jeudi, mars 28, 2024

Missiles guidées et bombes intelligentes, le retour d’expérience russe en Syrie

Depuis son accession au pouvoir en 1999, V.Poutine a entrepris un vaste programme visant à redonner aux forces armées russes un format, un équipement et une capacité opérationnelle permettant à la Russie de retrouver son rang à la tête du concert des nations.

Après l’effondrement de l’Union Soviétique, et les années Eltsine, les forces armées russes, comme l’industrie de Défense du pays, étaient dans un état de déliquescence avancé : soldes non payées, matériels non entretenus, contrats d’armement non exécutés. Les armées russes et les entreprises de Défense étaient alors, à l’image du pays, en proie à tous les trafics, et gangrénées par la corruption.

La première guerre de Tchétchénie, en 94, servira de révélateur de l’effondrement de l’outil militaire qui fit face aux forces de l’OTAN pendant des décennies. Symboliquement, la première mesure publique de V.Poutine lorsqu’il fut nommé premier ministre par Eltsine fut d’aller passer le nouvel an, équivalent à noël en occident, avec les militaires russes.

Devenu président, V.Poutine entrepris de reconstruire conjointement les armées russes et l’industrie de Défense Russes, avec succès, puisqu’en moins de 20 ans, les forces russes sont à nouveaux perçues comme une menace plus que sérieuse par les pays de l’OTAN.

Au delà des hausses de crédits et réorganisation du ministère de la Défense et dans les Etats-Majors russes, remplaçant des apparatchiks par des généraux et amiraux jeunes, innovants et fidèles, comme le célèbre général Gerazimov bien connu des occidentaux, la reconstruction de l’outil défense russe s’est basée sur 2 éléments :

  • Les plans d’équipement décennaux, appelés GPV en Russie, qui encadre les programmes de défense et la montée de puissance de l’industrie défense russe sur une période de 10 ans, tout en préparant les 10 années à suivre. Ainsi, militaires et industriels russes disposent d’une visibilité à 20 ans pour dimensionner et organiser leurs activités et investissements. 
  • L’utilisation des conflits régionaux comme zone d’expérimentation et de retour d’expérience pour les doctrines, les équipements et les hommes.

En effet, les forces armées russes auront connu pas moins de 4 conflits majeurs depuis 2000 :

  • La seconde guerre de Tchétchénie, de 1999 à 2000, fut essentiellement un outil destiné à galvaniser les russes dans une fierté retrouvée
  • La guerre de Géorgie, en 2008, les armées russes déployant un corps d’armée blindé pour éliminer l’armée géorgienne, équipée et entrainée par les occidentaux, mais trop modeste pour s’opposer aux forces russes. 
  • L’annexion de la Crimée et la guerre du Donbass permirent, et permettent encore, d’expérimenter les doctrines de guerres asymétriques, mais également d’expérimenter de nouveaux équipements lourds, la défense anti-aérienne, et la guerre des ondes.
  • Et enfin, la guerre de Syrie, qui servit aussi bien de champs d’expérimentation pour de nombreux nouveaux systèmes, que de camps d’entrainement et d’aguerrissement pour la majorité des militaires russes.

Chaque conflit fut également riche d’enseignements, et donna lieu à de profondes modifications d’équipements et évolution de doctrine. Ainsi, en Tchétchénie, les forces blindées russes montrèrent leur grande vulnérabilité en combat urbain, notamment en raison de la faible élévation des armements. En Géorgie, ce sont les avions d’attaque et hélicoptères qui furent particulièrement exposés. En Syrie comme dans le Donbass, le manque de munition de précision entrava l’efficacité et engendra des dégâts collatéraux très importants, un paramètre important dans des guerres à caractère médiatique.

Et, de fait, les programmes destinés à doter les forces aériennes de bombes intelligentes et missiles guidés se sont multipliés ces dernières années. Parmi eux, le programme 9A-7759 GROMsera destiné à équiper la presque totalité des avions d’attaques et multi rôles de l’armée de l’air et de l’aéronavale russe.

Comme souvent, les russes ont cherché l’efficacité : sans chercher à développer un tout nouveaux système, il ont préféré faire évoluer l’existant, en l’occurrence le missile Kh38, pour étendre ses performances tout en maitrisant les couts. Et comme souvent, l’industrie russe ne s’est pas contentée de réaliser un équipement, mais une famille d’équipements, allant de la bombe planante et missile guidé, disposant d’autodirecteurs multiples, et offrant des charges militaires, une  portée et une précision variables.

Quoiqu’il en soit, la planification Défense russe est exemplaire, comme l’est d’ailleurs celle de la Chine, et devrait inspirer des réflexions en occident, en alliant une vision et des engagements sur le temps long, à une souplesse opérationnelle et conceptuelle avérée, pour conserver, malgré des moyens plus restreints, une capacité militaire très significative.

C’est une des raisons qui explique qu’aujourd’hui, malgré un budget 4 fois inferieurs au budget des pays européens en mati ère de Défense, la Russie dispose d’une force militaire telle que l’Europe doit se ranger sous la protection des Etats-Unis.

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