2 porte-avions nucléaires pour la Marine Nationale : Possible ? Comment faire ? Comment le financer ?

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Lors de son audition par la commission Défense de l’Assemblée Nationale, l’amiral Jean-Philippe Rolland, commandant la Force d’Action Navale, a estimé que la construction d’un nouveau porte-avions couterait à la France « plus de 5 Milliards d’Euros », et encore davantage si l’option de la propulsion nucléaire était retenue.

Un tel investissement, dans les circonstances actuelles de tensions économiques et sociales, semble évidemment hors de propos. D’autant que, même si la Marine Nationale estime pouvoir mettre en œuvre un second porte-avions sans devoir augmenter son format aéronaval, d’escorteurs, de bâtiments logistiques et de sous-marins d’attaque, un tel ajout bénéficierait évidemment d’une nouvelle flottille de chasse, d’une frégate anti-aérienne et deux frégate anti-sous-marines supplémentaires, ainsi que d’un sous-marin nucléaire d’attaque en plus. Au final, l’investissement global, ainsi présenté, rend l’initiative inabordable, raison pour laquelle le problème a été postponé de septennats en quinquennats depuis le lancement du Charles de Gaulle.

Dans ces conditions, quels seraient les couts pour le budget de l’Etat d’une initiative visant à construire non pas un, mais deux porte-avions nucléaires, de sorte à assurer non seulement la permanence du groupe aéronaval, mais d’anticiper le retrait du service du Charles de Gaulle, qui interviendra d’ici 2035/2040 ?

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Un bâtiment qui coute cher

Les « 5 milliards » auxquels fait référence l’Amiral Rolland se décompose en une phase d’étude de 1 milliard d’euro pour le porte-avions lui même, ainsi que les études des systèmes qui en feront une arme redoutée, comme ses systèmes de protection anti-aérienne, anti-missiles, anti-torpilles, ses systèmes de détection et de communication, ses systèmes de brouillage. A cela s’ajoute enfin les études concernant la propulsion nucléaire, pour un bâtiment dont on estime qu’il devra jauger plus de 60.000 tonnes. Ensemble, les études représentent donc 2,5 Md€ d’investissements.

La phase de construction s’étalerait sur plusieurs années (5 ans semble cohérent), pour un investissement de 3 Md€, dont 500 millions pour les catapultes acquises aux Etats-Unis, auxquels devront s’ajouter 0,5 Md€ pour la construction et l’adaptation des outils de production pour produire un bâtiment de ce type, jamais construit en France. Enfin, la phase de test et d’essais, ainsi que la gestion du cycle qualité, nécessite une dernière provision de 0,5 Md€. 

Un nouveau porte-avions nucléaire couterait donc 6,5 Md€ aux finances publiques, et 10 Md€ pour 2 unités. Sur 10 ans, cela représente donc un investissement de 1 Md€ par an.

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Mais combien « rapporte-t-il » à l’Etat ?

Prenons dans notre étude le cas de la construction de 2 porte-avions nucléaires sur 10 ans, coutant 10 Md€ à l’Etat. Sur ce montant, 9 Md€ sont investis en France, soit 900 m€ par an.

Les effets sur l’emploi de l’investissement dans l’industrie de Défense, et notamment dans l’industrie Navale, ont donné lieu à plusieurs études, que ce soit dans le bassin d’emploi Lorient-Brest, que dans celui de Toulon. Il en ressort que pour un million d’Euro investi, se créent 10 emplois directs dans la BITD, 9 emplois de sous-traitance hors BITD, et 8 emplois induits, des emplois liés à la consommation des 19 emplois précédemment créés.

1 m€ investi génère 27 emplois

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Un emploi à plein temps génère en France en Moyenne 22.000 € de taxes et cotisation sociale chaque année. En outre, la personne salariée paiera, en moyenne toujours, 6000 € de taxes chaque année, sous forme d’IR, de TVA etc.. Un chômeur coute, lui, 24.000 € par an aux organismes sociaux ainsi qu’à l’Etat, pour le paiement de ses indemnités et l’accompagnement dont il bénéficie pour le retour à l’emploi. Mis bout-à-bout, transformer un chômeur en salarié génère donc un solde budgétaire de 52.000 € pour l’Etat, qui compense aujourd’hui encore les déficits des organismes sociaux.

1 emploi génère un solde budgétaire de 52.000 € par an

En croisant ces informations nous constatons que les 900 m€ investis chaque année génèreront donc 24.300 emplois dont 9000 emplois directs, 8100 emplois indirects et 7200 emplois induits. Ces emplois génèreront, à leurs tours, 1 263,2 millions d’euros de recettes sociales et fiscales. Notre investissement annuel étant égal à 1 milliard d’euro, le processus industriel génèrera donc un solde budgétaire positif de 263,2 m€.

Sur 10 ans, construire 2 porte-avions rapportera 2,5 Md€ à l’Etat


Et les avions, les escorteurs, les marins ?

Il ne suffit pas d’avoir un porte-avions pour avoir une Groupe aéronaval. Mais les bases de la démonstration faite précédemment pour la conception et la construction des 2 porte-avions s’appliquent à l’identique aux 6 Md€ nécessaires pour une nouvelle flottille de Rafale M, une nouvelle FREMM DA, 2 FTI et un Suffren supplémentaires. Les 600 millions d’investissement annuels généreront 16 200 emplois générant à leur tour 8 424 millions d’euro de retour budgétaire, soit un solde positif de 224 m€ chaque année.

Reste à former, et payer les équipages d’une telle flotte, soit 3000 marins, représentant un surcout de 200 millions d’euro en matière de solde et de couts de formation annuels, un chiffre très inferieurs aux 263,2 + 224 millions d’euro de solde budgétaire. Les 287 millions d’euro annuels de solde, auxquels il serait possible d’ajouter les impôts et taxes payés par nos 3000 nouveaux marins, représentent un montant suffisant pour acquérir les 6 Grumman E-2D Hawkeye nécessaires pour armer les 2 bâtiments, et remplacer les E-2C actuellement en service.


Pourquoi ne le fait-on pas ?

A ce niveau de la démonstration, vous devriez arriver à la question « mais qu’attend-on pour le faire ? », et de vous dire que si ce mécanisme n’est pas appliqué, c’est que, finalement, « ce n’est pas aussi simple »…

Malheureusement, l’application de cette doctrine, appelée Défense à Valorisation Positive, nécessite un changement radical de paradigmes de la part des instances politiques et administratives, un exercice bien difficile lorsque les gens en situation de décision sont, en règle général, issu d’un modèle qui sera justement remis en question par la DVP. Il faudra bien, cependant, qu’à un moment donné, la France cesse de se limiter à avoir des ambitions et des idées, et qu’elle se dote de moyens pour se défendre, et défendre ses alliés européens si le besoin venait à apparaître. 

Alors que les tensions internationales ne cessent de croitre, et que les meilleurs économistes sont de plus en plus nombreux à prédire une crise économique de la dette des Etats pour les années à venir, le renforcement des moyens militaires comme des moyens industriels de Défense devient indispensable. En tout état de cause, la conception, la construction et la mise en œuvre d’un second porte-avions avec son groupe aéronaval, et le remplacement à terme du Charles de Gaulle, sont économiquement à la portée des finances publiques, comme le serait le renforcement des 3 armées nationales. Il suffirait, pour cela, de changer de paradigmes …

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