La conception modulaire des programmes peut-elle résoudre le problème des exportations d’armes entre Paris et Berlin ?

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Après le président Macron, c’est au tour de la chancelière Merkel d’exprimer son soutien au concept d’armée européenne, dans un discours prononcé devant le parlement européen le 13 novembre.

Si elle appelle à la création d’une armée européenne « complémentaire de l’OTAN », et d’une instance décisionnaire propre, elle a également mis l’accent sur un accord nécessaire concernant les exportations d’armes au niveau des équipements construits en coopération.

On le sait, ce problème apparaît comme une épée de Damoclès sur les différents programmes franco-allemands, comme le SCAF, ou le MGCS, au point qu’il est identifié comme un sujet critique par de nombreux acteurs de ces programmes. Il faut dire que les approches françaises et allemandes sont non pas difficilement conciliables, mais structurellement opposées. En effet, là ou la France privilégie la raison d’Etat et la dimension nécessaire des exportations pour maintenir une industrie de Défense de haut niveau, la position allemande est avant tout dictée par son opinion public, beaucoup plus sensible à ce type de dilemme, que les français.

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Par ailleurs, les relations entre l’Etat fédéral allemand et les industries de Défense sont très différentes de celles en France. Pour les autorités allemandes, l’industrie de Défense est une industrie stratégique tant qu’elle reste bénéficiaire. Si elle ne l’est plus, l’Etat fédéral n’aura pas d’états d’âmes à s’équiper de matériels étrangers, notamment américains. Cette relation particulière explique les atermoiements allemands concernant le choix de l’appareil qui remplacera les Tornados en fin de vie, comme au sujet de l’exclusion de TKMS de l’appel d’offre concernant les nouvelles frégates de la Marine Allemande. 

Coté français, au contraire, l’autonomie stratégique reste une priorité absolue, et le gouvernement n’envisagera de s’équiper de matériels importés qu’en de très rares exceptions, de sorte à maintenir les capacités de cette industrie qui emploie 200.000 personnes sur l’hexagone, et génèrent prés de 10 Md€ par an d’exportations. Evidemment, les points de friction entre les deux positions sont inévitables, et peuvent constituer une cause d’échec pour les programmes franco-allemands, comme de nombreux programmes de coopération en Europe, les deux positions étant représentatives de celles de très nombreux pays européens.

La solution visant à espérer qu’un des deux acteurs ne renonce à sa ligne politique est, évidemment, irréaliste. L’épisode saoudien de ces dernières semaines est là pour le rappeler. Comment, dans ces conditions, peut-on trouver un compromis acceptable par les protagonistes ?

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La solution pourrait venir non d’un accord politique, mais d’une approche technologique. En effet, aujourd’hui, la majorité des programmes de Défense se compose d’un ensemble de systèmes, rassemblés et connectés dans un système d’arme unique. S’il est naturel que le système d’arme final soit très similaire pour l’ensemble des pays participants, afin de bénéficier au maximum de l’effet de série, rien n’oblige à proposer le même système à l’export.

Ainsi, des programmes comme le SCAF ou MGCS,  pourraient être décomposés en modules, répartis en 3 sous-catégories : 

  • les modules « noyaux » : l’ensemble des modules indispensables au fonctionnement du système d’armes non létaux et non stratégiques. Il s’agit typiquement, dans le cas du SCAF, de la structure de l’appareil, ses commandes de vol, son moteur.
  • Les modules tactiques exportables, à savoir les éléments du système d’armes à propos desquels l’ensemble des acteurs s’engage à ne pas poser de véto d’aucune forme
  • Les modules tactiques critiques, à propos desquels au moins un acteur pourrait interdire l’exportation, quelques soient ses motifs.

Lorsqu’un désaccord concernant les exportations interviendrait, l’ensemble des acteurs serait tenu de respecter leurs engagements en matière de modules noyaux et exportables. En revanche, il serait de la responsabilité des acteurs favorables à l’exportation de proposer des équipements alternatifs concernant les modules critiques. Evidemment, il serait proscrit de proposer des solutions non standards lorsqu’aucun problème lié aux exportations n’aurait été identifié. De même, des clauses de pénalités devraient être intégrées dans l’accord entre états si, pour une raison ou une autre, un des acteurs venait à refuser de respecter ses engagements en matière de modules noyaux et exportables.

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Cette approche permettrait non seulement d’encadrer efficacement les hypothèses liées à l’exportation des systèmes d’armes modernes, mais également d’identifier le positionnement des différents acteurs vis-à-vis des exportations, de sorte à dégager les acteurs y étant opposé tant en matière de communication qu’en matière commerciale ou légale. De quoi relativiser sur l’impossibilité du partenariat franco-allemand ou européen avancé par certains. 

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