mardi, mars 19, 2024

La digitalisation du champ de bataille ne doit pas faire oublier l’expérience du GPS

L’allemand RheinMetall a présenté au Salon de l’AFCEA à Bonn, son nouveau système de digitalisation et gestion tactique du champs de bataille TacNets. Comme ses alter-ego comme le programme français SCORPION, TacNets permet de créer un maillage de détection et transmission des informations de toutes les unités pour détecter, connecter et réagir (c’est la base line du système). Le système est conçu pour intégrer de nouveaux senseurs, une évolutivité indispensable dans un environnement en rapide mutation, notamment depuis l’arrivée des drones tactiques. Il permet d’ailleurs, à l’image des réseaux sociaux, de créer des applications pour étendre les possibilités d’analyses spécifiques.

La digitalisation du champ de bataille est devenu un des sujets de travail majeur des Etats-Majors. Son principe de fonctionnement est relativement simple : permettre à de multiples senseurs et acteurs de collaborer et d’échanger des données sur la zone d’engagement, créant une maillage de détection et d’échange de données, consolidant la qualité de ces données, étendant les possibilités d’analyses dans un système robuste, résistant à l’attrition. C’est typiquement le cas du système SCORPION qui équipera les véhicules de combat et les fantassins de l’Armée de Terre Française à partir de l’année prochaine.

Cette technologie permettra non seulement de diffuser une vision claire et précise du champ de bataille à toutes les composantes de la force, mais également de coordonner les actions tactiques, maximisant leur efficacité en minimisant les risques. 

Toutefois, de telles promesses rappellent celles qui étaient faites sur l’utilisation des armes guidées par GPS et du système de navigation lui-même. Capable de se positionner au mètre prêt, le GPS révolutionna la navigation, qu’elle soit aérienne, navale ou terrestre, et donna jours à de nombreuses familles de munitions guidées qui, connaissant précisément leur position, et celle de la cible, peuvent s’y diriger parfois même en usant du terrain pour masquer son arrivée. Le système était si performant que plusieurs forces armées négligèrent d’entrainer leurs forces à un environnement sans GPS. 

La surprise fut donc totale lorsque l’adversaire déploya des dispositifs capables de brouiller le signal GPS sur d’importantes zones, comme ce fut le cas dans le Donbass ou les forces Ukrainiennes affrontèrent des rebelles et paramilitaires pro-russes équipés et entrainés par l’armée russe. Ainsi, les drones tactiques ukrainiens, de fabrication américaines, se retrouvèrent incapables de naviguer ni de transmettre des informations utiles, lorsqu’ils ne tombaient pas tout simplement aux mains de l’adversaire. Et en effet, la Russie, comme la Chine, a désormais la capacité à créer d’importantes bulles de brouillage GPS. Ce fut notamment démontré lors de l’exercice Zapad-2017 durant lequel les GPS en Pologne, dans les pays Baltes et en Finlande furent rendus inopérants pendant quelques heures du fait d’un brouillage du signal satellite dont l’origine fut attribuée aux forces russes en manœuvre.  

Soudain, les Etats-majors se sont rendus comptes que la majorité des stocks de munitions aériennes étaient à guidage GPS, ou que les pilotes et militaires ne savaient plus naviguer sans le précieux sésame. En d’autres termes, un pan entier des capacités militaires des forces occidentales était inutilisable ou rendu inefficace du fait du déni de service imposé par le brouillage russe.

L’histoire risque fort de se répéter si les Etats-majors, mais également les industriels, accordent trop d’importance à la digitalisation du champ de bataille. Comme pour le GPS, les liaisons de ces systèmes peuvent être brouillées, voir, pourquoi pas, hackées ou interceptés. Les allemands étaient absolument certains qu’Enigma était inviolable, pourtant l’équipe d’Allan Turing était parvenu à la déchiffrer dés 1942. Il est donc indispensable que les armées maintiennent des capacités tactiques en mode dégradé, sans avoir recours à ces systèmes, et donc de disposer des équipements et de l’entrainement nécessaires à cette hypothèse.

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