La Chine trace les lignes à ne pas dépasser aux rencontres de Shangri-la

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Par la voix de son ministre de La Défense, Wei Fenghe, les autorités chinoises ont tracé les lignes à ne pas dépasser car pouvant entrainer une réponse militaire synonyme de guerre. Une rupture de ton avec la tradition diplomatique chinoise, habituée à manier le flou de sorte à ne pas se retrouver dans la logique d’un engagement mécanique.

Le ministre de La Défense chinois a profité des rencontres de Shangri-La, consacrée à La Défense dans la zone indo-pacifique, pour faire connaitre à ses homologues, et surtout aux Etats-Unis, quelle serait désormais la politique de Pekin concernant deux dossiers clés, à savoir la Mer de Chine, et l’île de Taïwan.

Depuis prés de 30 ans, la Chine Populaire revendique la possession de la mer de Chine, sur des bases historiques, revendications représentées par la « règle des 9 traits ». Pour Pekin, outre l’intérêt économique que représente cette zone, où des gisements de matières premières ont été localisés, son contrôle intégral représente un atout stratégique pour le déploiement de ses sous-marins nucléaires stratégiques, qui pourraient évoluer sous la couverture de la flotte et surface et aéronavale de l’APL. En outre, cela permet au pays d’avoir une influence forte sur le commerce international, plus de 10.000 bâtiments de commerce y transitant chaque année. Afin de renforcer ce contrôle, l’APL a déployé sur plusieurs atolls de cette zone, des bases militaires artificielles, parfois très bien défendus par des batteries de missiles anti-navires et sol-air, et des pistes aériennes pour y recevoir avions et hélicoptères.

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Ce déploiement s’est fait, en revanche, en dépit du droit international, et au détriment des autres pays riverains ayant eux mêmes de liens historiques et économiques avec cette zone. Les pays occidentaux, derrière l’US Navy, ont pris pour habitude de déployer dans la zone des bâtiments de combat, de sorte à montrer à Pekin que, du point de vu international, ces zones ne sont pas sous tutelle chinoise. A ce titre, le Groupement Aéronavale français et européen organisé autour du PAN Charles de Gaulle, actuellement dans le Pacifique, entend bien ne pas se conformer aux exigences chinoises de demande préalable pour pénétrer dans la zone, comme l’a souligné la Ministre de La Défense Florence Parly lors de sa dernière audition par la commission Défense de l’Assemblée Nationale.

Ce sont précisément ces incursions, considérées comme autant de provocations par Pekin, qui vont donner désormais lieu à des réponses de plus en plus fermes de la part des forces navales et aeriennes chinoises. Et Wei Fenghe de préciser que le risque, lors de telles rencontres, serait de créer des incidents militaires pouvant évoluer en casus belli, ce à quoi, selon lui, les autorités chinoises sont prêtes.

Une des bases artificielles chinoises dans les iles Paracels en Mer de Chine Analyses Défense | Fait accompli | Politique de Défense
Une des bases chinoises artificielles construite dans l’archipel des Paracels en Mer de Chine

Si le ministre chinois a laissé entendre une certaine progressivité dans les réponses apportées aux incursions occidentales en Mer de Chine, il n’en va pas de même concernant Taïwan, au sujet duquel le discours de Pekin se radicalise de plus en plus fermement. Selon Wei Fenghe, toute forme d’assistance militaire à l’île indépendante sera considérée désormais comme un acte de soutien à la sédition, et entrainera une réponse extrêmement ferme, ajoutant à plusieurs reprises que la Chine était prête à la guerre pour défendre ce qu’elle considère comme son intégrité territoriale. Or, Pekin n’est pas sans ignoré que Washington a entrepris la modernisation de la flotte de F16 taïwanais, et promis une assistance pour la construction de nouveaux sous-marins d’attaque, ainsi que la vente de nouveaux avions de combat.

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Quoiqu’il en soit, il est remarquable de constater le nombre de fois ou l’hypothèse d’une guerre a été avancée dans le discours du ministre chinois, un sujet qui visiblement devient de plus en plus concret pour les autorités du pays. La Chine semble avoir dépassé son approche diplomatico-commerciale à laquelle elle eu recourt pendant prés de 30 ans, pour s’en remettre à une position de fermeté militaire, révélant une confiance croissante et désormais suffisante dans ses forces armées pour neutraliser et éventuellement vaincre un adversaire, fut-il américain.

ssk type 039 chine Analyses Défense | Fait accompli | Politique de Défense
La Marine Chinoise dispose d’une centaine de submersible dont une vingtaine de sous-marins AIP Type 039.

Pourtant l’APL n’est pas aujourd’hui, en capacité de vaincre les forces américaines dans un conflit global, étant dépassée dans presque tous les domaines. Mais les autorités chinoises ne semble envisager , en tout cas aujourd’hui, qu’une forme de conflit limité, à proximité de ses côtes. Et dans ce domaine, elle dispose, en effet, d’arguments très significatifs à faire valoir pour neutraliser la puissance navale et aérienne des Etats-Unis et de ses alliés dans le Pacifique, comme un nombre important de sous-marins, prés d’une centaine de corvettes et frégates modernes disposant de moyens anti-sous-marins et anti-navires avancés, une flotte de patrouille maritime imposante, ainsi que des bombardiers et missiles balistiques anti-navires en grand nombre, sans oublier une organisation de défense dédiée au déni d’accès performante.

En d’autres termes, dans ces conditions, l’APL serait en mesure de mobiliser l’ensemble de ses forces, alors que les Etats-Unis, et leurs alliés, ne pourraient mettre en oeuvre qu’une partie de leurs moyens, créant un rapport de force considéré comme favorable à ses forces par Pekin. Il ne faut pas oublier, non plus, que dans les 5 années à venir, les forces armées chinoises vont continuer à se moderniser à marche forcée. La Marine devrait recevoir, d’ici 2025, au moins 2 nouveaux porte-avions dotés de catapultes et brins d’arrêt Type 003, 3 porte-hélicoptères d’assaut type 075, plus de 25 destroyers dont au moins la moitié de Type055 lourds, autant de frégates type 054B, et une quinzaine de sous-marins de différents types, ainsi qu’un nombre très important d’avions et hélicoptères. Les forces aériennes ne sont pas en reste, percevant chaque année plus de 70 avions de combat neufs. De manière synthétique, le rapport de force en faveur des forces chinoises, dans un rayon de 2000 km autour de ses côtes, ne va pas aller diminuant dans les prochaines années, au contraire.

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Corvette type 056 Analyses Défense | Fait accompli | Politique de Défense
La Marine chinoise a reçu depuis 2012 soixante corvettes type 056, dont plus de 45 disposant de capacités ASM avancées.

Bien que le sujet n’ai que rapidement été abordé par le ministre de La Défense chinois, cette réthorique de conflit fait écho aux tensions économiques croissantes entre Washington et Pekin, le sujet étant en revanche fréquemment abordé par les médias chinois, et notamment les médias d’état, avec, là encore, le recours aux armes qui est présenté comme une possibilité face à « l’intransigeance américaine ».

Il apparait de plus évidement que les décennies à venir vont être le théâtre d’une confrontation entre les Etats-Unis et la Chine pour assoir leurs souverainetés respectives, sans aboutir cependant nécessairement à un conflit direct entre les grandes puissances. Pour nous, européens, une telle dérive exposerait le continent à plusieurs risques, avec d’une part l’exposition très importante de nos économies au commerce international et une dépendance massive aux biens de consommation et investissements chinois, mais également, en focalisant les moyens de Défense US dans le Pacifique, à une sur-exposition de l’Union européenne face à la Russie, mais aussi face à d’autres acteurs émergeants, comme la Turquie, ou l’Alliance Sunnite. Dans tous les cas, il est plus que temps pour les pays Européens d’accepter de regarder avec lucidité cet avenir probable, et d’adapter les politiques intérieures, économiques et exterieures, ainsi que les investissements de Défense, à ce risque.

L’Europe représentant encore 50% des échanges commerciaux de la Russie, contre moins de 20% avec la Chine, peut-être est-il encore temps de tenter de ramener Moscou vers une alliance Européenne, plutôt que de conforter le Kremlin dans son virage asiatique ?

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