La crise Syrienne montre les limites de la LPM

- Publicité -

De nombreux articles, plus ou moins bien informés, ont tenté de présenter les différents moyens dont disposerait la France contre la Syrie, en tenant compte du facteur russe. Pour synthétiser, aujourd’hui, la France peut mobiliser ses Frégates FREMM capables de lancer le missile de croisière naval MdCN, et/ou lancer un raid de chasseurs Rafale équipés de missiles SCALP. En revanche, la France n’aurait ni la possibilité d’effectuer des frappes soutenues, surtout en l’absence du porte-avions Charles de Gaulle, ni de soutenir des représailles de la part des forces russes.

Cette crise montre les limites que les forces armées françaises, et de leurs équipements, ont été conçues et dimensionnées pour les opérations de faible ou moyenne intensité, mais pas pour soutenir un combat de haute intensité. Et malheureusement, la LPM 2019-2025, si elle corrige de nombreuses défaillances pour nos armées, ne prend pas en compte cette menace « haute intensité Â» qui, aujourd’hui, s’impose en Syrie, comme à la frontière Russe, ou dans le Pacifique.

Cette Loi de programmation marque un changement radical de trajectoire de l’effort de Défense de l’Etat, avec une hausse de presque 50% du budget des armées en 7 ans, après des années d’un abandon. Il est donc délicat de « critiquer Â» cette initiative. En revanche, eu égard aux évolutions très rapides des menaces pouvant toucher directement la nation, et en prenant en compte les données socio-économiques en France de l’Industrie de Défense et des Armées, il serait nécessaire, mais possible, de renforcer la composante « haute intensité Â» des armées sans demander un effort supplémentaire à l’Etat, et sans remettre en cause les trajectoires de la LPM, par ailleurs absolument nécessaires.

- Publicité -

Augmenter les programmes majeurs pour réduire l’effort de Défense

Ce titre peut sembler être une oxymore : comment peut-on augmenter un poste de dépense et clamer que cela coutera moins cher à l’Etat ? Je ne ferai une démonstration du Principe de Défense à Valorisation Positive, d’autant qu’une série d’articles est en cours pour introduire le sujet. Nous admettrons donc que le Retour sur Investissement Fiscal de l’Etat concernant l’achat d’équipements majeurs est égal à 150%, hors considérations d’exportation. Le reste de l’effort de Défense a un RIF égale à 35%, c’est à dire le RIF constaté pour de l’injection directe dans le circuit consommation (cas du salaire des fonctionnaires par exemple). Lors des 5 premiers années de la LPM, la croissance du budget sera de 600 millions d’Euro concernant les programmes d’équipement, et de 1,1 Md€ pour le reste. En appliquant les valeurs ci dessus, nous avons un retour fiscal de :

(1100×0,35)+(600×1,5) = 1.285 millions d’Euro pour 1.700 millions de dépenses, soit une perte annuelle de 415 millions d’euro. 

- Publicité -

En conservant les 1100 millions indispensables, mais en faisant croitre le budget équipement à 1,2 Md€, nous obtenons un retour fiscal égal à :

(1100xO,35)+(1200*1,5) = 2.185 millions d’Euro pour 2,300 millions d’euro de dépense, soit une perte annuelle ramenée à 115 millions d’Euro.

Dans cette approche, le cout réel pour l’Etat, son effort de Défense, a donc diminué de 8,4 Md€ sur les 7 années de la LPM, les deux dernières années étant inchangées,, alors que les investissements pour les équipements auront augmenté de 16,8 Md€, permettant de financer les besoins en équipements de haute-intensité. A noter que les 8,4 Md€ économisés par cette approche sont basées sur des valeurs par défaut, ne prenant pas compte des effets économiques secondaires, no des effets sur les exportations d’une augmentation des commandes domestiques. Or, de récents exemples montrent que les programmes domestiques influences sensiblement les options de négociations des programmes de Défense à l’export : C’est le cas des blindés SCORPION en Belgique, ou des sous-marins U212 NG Allemands en Norvège, et possiblement aux Pays-Bas.

- Publicité -

Quels équipements supplémentaires financés lors de la LPM

Nous partirons du principe que cette augmentation de crédits est dédiée à des programmes permettant l’amélioration des capacités « haute intensité Â» des armées françaises. Sur la base de 5 Md€ par armée sur la période, nous pourrions ainsi financer :

Armée de terre

  • + 250 Chars Leclerc modernisés SCORPION pour un total de 450 unités
  • + 450 VBCI 2 dont 150 équipés de tourelles T40 et équipés SCORPION, destinés à soutenir l’engagement haute intensité
  • +  50 CAESAR lourds, soit 82 au total
  • + 25 Hélicoptères Tigres HAD
  • + 35 Hélicoptères NH90 Caïman
  • Cette approche permet de passer de 2 à 4 brigades blindées lourdes

Marine Nationale

  • + 2 FREMM ASM Ext (48 VLS Longs)
  • + 3 FTI Ext  / 5 FTI -> 5 FTI Ext (32 VLS longs +CIWS)
  • 2 FREMM DAR -> 2 FREDA (48 VLS longs + CIWS)
  • 10 Rafale M
  • 10 NH90 NFH
  • Cette approche permet de passer de 15 à 20 Frégates de 1erRang dont 16 à capacité ASM, 4 FDA et 8 Frégates de protection anti-aérienne et anti-missile (FTI/Aster30Block1NT)

Armée de l’Air

  • + 30 Rafale pour un total de 58 Rafales sur la LPM
  • + 3 A330 MRTT
  • + 2 Batteries SAMP/T Mamba
  • Modernisation M2000D -> 2000D + Capacités AA – Mica IR
  • Modernisation / prolongation M2000-5
  • Cette approche permet de maintenir en 2025 le nombre de chasseurs de l’AA au dessus de 250 appareils, permettant l’engagement de 25 appareils simultanément en OPX.

Il est évident que ces renforcements demanderont une augmentation des ressources humaines des armées, mais cette croissance peut être financée par les 8,4 Md€ sauvegardés par le modèle économique. De fait, à périmètre financier égal pour l’Etat, les armées Françaises pourraient sensiblement renforcer leurs capacités militaires haute intensité, augmentant la dissuasion conventionnelle française, et collective. Car une France militairement plus forte peut impulser la dynamique pour plus d’Europe dans la Défense du continent, pour peu que celle-ci s’investisse d’avantages dans les crises frontalières qui menacent nos alliés.

Conclusion

Le but de cet article n’est pas de faire une liste des besoins non couverts par la LPM, mais de montrer que, en changeant la perception de la construction budgétaire de l’effort de Défense, il est possible de trouver, à périmètre égal, des ressources permettant d’ouvrir des opportunités pour renforcer la Défense nationale, tout en renforçant l’industrie de Défense et le rôle dynamisant de la France dans la construction de l’Europe de la Défense.

Pour ce qui est de la démonstration de la Défense à Valorisation Positive, reportez-vous aux articles publiés chaque samedi sur mon compte LinkedIn, jusqu’à la Conférence du 12 Juin 2018 à 14 :00 organisée par le GICAT lors du salon EUROSATORY 2018. 

- Publicité -

Pour Aller plus loin

RESEAUX SOCIAUX

Derniers Articles