĂ©partement d’Etat amĂ©ricain, et admirablement relayĂ©es par l’OTAN, formant un Ă©tau d’une efficacitĂ© politique et publique redoutable.

- Publicité -
F22 Raptor Analyses Défense | Aviation de chasse | Construction aéronautique militaire
Le F22 américain, premier représentant de la « 5eme génération » de Lockheed

1- La promesse technologique

L’ensemble du discours entourant le F35 est articulĂ© autour d’une promesse de superioritĂ© technologique absolue, rassemblĂ©e dans un concept chapeau « avion de 5eme gĂ©nĂ©ration », permettant de crĂ©er un clivage net avec les autres appareils occidentaux. La dĂ©finition de cette « 5eme gĂ©nĂ©ration » a d’ailleurs Ă©tĂ© modifiĂ©e, pour correspondre parfaitement au F35, en supprimant la notion de super-croisière[efn_note]capacitĂ© d’un appareil Ă  maintenir une vitesse supersonique sans utiliser la post-combustion[/efn_note], qui pourtant apparaissait systĂ©matiquement dans la communication de Lockheed lorsqu’il assurait la promotion du F22. C’est cette classification subjective qui agit, par un matraquage systĂ©matique tant mĂ©diatique et politique, comme un filtre dichotomique vis-Ă -vis du Rafale, du Typhoon, du Super Hornet ou du Gripen. Les avionneurs europĂ©ens se retrouvèrent classĂ©s dans une notion toute aussi artificielle de « gĂ©nĂ©ration 4+ » , sensĂ©e reprĂ©senter les appareils de gĂ©nĂ©ration prĂ©cĂ©dente Ă©tant parvenus au pinacle technologique que reprĂ©senterait les paradigmes technologiques utilisĂ©s. En outre, la classification « avion de gĂ©nĂ©ration 4+ » porte intrinsèquement une notion de limite d’Ă©volutivitĂ©, que le F35 n’a pas, au contraire, puisque reprĂ©sentant le socle de la 5eme gĂ©nĂ©ration.

Cette promesse ne rĂ©siste Ă©videmment pas Ă  l’examen des faits, le F35 Ă©tant certes une plate-forme très capable en matière de capacitĂ© de dĂ©tection, et pouvant exploiter une furtivitĂ© radar avancĂ©e si besoin, mais souffrant Ă©galement de nombreuses faiblesses, notamment en terme de vitesse, de manĹ“uvrabilitĂ©, de disponibilitĂ©, de capacitĂ©s d’emport et de rayon d’action. Il souffre aussi de son architecture mono-moteur, qui reprĂ©sente un risque supplĂ©mentaire pour un appareil de ce prix.

2- La promesse de l’interopĂ©rabilitĂ©

S’il est un argument objectif qui fait la dĂ©cision au sujet du F35, c’est celui de l’interopĂ©ratilitĂ©. Faire le choix du F35, c’est aussi faire le choix d’une parfaite InteropĂ©rabilitĂ© avec les forces amĂ©ricaines, et leurs Ă©quipements, et donc par transitivitĂ©, de s’assurer de la protection amĂ©ricaine en cas d’agression. Cet argument est d’ailleurs largement mis en avant par l’administration Trump, ayant transformĂ© le F35 en ticket d’entrĂ© Ă  la protection US.

- Publicité -

Car cette InteropĂ©rabilitĂ© est Ă©galement, pour Washington, la garantie d’un marchĂ© captif pour les 40 Ă  50 annĂ©es Ă  venir, le F35 venant avec ses propres systèmes de maintenance, ses propres armements, et ses propres Ă©volutions centralisĂ©es. Une stratĂ©gie commerciale qui n’est pas sans rappeler, Ă  ce titre, celle des GAFA, qui maitrise la montĂ©e en gamme de ses clients par le roulement des versions des applications, et par une dĂ©gradation progressive des performances Ă  utilisation constante.

F35A lors des tests de largage de la bombe nucleaire B61 Analyses Défense | Aviation de chasse | Construction aéronautique militaire
F35A larguant une bombe nucléaire B61

Ce domaine est parfaitement reprĂ©sentĂ© par l’emport de la bombe nuclĂ©aire gravitationnelle OTAN B61, pouvant aujourd’hui ĂŞtre mise en oeuvre par les F16 belges, nĂ©erlandais et turques, ainsi que les Tornados allemands et italiens. Or, les Etats-Unis refusent pour l’heure d’adapter cette munition stratĂ©gique au Typhoon europĂ©en comme ils le firent pour le Tornado, dans l’unique but d’inciter l’Allemagne Ă  s’Ă©quiper de F35, ou, au pire des cas, de F/A 18 E/F Super Hornet, alors que les autoritĂ©s politiques ont refusĂ© le F35, et souhaitent privilĂ©gier le Typhoon construit localement.

3- La promesse publique

Contrairement aux avionneurs europĂ©ens, Lockheed-Martin a construit son succès commercial sur une action portant simultanĂ©ment sur les autoritĂ©s politiques et militaires, ainsi que vers les opinions publiques. Ainsi, lorsque Washington dĂ©cida de proposer le F35 Ă  la Grèce, pour trouver une alternative Ă  la probable sortie de la Turquie du programme, l’annonce publique intervint concomitamment Ă  une vaste campagne de communication vers les mĂ©dias gĂ©nĂ©ralistes comme les mĂ©dias spĂ©cialisĂ©s, posant un discours cadrĂ© Ă  la gloire de son appareil. En deux jours, les journalistes spĂ©cialisĂ©s comme beaucoup de militaires, pourtant jusqu’ici assez critiques vis-Ă -vis de l’appareil acquis par son adversaire turc, en Ă©taient tous devenus de fervents partisans, intarissables sur les exemples d’engagements simulĂ©s avec les F35 italiens durant lesquels l’avion furtif fit des « prouesses », et oubliant les rĂ©serves pourtant dĂ©crites quelques jours auparavant concernant le cout, la maintenance, la disponibilitĂ© de l’aĂ©ronef …

- Publicité -
F35B et Typhoon prefigurant la Royal Air France pour les 30 annees a venir Analyses Défense | Aviation de chasse | Construction aéronautique militaire
F35A et Typhoon volant en formation

Cette action fut simultanĂ©ment menĂ©e en Grèce, en Roumanie et en Pologne, entrainant le basculement complet des opinons publiques en quelques jours, et donc, des autoritĂ©s politiques, mĂŞme les plus rĂ©ticentes. Cette stratĂ©gie parfaitement exĂ©cutĂ©e n’Ă©choua qu’une fois depuis le lancement du programme, face Ă  A.Merkel et U. von der Leyen en Allemagne, et ce malgrĂ© une campagne de presse d’une incroyable violence, ayant d’ailleurs coutĂ© son poste au chef d’Etat-Major de la Luftwaffe.

4- Le rĂ´le trouble de l’OTAN

Car dans ce dossier, l’OTAN semble manquer Ă  son engagement de neutralitĂ© au sujet des questions relevant de la souverainetĂ© nationale, agissant en Europe comme un agent commercial agressif de Lockheed, selon certains observateurs bien informĂ©s. Ceci explique les prises de position publiques de chefs militaires, comme celle, prĂ©cĂ©demment citĂ©e, du chef d’Ă©tat-major de la Luftwaffe dans le dossier allemand, ou comme celle du chef-d’Ă©tat major nĂ©erlandais dans le dossier … belge !

En outre, des Ă©lĂ©ments laissent Ă  penser que l’OTAN interviendrait directement dans l’evaluation technique des appareils lors des appels d’offre europĂ©ens, comme ce fut le cas en Belgique, lorsque l’OTAN imposa Ă  l’ArmĂ©e de l’air d’ĂŞtre en mesure de mener des opĂ©rations de suppression des dĂ©fenses anti-aeriennes, donc de disposer d’un appareil dotĂ© d’une importante furtivitĂ© selon les critères de l’Alliance, que seul le F35 possĂ©dait. Peu importait que pour acquĂ©rir l’appareil, le pays devait rĂ©duire sa flotte Ă  32 appareils, un chiffre ne permettant de disposer que d’une escadrille opĂ©rationnelle en cas de conflit, et interdisant Ă  Bruxelles de participer Ă  des coalitions de façon permanente.

Les incitations Ă©manant de l’OTAN en faveur du F35 furent nombreuses, et le sont encore, en Grèce, en Espagne, et mĂŞme en Allemagne, Lockheed n’acceptant pas la dĂ©cision de Berlin de se passer de son joyau. Il semble qu’en Europe (au sens continental), seule la France et la Suède, deux pays produisants leurs propres avions de combat, aient Ă©tĂ© ignorĂ©s par les pressions US.

Conclusion

Le succès du F35 n’est pas dĂ» au hasard, pas plus qu’il n’est dĂ» Ă  une allĂ©geance absolue des europĂ©ens et des asiatiques aux Etats-Unis. Il rĂ©sulte d’une stratĂ©gie globale alliant une communication Ă©tendue parfaitement maitrisĂ©e, un rĂ©seau d’influence efficace, et s’appuyant sur le manque d’alternative europĂ©enne, non pas en matière d’avions de combat, mais en terme de stratĂ©gie.

Si la France et l’Allemagne veulent effectivement donner un vĂ©ritable Ă©lan Ă  l’Europe de La DĂ©fense, il sera nĂ©cessaire de disposer en amont d’une offre DĂ©fense sĂ©duisante permettant de rĂ©pondre Ă  ces 3 promesses amĂ©ricaines, et suffisamment puissante pour constituer une alternative de standards aux Etats-Unis , et usant des mĂŞmes stratĂ©gies de communication, notamment vis-Ă -vis des opinions publiques. Faute de quoi, l’offre aeronautique europĂ©enne continuera de s’effriter face aux coups de boutoir amĂ©ricains, en dĂ©pit des atouts incontestables des appareils europĂ©ens !

- Publicité -

Pour Aller plus loin

RESEAUX SOCIAUX

Derniers Articles